A- Un acte singulier dans son usage et dans sa nature
La directive porte avant tout les caractéristiques de
tout acte juridique de droit communautaire (2) même si son usage au sein
des communautés comme la CEMAC peut être particulier (1).
1- Les particularités relatives à l'usage
de la directive
La directive, vise l'harmonisation des législations
nationales. Toutefois, elle procède par rapprochement des
législations nationales, lorsque les différences entre ces
dernières nuisent au bon fonctionnement du marché commun.
L'objectif est alors l'articulation des normes et pratiques nationales, autour
de définitions et de principes directeurs communs, c'est donc rechercher
l'unité du droit communautaire tout en préservant la
diversité des particularités nationales64 ; un exemple
peut notamment être pris avec la directive CEMAC sur la TVA qui se fonde
sur les législations nationales en matière de TVA, pour
édicter des principes directeurs contenus dans le texte communautaire.
La directive contrairement au règlement est alors un instrument
d'harmonisation par rapprochement et non par unification (qui elle vise
à imposer dans les Etats membres une nouvelle législation unique
dans le
62 Entre un an et deux ans, prescris dans les directives
adoptées en 2008.
63 KENFACK (J.), Op.Cit. p.110.
64 BORCHARDT (K-D.), l'ABC du droit
communautaire, Offices des publications officielles des Communautés
Européennes, Luxembourg, 2000, p. 69.
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domaine visé), elle permet ainsi dans certains cas
contrairement au règlement, la sub sistance dans les Etats membres de la
législation antérieure sous réserve de son
adaptation65.
« Mais la directive intrigue, dérange, divise,
selon une formule consacrée »66, par la
singularisation de son emploi, notamment rehaussée par la confusion dont
elle peut faire preuve. En effet, il arrive que le résultat visé
par la directive soit défini de façon si précise,
qu'aucune marge de manoeuvre n'est laissée aux Etats67,
entrainant une sorte d'amalgame entre directive et règlement ; la
directive peut opérer ainsi un glissement et réaliser une
unification et non un rapprochement, un état de fait certes absent au
sein de la CEMAC, mais qu'entretient le juge communautaire dans le cadre des
communautés européennes68.
En outre, il existe au sein de l'UE ce que l'on appelle
« les directives d'harmonisation totale »69, une
méthode d'harmonisation consistant en l'impossibilité pour les
Etats membres d'adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par la
directive, des dispositions différentes de celles de cette
dernière, entrainant une certaine occultation de la nature
première de la directive, à savoir sa composante finaliste.
On peut considérer enfin, que la directive par sa
manière de lier les Etats membres, est notamment le reflet de la
volonté d'atténuer l'intrusion de la communauté dans les
systèmes juridiques nationaux70. Elle vise à
régir des secteurs assez sensibles du marché commun comme la
fiscalité, l'immigration dans les Etats membres, le code du travail, la
protection sociale, le droit d'établissement, d'où la souplesse
de son régime juridique.
Elle opère alors pour se faire, dans cette mission
d'harmonisation, un partage des compétences entre la communauté
et les Etats membres, au niveau de la communauté résident les
compétences d'édiction des objectifs consacrés par la
directive communautaire, et au niveau national il revient à chaque Etat
d'adapter l'ordre juridique interne aux exigences
65 C'est notamment le cas avec les directives CEMAC
sur la tva et les droits d'accises, sur l'impôt sur les
sociétés et sur l'impôt sur les revenus des personnes
physiques, qui n'ont demandé dans les Etats membres qu'une mise à
jour dans les secteurs visé et non l'adoption d'un nouveau code
général des impôts.
66 MONJAL (P-Y.), les normes de droit communautaire,
Paris, PUF, 2000, p. 33.
67 Une possibilité qui vise surtout les normes
techniques et la protection de l'environnement. Voir BORCHARDT (K-D.), Op.Cit.
Loc.Cit.
68 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 110-111.
69 ROCHFELD (J.), « les ambiguïtés des
directives d'harmonisation totale. La nouvelle répartition des
compétences communautaire et interne à propos de l'arrêt de
la CJCE du 4 juin 2009 », Chronique, Recueil Dalloz N°30/ 739
1e, 2009, p. 2047.
70 BORCHARDT (K-D.), Op.Cit. Loc.Cit.
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communautaires. Cela n'occulte en rien le fait que directive
revêt les caractéristiques principales de tout acte juridique de
droit communautaire.
2- Les particularités inhérentes à
la nature originale de la directive
La directive communautaire est un acte juridique de droit
communautaire dérivé71, classé dans la
nomenclature officielle72. A ce titre, la directive revêt
avant tout les caractéristiques qui lui viennent de sa nature d'acte
juridique de droit communautaire : la primauté et l'applicabilité
directe.
La primauté du droit communautaire est explicitement
consacrée par le Traité CEMAC révisé en son article
44, qui dispose que : « ..., les actes adoptés par les
Institutions, Organes et Institutions Spécialisées de la
Communauté pour la réalisation des objectifs du présent
Traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute
législation nationale contraire, antérieure ou postérieure
», une formule assez proche de celle adoptée par le
législateur UEMOA, notamment à l'article 6 du Traité
révisé qui dispose que : « Les actes
arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des
objectifs du présent Traité et conformément aux
règles et procédures instituées par celui-ci, sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation
nationale contraire, antérieure ou postérieure ». Les
législateurs communautaires CEMAC et UEMOA en consacrant ce
caractère, ont bien entendu s'inspirer de la jurisprudence de la CJCE,
qui sacralise la primauté du droit communautaire pour la première
fois dans l'arrêt Costa /c ENEL du 15 juillet 196473, car en
effet, « la construction communautaire serait menacée si les
normes communautaires ne se voyaient pas reconnaitre une
supériorité sur les règles nationales des Etats membres
»74.
Cette primauté vaut notamment pour toutes les sources
du droit communautaire, et vis-à-vis de toutes les normes de droit
interne, les Etats ne pourront donc pas invoquer une norme
71 Droit communautaire dérivé unilatéral
par opposition au droit communautaire dérivé conventionnel. Le
premier est notamment l'oeuvre de la communauté, de ses organes et
institutions, tandis que le second est l'oeuvre de la communauté avec
des entités tiers ; c'est l'exemple des accords commerciaux comme les
Accords de Partenariat Economique entre la CEMAC et l'UE. Voir également
YEHOUESSI (Y-D.), « l'application du droit international dans l'ordre
juridique des Etats francophones ouest africains : le cas du droit
communautaire de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine »,
Cour de justice de l'UEMOA, LES ACTES DU COLLOQUES DE
OUAGADOUGOU, 24 -26 juin 2003, p. 349.
72 Voir article 41 du traité CEMAC
révisé ou 21 de l'additif au traité CEMAC du 16 mars
1994.
73 Aff. 6/64.
74 PELLET (A.), « les fondements juridiques
internationaux du droit communautaire », in : Collected Courses of
the Academy of European Law, Academy of European Law (ed.), volume V, Book
2, 1997, p.261.
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de droit interne, même constitutionnelle, pour
empêcher l'application d'une directive communautaire. La directive
communautaire acquiert alors automatiquement le statut de droit positif dans
les Etats membres, elle est susceptible de créer par elle même des
droits obligations pour les particuliers, et même de prendre place en
droit national avec rang de priorité sur toutes les autres normes
internes.
L'applicabilité directe quant à elle, pour
certains auteurs, se présente sous deux aspects, l'applicabilité
immédiate et l'effet direct.
L'applicabilité immédiate est présente
dans les textes communautaires originaires, notamment à la lecture des
articles 44 du traité CEMAC révisé et 6 du traité
UEMOA révisé ; elle n'est donc pas un souci pour le Cameroun,
Etat moniste75, tout comme la France par exemple, dont le Conseil
Constitutionnel et le Conseil d'Etat ont admis que les règlements
avaient force obligatoire dès leur publication sans aucune intervention
des autorités nationales, conformément à l'article 249 du
TCE76.
L'applicabilité immédiate signifie que
l'application du droit communautaire par les Etats membres exclue toute mesure
de réception, les dispositions et les actes juridiques du droit
communautaire pénètrent les ordres juridiques nationaux sans le
secours d'aucune mesure nationale d'introduction. A titre d'illustration,
l'article 43 al 2 du traité CEMAC révisé dispose que :
« Les directives et les décisions sont notifiées
à leurs destinataires et prennent effet le lendemain de cette
notification », la directive CEMAC entre donc en vigueur dès
le lendemain de sa notification aux Etats membres, et la transposition fait ici
office d'exécution et non de réception.
L'effet direct pour sa part, signifie que les règles de
droit communautaire déploient la plénitude de leurs effets de
manière unanime dans tous les Etats membres, à partir de leur
entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur
validité77. Les normes communautaires créent alors des
droits et obligations dans le chef des particuliers (personnes physiques et
morales), qu'ils peuvent invoquer devant les juridictions communautaires ou
nationales.
75 Voir l'article 45 de la loi du 18 janvier 1996
portant révision de la constitution du 2 juin 1972.
76 CE 22 décembre 1978, Syndicat des Hautes Graves de
Bordeaux ; décisions 89 et 77-90 du 30 décembre 1977 du Conseil
constitutionnel.
77 YEHOUESSI (Y-D.), Op.Cit. p.352.
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La CJCE78 précise dans l'arrêt
SIMMENTAL, que l'applicabilité directe du droit communautaire ouvre la
voie des juridictions communautaire et nationale aux particuliers. Toutefois,
dans certains cas, et c'est la conjoncture précise de la directive,
l'invocabilité est conditionnée. Celle de la directive est
soumise à la transposition (dans les délais prescrits), qui seule
permet la mise en oeuvre de cet acte juridique, et donc, lui permet de produire
tous ses effets.
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