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La transposition dans l?ordre juridique national des directives cemac : une analyse sous le prisme de la pratique europeenne

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par GABRIEL CEDRIC MBOGNE CHEDJOU
Université de Yaoundé II/ Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master en relations internationales option intégration régionale et management des institutions communautaires 2012
  

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A- Un acte singulier dans son usage et dans sa nature

La directive porte avant tout les caractéristiques de tout acte juridique de droit communautaire (2) même si son usage au sein des communautés comme la CEMAC peut être particulier (1).

1- Les particularités relatives à l'usage de la directive

La directive, vise l'harmonisation des législations nationales. Toutefois, elle procède par rapprochement des législations nationales, lorsque les différences entre ces dernières nuisent au bon fonctionnement du marché commun. L'objectif est alors l'articulation des normes et pratiques nationales, autour de définitions et de principes directeurs communs, c'est donc rechercher l'unité du droit communautaire tout en préservant la diversité des particularités nationales64 ; un exemple peut notamment être pris avec la directive CEMAC sur la TVA qui se fonde sur les législations nationales en matière de TVA, pour édicter des principes directeurs contenus dans le texte communautaire. La directive contrairement au règlement est alors un instrument d'harmonisation par rapprochement et non par unification (qui elle vise à imposer dans les Etats membres une nouvelle législation unique dans le

62 Entre un an et deux ans, prescris dans les directives adoptées en 2008.

63 KENFACK (J.), Op.Cit. p.110.

64 BORCHARDT (K-D.), l'ABC du droit communautaire, Offices des publications officielles des Communautés Européennes, Luxembourg, 2000, p. 69.

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domaine visé), elle permet ainsi dans certains cas contrairement au règlement, la sub sistance dans les Etats membres de la législation antérieure sous réserve de son adaptation65.

« Mais la directive intrigue, dérange, divise, selon une formule consacrée »66, par la singularisation de son emploi, notamment rehaussée par la confusion dont elle peut faire preuve. En effet, il arrive que le résultat visé par la directive soit défini de façon si précise, qu'aucune marge de manoeuvre n'est laissée aux Etats67, entrainant une sorte d'amalgame entre directive et règlement ; la directive peut opérer ainsi un glissement et réaliser une unification et non un rapprochement, un état de fait certes absent au sein de la CEMAC, mais qu'entretient le juge communautaire dans le cadre des communautés européennes68.

En outre, il existe au sein de l'UE ce que l'on appelle « les directives d'harmonisation totale »69, une méthode d'harmonisation consistant en l'impossibilité pour les Etats membres d'adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par la directive, des dispositions différentes de celles de cette dernière, entrainant une certaine occultation de la nature première de la directive, à savoir sa composante finaliste.

On peut considérer enfin, que la directive par sa manière de lier les Etats membres, est notamment le reflet de la volonté d'atténuer l'intrusion de la communauté dans les systèmes juridiques nationaux70. Elle vise à régir des secteurs assez sensibles du marché commun comme la fiscalité, l'immigration dans les Etats membres, le code du travail, la protection sociale, le droit d'établissement, d'où la souplesse de son régime juridique.

Elle opère alors pour se faire, dans cette mission d'harmonisation, un partage des compétences entre la communauté et les Etats membres, au niveau de la communauté résident les compétences d'édiction des objectifs consacrés par la directive communautaire, et au niveau national il revient à chaque Etat d'adapter l'ordre juridique interne aux exigences

65 C'est notamment le cas avec les directives CEMAC sur la tva et les droits d'accises, sur l'impôt sur les sociétés et sur l'impôt sur les revenus des personnes physiques, qui n'ont demandé dans les Etats membres qu'une mise à jour dans les secteurs visé et non l'adoption d'un nouveau code général des impôts.

66 MONJAL (P-Y.), les normes de droit communautaire, Paris, PUF, 2000, p. 33.

67 Une possibilité qui vise surtout les normes techniques et la protection de l'environnement. Voir BORCHARDT (K-D.), Op.Cit. Loc.Cit.

68 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 110-111.

69 ROCHFELD (J.), « les ambiguïtés des directives d'harmonisation totale. La nouvelle répartition des compétences communautaire et interne à propos de l'arrêt de la CJCE du 4 juin 2009 », Chronique, Recueil Dalloz N°30/ 739 1e, 2009, p. 2047.

70 BORCHARDT (K-D.), Op.Cit. Loc.Cit.

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communautaires. Cela n'occulte en rien le fait que directive revêt les caractéristiques principales de tout acte juridique de droit communautaire.

2- Les particularités inhérentes à la nature originale de la directive

La directive communautaire est un acte juridique de droit communautaire dérivé71, classé dans la nomenclature officielle72. A ce titre, la directive revêt avant tout les caractéristiques qui lui viennent de sa nature d'acte juridique de droit communautaire : la primauté et l'applicabilité directe.

La primauté du droit communautaire est explicitement consacrée par le Traité CEMAC révisé en son article 44, qui dispose que : « ..., les actes adoptés par les Institutions, Organes et Institutions Spécialisées de la Communauté pour la réalisation des objectifs du présent Traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure », une formule assez proche de celle adoptée par le législateur UEMOA, notamment à l'article 6 du Traité révisé qui dispose que : « Les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ». Les législateurs communautaires CEMAC et UEMOA en consacrant ce caractère, ont bien entendu s'inspirer de la jurisprudence de la CJCE, qui sacralise la primauté du droit communautaire pour la première fois dans l'arrêt Costa /c ENEL du 15 juillet 196473, car en effet, « la construction communautaire serait menacée si les normes communautaires ne se voyaient pas reconnaitre une supériorité sur les règles nationales des Etats membres »74.

Cette primauté vaut notamment pour toutes les sources du droit communautaire, et vis-à-vis de toutes les normes de droit interne, les Etats ne pourront donc pas invoquer une norme

71 Droit communautaire dérivé unilatéral par opposition au droit communautaire dérivé conventionnel. Le premier est notamment l'oeuvre de la communauté, de ses organes et institutions, tandis que le second est l'oeuvre de la communauté avec des entités tiers ; c'est l'exemple des accords commerciaux comme les Accords de Partenariat Economique entre la CEMAC et l'UE. Voir également YEHOUESSI (Y-D.), « l'application du droit international dans l'ordre juridique des Etats francophones ouest africains : le cas du droit communautaire de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine », Cour de justice de l'UEMOA, LES ACTES DU COLLOQUES DE OUAGADOUGOU, 24 -26 juin 2003, p. 349.

72 Voir article 41 du traité CEMAC révisé ou 21 de l'additif au traité CEMAC du 16 mars 1994.

73 Aff. 6/64.

74 PELLET (A.), « les fondements juridiques internationaux du droit communautaire », in : Collected Courses of the Academy of European Law, Academy of European Law (ed.), volume V, Book 2, 1997, p.261.

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de droit interne, même constitutionnelle, pour empêcher l'application d'une directive communautaire. La directive communautaire acquiert alors automatiquement le statut de droit positif dans les Etats membres, elle est susceptible de créer par elle même des droits obligations pour les particuliers, et même de prendre place en droit national avec rang de priorité sur toutes les autres normes internes.

L'applicabilité directe quant à elle, pour certains auteurs, se présente sous deux aspects, l'applicabilité immédiate et l'effet direct.

L'applicabilité immédiate est présente dans les textes communautaires originaires, notamment à la lecture des articles 44 du traité CEMAC révisé et 6 du traité UEMOA révisé ; elle n'est donc pas un souci pour le Cameroun, Etat moniste75, tout comme la France par exemple, dont le Conseil Constitutionnel et le Conseil d'Etat ont admis que les règlements avaient force obligatoire dès leur publication sans aucune intervention des autorités nationales, conformément à l'article 249 du TCE76.

L'applicabilité immédiate signifie que l'application du droit communautaire par les Etats membres exclue toute mesure de réception, les dispositions et les actes juridiques du droit communautaire pénètrent les ordres juridiques nationaux sans le secours d'aucune mesure nationale d'introduction. A titre d'illustration, l'article 43 al 2 du traité CEMAC révisé dispose que : « Les directives et les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet le lendemain de cette notification », la directive CEMAC entre donc en vigueur dès le lendemain de sa notification aux Etats membres, et la transposition fait ici office d'exécution et non de réception.

L'effet direct pour sa part, signifie que les règles de droit communautaire déploient la plénitude de leurs effets de manière unanime dans tous les Etats membres, à partir de leur entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité77. Les normes communautaires créent alors des droits et obligations dans le chef des particuliers (personnes physiques et morales), qu'ils peuvent invoquer devant les juridictions communautaires ou nationales.

75 Voir l'article 45 de la loi du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972.

76 CE 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de Bordeaux ; décisions 89 et 77-90 du 30 décembre 1977 du Conseil constitutionnel.

77 YEHOUESSI (Y-D.), Op.Cit. p.352.

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La CJCE78 précise dans l'arrêt SIMMENTAL, que l'applicabilité directe du droit communautaire ouvre la voie des juridictions communautaire et nationale aux particuliers. Toutefois, dans certains cas, et c'est la conjoncture précise de la directive, l'invocabilité est conditionnée. Celle de la directive est soumise à la transposition (dans les délais prescrits), qui seule permet la mise en oeuvre de cet acte juridique, et donc, lui permet de produire tous ses effets.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci