§4. Effectif et structure
Sur la base de l'enquête menée dans le cadre de
cette étude, CTC croit que les FDLR comptent actuellement des effectifs
militaires (y compris la police militaire) d'environ 7300 combattants. Nous
disposons d'une évaluation relativement précise des effectifs de
deux des trois brigades. La brigade du Sud (que les FDLR appellent «
division »), présente dans la province du Sud-Kivu, comptait
approximativement 2 500 hommes en 2006 dont nous croyons qu'environ 2 000
seulement sont restés après les rapatriements, les
défections, les retraites, mais aussi les recrutements
enregistrés récemment. La brigade du Nord, située dans la
province du Nord-Kivu, est actuellement composée d'environ 2 100 hommes.
Donc, les FDLR possèdent en ce moment trois brigades d'environ 2 000
hommes chacune,
20 Hans ROMKEMA, Op. Cit., p. 41
approximativement 500 éléments de la police
militaire, au moins deux compagnies pour protéger le Haut Commandement
situé à Kalonge (Masisi), et une compagnie pour protéger
l'école de formation militaire de Mutembe (au Nord Kivu).
Chaque bataillon semble être composé d'une
unité de CRAP (Commando de Recherche et d'Action en Profondeur, les
commandos des FDLR). Ces unités de CRAP sont chargées des
opérations les plus dangereuses et sensibles, y compris les
infiltrations au Rwanda. Ces unités semblent aussi être
responsables de plusieurs opérations de pillage sur la route
Goma-Kanyabayonga et dernièrement, Kanyabayonga-Lubero. Les combattants
du CRAP sont généralement des jeunes hommes en excellente forme
physique et bien entraînés qui adhèrent à
l'idéologie extrémiste.
Le bataillon de la Police Militaire des FDLR est
concentré dans le Nord du Kivu et est chargé, entre autres
responsabilités, d'assurer la protection du quartier
général et de prévenir la désertion des troupes du
FOCA. La Police Militaire punit sévèrement les déserteurs
et semble être constituée des combattants les plus loyaux et
idéologiquement extrémistes.
Les FDLR étaient, il y a quelques années,
beaucoup plus forts, avec environ 15 000 à 20 000 combattants
armés, d'après les chiffres de 2003 (A titre d'exemple, l'ONG
Internationale Crisis Group estime que le nombre des combattants des FDLR est
de 15000 à 2000 hommes selon son rapport du 23 mai 2003 intitulé
« Rebelles rwandais Hutu au Congo : une nouvelle approche au
désarmement et à la réintégration ». L'ALIR
comptait encore plus d'hommes). La force du FOCA a décru suite à
l'échec des opérations militaires successives, de morts et
blessés, maladies, défections, rapatriements et des retraites
enregistrées parmi les troupes. Tous ces facteurs ont eu un impact sur
la structure de l'armée. Dans le passé, les FDLR étaient
organisées en divisions et en brigades, alors que maintenant elles ne
sont constituées que de brigades (appelées divisions par les
FDLR). De plus, jusqu'à une date récente, chaque brigade
comportait quatre bataillons, les bataillons comprenaient quatre compagnies,
etc. Aujourd'hui, la structure quadrique a été remplacée
par une composition triadique, illustrant la réduction de la taille du
mouvement.
Les civils congolais qui vivent avec les FDLR (et l'ANR) ont
de la peine à évaluer la force exacte des FDLR. Leurs estimations
sont généralement trop élevées à cause des
trois phénomènes suivants:
En appelant les brigades des « divisions », les
bataillons des « brigades », les compagnies des « bataillons
», ainsi de suite, les FDLR gonflent leurs effectifs.
Le FOCA a la réputation d'être une armée
forte, une image qui est entretenue en réprimant catégoriquement
les contestations locales. Cette réputation d'invincibilité
contribue à une surestimation de la force des FDLR (Cette image est
renforcée par les combattants des FARDC qui ne voulaient pas monter des
opérations contre les FDLR, soit par crainte ou parce qu'ils avaient
d'autres activités communes).
Les FDLR ont aussi armé un grand nombre de
réfugiés civils rwandais. Par conséquent, il est difficile
pour les Congolais ainsi que pour les étrangers de faire la
différence entre les civils armés rwandais et le FOCA.
Il est plus difficile d'évaluer le nombre de civils
associés aux FDLR. Le Général Séraphin Bizimungu
(aussi connu sous le nom de Général Mahoro, Amahoro ou Amani),
l'ancien commandant adjoint de la division du FOCA au Sud Kivu et qui a
été rapatrié au Rwanda en 2006, a estimé que le Sud
Kivu pouvait abriter à lui seul environ 20 000 à 25 000 civils
rwandais dont la majorité s'est installée sur le territoire
contrôlé par les FDLR. Il a par ailleurs indiqué qu'il y a
vraisemblablement plus de réfugiés dans le Nord Kivu que dans le
Sud Kivu. D'autres ont fourni des estimations plus élevées. Si
nous considérons que le Général Bizimungu est une source
fiable, alors le nombre total de réfugiés civils rwandais en RDC
peut être situé entre 45 000 et 60 000 hommes. Plus d'un tiers de
ces réfugiés sont dans le Sud Kivu, un groupe un peu plus
nombreux se situe dans le Nord Kivu et le reste ailleurs en RDC, en particulier
à Maniema, Katanga, Kinshasa et dans les Provinces Orientales.
Ce chiffre est légèrement plus
élevé que les chiffres du HCR concernant le nombre de
réfugiés rwandais en RDC, estimé à 50 000 au
début de 2006. Cependant, nous le considérons comme relativement
fiable. Les chiffres
élevés sont justifiés par le fait que
l'on retrouve difficilement un endroit du Kivu où il n'y a pas de
Rwandais. En parcourant les provinces du Kivu, l'on remarque facilement que le
nombre de Rwandais est normalement plus élevé que les estimations
citées ci-dessus.
CTC croit que la plupart des civils qui portent des armes
n'ont pas reçu une formation militaire approfondie. D'habitude, ils
obtiennent leurs armes dans le cadre d'arrangements locaux voire privés
entre les civils et les unités de commandement respectives du FOCA de la
région. Les civils portent des armes surtout pour se protéger
contre les milices congolaises ou les agressions des FARDC. Par
conséquent, ces civils armés ne renforcent pas vraiment la force
militaire des FDLR.
L'adhésion aux FDLR semble obligatoire pour tous les
civils rwandais qui vivent dans les zones contrôlées par le
mouvement (Cette conclusion découle du fait que tous les Rwandais
résidant dans des territoires contrôlés par les FDLR sont
considérés comme des membres du mouvement). Par ailleurs, nous
avons reçu peu de témoignages sur des recrutements forcés
parmi les réfugiés en RDC. Il semble que les
réfugiés du RDC se sont résignés du fait que, aussi
longtemps qu'ils sont des réfugiés, ils doivent montrer leur
attachement et leur force en soutenant le mouvement. Il est également
possible que les réfugiés civils se rendent comptent qu'ils n'ont
pas vraiment le choix, vu le traitement inhumain infligé aux
éléments déloyaux.
Pour terminer, disons quelques mots sur les relations entre la
structure politique européenne des FDLR (surtout basée en Europe
de l'Ouest) et les troupes du FOCA sur le terrain. Bien que nous n'ayons pas
mené de recherche sur les structures des FDLR situées hors de la
RDC, les propos recueillis auprès des personnes interrogées
offrent une image ambiguë de ces éléments. D'une part,
certains membres des FDLR et les commandants du FOCA en RDC reconnaissent le
président du mouvement comme leur seul leader. Toutefois, d'autres
reconnaissent le commandant Mudacumura comme le seul défenseur
légitime et crédible de leurs intérêts. Le denier
groupe critique souvent les dirigeants vivant à l'extérieur de
vivre confortablement en Europe, abandonnant leurs militants dans les
forêts congolaises sans leur envoyer les moyens nécessaires au
combat, il est difficile de dire quel
groupe entre les partisans de Mudacumura ou de Murwanashyaka)
est prédominant. Cependant un colonel des FDLR a expliqué que
lors du séjour de Murwanashyaka en RDC après la signature de la
déclaration de Rome, il rendait compte au Général
Mudacumura et n'était pas en position de décider quoi que ce soit
sans consulter le chef militaire.
D'autres structures remarquables des FDLR sont:
1. le Comité directeur (présidé par Dr
Ignace Murwanashyaka (Bonn; Allemagne) et les vice-présidents Musoni
Straton (Bruxelles; Belgique) et le général de brigade Gaston
lyamuremye, alias Byiriniro Victor Rumuli (Mbeshimbeshi; RDC);
2. le conseil de guerre (précédemment
présidé par le général de brigade aujourd'hui
décédé, Kanyandekwe alias Komeza; il était
également le commandant adjoint du FOCA avant son décès
dans des circonstances non élucidées en décembre 2006);
3. le tribunal militaire (présidé par le
Colonel Sebahinzi alias Double Z);
4. le Comité Régional Restreint (comité
politique des exilés);
5. le Comité Régional Élargi (idem);
6. la Commission Electorale Permanente et Indépendante
(pour les élections internes des FDLR);
7. les cellules et les satellites des FDLR dans plusieurs
pays: la République du Congo, la Tanzanie, (Dar es-Salam et Kigoma), le
Soudan, la Zambie, le Cameroun, l'Ouganda, le Zimbabwe, le Mozambique,
l'Afrique du Sud, l'Allemagne, la Belgique, la France, le Norvège, les
Pays-Bas, l'Autriche, la Suisse, le Danemark, le Canada et les
États-Unis.
a. Formation et recrutement
Les FDLR disposent de plusieurs centres de formation, dont
l'école militaire de Matembe (dans la région frontalière
de Masisi-Walikale) qui est leur principal centre de formation. L'école
militaire comprend les sections de formation des officiers et des
sous-officiers. La formation ne se limite pas à cette école. L'on
fait état de l'existence de structures de formation à Nindja et
Mwenga, localités situées au Sud Kivu. Les exemples de formations
suivies en 2006 sont:
· avril-juillet 2006: une formation commando de trois mois
a été organisée à Matembe. 78 commandos ont
été formés.
· juin 2006: un cours sur l'émission de messages a
été organisée à Matembe; chaque unité y a
envoyé 5 candidats.
· juin 2006: un cours de deux semaines sur le service de
renseignement a été dispensé au personnel du quartier
général des FDLR.
· juin 2006: un séminaire d'une semaine a
été organisé pour les cadres des FDLR à Matembe.
· juin 2006: une formation d'un mois pour les magistrats
à Matembe.
· début 2006: formation des commandos (CRAP)
à Butezi au Mwenga. Cette
formation aurait été suspendue pour
disponibilité insuffisante d'instructeurs.
En outre, les FDLR ont commencé à former dans le
Nord Kivu les civils aux techniques militaires de base telles que le camouflage
et le maniement des armes légères. L'objectif de cette formation
est de deux ordres. Premièrement, il s'agit probablement d'augmenter la
capacité militaire des FDLR. Deuxièmement, l'objectif semblerait
de nature idéologique. Plusieurs sources des FDLR indiquent que la
formation sert à endoctriner les femmes, les jeunes et même les
enfants pour en faire des « Interahamwe ».
Plusieurs sources en RDC et au Rwanda ont indiqué que
les FDLR peinent de plus en plus à recruter de nouveaux combattants. Les
recrutements récents n'ont pas permis de rattraper le rythme des
désertions, les victimes et des départs à la retraite, et
la force du FOCA a été réduite à la moitié
environ ou au tiers en 2000. Le recrutement se fait d'abord parmi les
populations de réfugiés et ensuite au Rwanda. Il semble de plus
en plus difficile de trouver parmi les réfugiés des jeunes gens
capables de raffiner les troupes du FOCA. La plupart des jeunes de la
communauté de réfugiés ont déjà rejoint le
FOCA, tandis qu'on signale aussi que les recrues potentielles fuient les zones
sous le contrôle des FDLR pour ne pas avoir à rejoindre le FOCA.
Certains de ces hommes se rendent au Rwanda, un nombre important essaie de
s'intégrer dans la société congolaise ou d'émigrer
vers des pays comme la Zambie et le Malawi.
plusieurs jeunes, en particulier ceux des provinces de
Ruhengeri et de Gisenyi. Aujourd'hui, cela est devenu très difficile.
Ceci s'explique en partie par les contrôles renforcés et de
l'amélioration de l'activité de renseignement de la part du
régime rwandais. Plus important est le fait que la majorité de la
population civile rwandaise a cessé de soutenir les FDLR. Avant
l'opération « Oracle du Seigneur », l'ALIR pouvait compter sur
un certain soutien venant de l'intérieur du Rwanda, mais l'échec
de cette offensive a changé la donne. Au cours de nos discussions avec
les jeunes de Ruhengeri, les jeunes interrogés ont souligné le
fait que, bien que n'étant pas favorable au gouvernement rwandais sur
tous les points, ils préféraient influencer la vie politique de
leur pays la voie démocratique. Ils pensaient que leur «
peuple» occupait tous les postes dans l'administration locale et que cela
suffisait pour le moment. De toute façon, ont-ils affirmé, ils ne
voulaient plus faire la guerre et préfèrent donc compter sur des
avancées dans le processus de démocratisation à
l'intérieur du Rwanda.
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