§2. L'intervention rwandaise en RDC (1998)
En 1998, le Rwanda déploie des troupes dans l'Est de la
République Démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) afin
d'assurer sa « sécurité » face aux extrémistes
hutu qui s'y réfugient. Aux côtés du Rwanda, l'Ouganda et
le Burundi soutiennent la rébellion du RCD/Goma (Rassemblement congolais
pour la démocratie) contre le régime de
Laurent-Désiré Kabila. Toutefois, l'Ouganda prend rapidement ses
distances vis-à-vis de son allié rwandais et des affrontements
sanglants opposent sporadiquement à Kisangani les corps
expéditionnaires des deux pays, entraînant même des tensions
sur leurs frontières communes (1999- 2000). Les autorités
ougandaises négocient directement avec le président congolais
Kabila un retrait qui se fait attendre, laissant le Rwanda, et en partie le
Burundi, supporter seuls l'impopularité de l'occupation de cette
région.
La mort de Laurent-Désiré Kabila en 2000, auquel
succède son fils, Joseph Kabila, ainsi que l'arrivée au pouvoir
de l'administration Bush aux ÉtatsUnis, plus critique que
l'équipe Clinton à l'égard de Kigali, entraînent une
évolution de la situation dans la région. Après la
signature d'un accord de paix avec l'Ouganda en novembre 2001, le Rwanda signe
un accord historique avec la RDC en juillet 2002 : les forces congolaises
s'engagent à procéder au regroupement et au désarmement
des miliciens extrémistes hutu, tandis que le Rwanda s'engage à
retirer ses troupes. Au mois d'octobre suivant, le Rwanda affirme avoir
rapatrié la totalité de son contingent.
§3. Statut des réfugiés
La Convention relative au statut des réfugiés a
été Adoptée le 28 juillet 1951 par une conférence
de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des
apatrides convoquée par l'Organisation des Nations Unies en application
de la résolution 429 (V) de l'Assemblée générale en
date du 14 décembre 1950. Elle est Entrée en vigueur : le 22
avril 1954, conformément aux dispositions de l'article 43.
A. Aux fins de cette Convention, le terme
"réfugié" s'applique à toute personne :
Qui, par suite d'événements survenus avant le
premier janvier 1951 et craignant avec raison d'être
persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de
ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la
nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se
réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de
nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa
résidence habituelle à la suite de tels événements,
ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
Dans le cas d'une personne qui a plus d'une
nationalité, l'expression "du pays dont elle a la nationalité"
vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas
considérée comme privée de la protection du pays dont elle
a la nationalité toute personne qui, sans raison valable fondée
sur une crainte justifiée, ne s'est pas réclamée de la
protection de l'un des pays dont elle a la nationalité.
B. 1) Aux fins de la présente Convention, les
mots "événements survenus avant le premier janvier 1951" figurant
à l'article 1, section A, pourront être compris dans le sens de
soit a) "événements survenus avant le premier janvier
1951 en Europe", soit b) "événements survenus avant le
premier janvier 1951 en Europe ou ailleurs"; et chaque Etat contractant fera,
au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, une
déclaration précisant la portée qu'il entend donner
à cette expression au point de vue des obligations assumées par
lui en vertu de la présente Convention.
C. Cette Convention cessera, dans les cas ci-après,
d'être applicable à toute personne visée par les
dispositions de la section A ci-dessus :
Si elle est retournée volontairement s'établir
dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée
de crainte d'être persécutée; ou
Si, les circonstances à la suite desquelles elle a
été reconnue comme réfugiée ayant cessé
d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer
de la protection du pays dont elle a la nationalité ;
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas
applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser
:
a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de
guerre ou un rime contre l'humanité, au sens des instruments
internationaux élaborés pour prévoir des dispositions
relatives à ces crimes ;
b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors
du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés
;
c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires
aux buts et aux principes des Nations Unies.
Article 2. -- Obligations
générales
Tout réfugié a, à l'égard du pays
où il se trouve, des devoirs qui comportent notamment l'obligation de se
conformer aux lois et règlements ainsi qu'aux mesures prises pour le
maintien de l'ordre public.18
Conformément aux dispositions de ces statuts, en
autorisant aux FDLR d'entrer librement dans La République
démocratique du Congo avec leurs
18 Convention relative au statut des
réfugiés, Adoptée le 28 juillet 1951 par une
conférence de plénipotentiaires sur le statut des
réfugiés et des apatrides convoquée par l'Organisation des
Nations Unies en application de la résolution 429 (V) de
l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1950,
Articles 1 et 2.
armes, a été pour les autorités de ce
pays une faiblesse et un manquement grave au devoir lié à la
protection de leurs citoyens. Ce fait de pénétrer comme
réfugiés armés dans un pays voisin prédisposaient
déjà ces fils du Rwanda à commettre des crimes. Cela n'a
pas tardé, et conformément aux articles 1er et
2ème du statut ci haut cité, ils ont perdus de plein
droit la qualité des réfugiés.
Par conséquent, la RDC devrait les considérer
comme ennemis du pays et en tirés toutes les conséquences
possibles relatives à la protection des sa population, de son
territoires, de sa flore et faune ainsi que de ses frontières. Chose que
jusqu'aujourd'hui nous considérons à notre humble avis qu'elle
n'a jamais été faite.
Tel que nous venons de le constater, ceux qui étaient
auparavant des réfugiés sont devenus au contraire, des criminels
avérés contre les nationaux.
44 Section II : Les réfugiés devenus
FDLR
Au lendemain du génocide rwandais de 1994, plus de deux
millions de Hutu rwandais se réfugièrent dans les pays voisins,
la majorité d'entre eux en RDC (Zaïre). La plupart des
réfugiés étaient des civils ordinaires, menés par
leurs anciens dirigeants, des fonctionnaires, une grande partie des Forces
Armées Rwandaises (ex-Far) et un grand nombre des miliciens
Interahamwe.
Immédiatement après la fermeture de la zone
Turquoise en juin 2004, une initiative française avalisée par les
Nations Unies, les fugitifs du régime de Habyarimana et du groupement
politique qui a orchestré le génocide créèrent un
gouvernement rwandais en exil dans les camps de réfugiés de l'Est
de la RDC (Les dirigeants de ce gouvernement reconstitué étaient
les mêmes que ceux qui avaient dirigé le Rwanda pendant le
génocide (après que l'avion du président Habyarimana ait
été abattu) : l'ancien président Théodore
Sindikubwabo et l'ex-premier ministre Jean Kamanda. Le chef d'état-major
des FAR, le Général Augustin Bizimungu a également
gardé ses fonctions au sein des ex-FAR/Interahamwe reconstituées
et tous les autres dirigeants militaires de la nouvelle armée
reconstituée étaient aussi des officiers des anciens FAR). La
majorité des réfugiés fortunés, dont beaucoup
étaient personnellement accusés de génocide,
continuèrent leur fuite vers des destinations telles que la France, la
Belgique. Le Canada ou des pays africains francophones qui leur offraient la
sécurité et un exil confortable.
Ce départ signalé de plusieurs
génocidaires bien connus conduisit à un changement dans
l'organisation politique des réfugiés en RDC. En mars 1995, un
groupe de responsables militaires (et quelques dirigeants politiques dont un
certain Nzavahimana était apparemment le plus important) créa le
Rassemblement pour le Retour des Réfugiés Rwandais [RDR, Ce
rassemblement était aussi connu sous le sigle de RDR (Retour
Démocratique au Rwanda)]. L'objectif du RDR, outre le retour et la
restauration d'un gouvernement à majorité Hutu au Rwanda,
était de marquer une certaine distance entre les réfugiés
restés dans les camps de réfugiés de la RDC et les
organisateurs du génocide qui s'étaient enfui vers des pays
tiers. D'après plusieurs anciens officiers des FDLR, le RDR était
idéologiquement moins extrémiste que le gouvernement en exil.
Entre 1995 et 1996, le RDR lança des opérations
militaires au Rwanda et essayèrent d'augmenter ses capacités
militaires par des recrutements et des exercices d'entraînement dans les
camps des réfugiés en RDC. Le RDR se procurait des armes et
munitions auprès des soldats des Forces Armées Zaïroises
(FAZ) d'alors, l`armée du Zaïre du temps du président Mobutu
(Les ex-FAR avaient également traversé la frontière avec
la quasi-totalité de leur arsenal militaire pendant leur fuite du Rwanda
en 1994). Les opérations d'insurrection lancées contre le Rwanda
de 1994 à 1996 étaient concentrées dans les provinces de
Cyangugu, Kibuye, Ruhengeri et Gisenyi à l'Ouest du Rwanda. Au
début, le RDR évita toute confrontation directe avec l'APR et
privilégia des attaques qui perturbaient la vie quotidienne dans les
quatre provinces frontalières de l'Ouest. A titre d'exemple ils posaient
des mines sur des pistes rurales ou attaquaient des voyageurs sur la route
Kigali-Gisenyi. En outre, ils recrutaient au Rwanda, en partie de force, en
particulier dans les provinces de Ruhengeri et Gisenyi. L'on enregistrait aussi
des cas de tueries ciblées, les victimes étant principalement des
civils Tutsi.
La majorité des miliciens lnterahamwe et un grand
nombre de jeunes hommes venant des camps de réfugiés et du Rwanda
étaient recrutés et entraînés dans les camps de
réfugiés protégés par les FAZ et
gérés par le HCR et d'autres organismes humanitaires. La
direction de cette nouvelle armée était principalement
composée des officiers des ex-FAR, de la Gendarmerie et de la Garde
présidentielle. Certaines informations indiquent que durant cette
période les miliciens rwandais comptaient jusqu'à 70.000 hommes.
Malgré leurs origines diverses, les miliciens étaient
généralement appelés Interahamwe ou ex -FAR
lnterahamwe.19
Après que l'Armé Patriotique Rwandaise (APR),
avec l'appui de l'AFDL et d'autres alliés, ait attaqué et
démantelé les camps de réfugiés à la mi1996,
une partie de la milice contraignit des centaines de milliers de
réfugiés à les suivre encore plus à
l'intérieur du Zaïre. Certains de ces groupes composés de
miliciens et de réfugiés se cachèrent dans les
forêts des provinces du Kivu, tandis que d'autres continuèrent
à pied jusque dans la partie occidentale du Zaïre, parfois jusqu'en
Angola et en République du Congo. Pendant cette période, le
19 M. KALULAMBI, Transition et Conflits politiques
au Congo-Kinshasa, éd. KARTHALA, Paris, 2001, p. 310.
commandement central de la milice s'effondra et chaque
unité essaya de s'organiser individuellement. D'après certaines
estimations, un million de réfugiés rwandais sont rentrés
au Rwanda tandis qu'environ 200 000 ont fui vers l'intérieur du
Zaïre et jusqu'à 30 000 combattants miliciens et ex-FAR ont
été rapatriés au Rwanda.
Il apparaît que les plus modérés parmi les
anciens militaires et réfugiés qui n'avaient pas
été rapatriés sont restés à l'Est du
Zaïre tandis que les plus extrémistes se sont retirés vers
l'Ouest du Zaïre et au-delà. Un ancien combattant a expliqué
que la différence entre ceux qui ont fui à l'autre bout du
Zaïre et ceux qui sont restés dans les provinces du Kivu en 1996
était que les « fuyards » échappaient non seulement
à l`APR mais aussi à la justice, tandis que ceux qui restaient au
Kivu s'attelaient à réaliser leur objectif politique de renverser
le gouvernement du Rwanda. La plupart de ceux qui ont fui vers l'Ouest ont
rejoint des pays voisins du Zaïre, dont la République du Congo
où plusieurs camps de réfugiés furent créés
et un nombre considérable d'exilés rwandais ont combattu aux
côtés du Président Sassou Nguesso contre les forces de
Pascal Lissouba.
La coordination au sein des forces survivantes du RDR a
été graduellement rétablie en 1997 et a conduit à
la création, la même année, de l'Armée de
Libération du Rwanda (ALIR) ainsi que son aile politique, le PALIR. La
distance séparant les différentes unités a bientôt
conduit à la division de facto de l'ALIR. Les groupes qui
opéraient dans l'Est de la RDC sont devenus ALIR-I tandis que les forces
de l'ALIR-ll opéraient à l'Ouest de la RDC, en République
du Congo, en Angola et peut-être au Burundi et en Tanzanie.
Une antenne du groupe de l'Ouest créa les FDLR en mai
2000 dans la ville de Lubumbashi située au Sud de la RDC. Initialement,
ses membres se limitaient aux Rwandais qui avaient combattu aux
côtés du gouvernement de la RDC après 1998 lors de la
seconde guerre du Congo. A l'Est de la RDC, les rebelles rwandais
opposés au gouvernement du Rwanda ont continué sous la
bannière de l'ALIR (ALIR-l) jusqu'au début de 2002. Au
début, ils ne reconnaissaient pas le nouveau mouvement qui, de leur
point de vue, n `était pas réellement un groupe
d'intérêt rwandais, mais un mouvement suscité par le
président de la RDC d'alors, Laurent Désiré Kabila. Ils
ont changé de position quand le gouvernement des EtatsUnis ajouta l'ALIR
à la liste des organisations terroristes en décembre 2001. Les
branches militaires et civiles des FDLR furent (partiellement)
séparées en septembre 2003 au moment où fut
créée la branche armée: les Forces Combattantes Abacunguzi
(FOCA).
Les FDLR ont essayé de prendre leurs distances par
rapport au génocide de 1994. Le site web du mouvement, ses pamphlets
(Qu'on pouvait trouver à l'Est de la RDC dès 2002) et ses
dirigeants déclarent que les FDLR sont un mouvement de « Rwandais
opprimés et exclus » dont des (Tutsi) survivants du génocide
rwandais. En outre, ils ont proclamé à maintes occasions qu'ils
sont prêts à collaborer avec le TPIR. La tentative de créer
un nouveau mouvement sans rapport avec le génocide était
peut-être sincère pour certains de ses leaders et membres, mais
elle s'est avérée impossible. Tout comme PALIR, les FDLR
dépendent, jusqu'à ce jour, des individus personnellement
impliqués dans la planification et l'exécution du
génocide.
De plus, les suspects du génocide occupent de plus en
plus de postes clés au sein des FDLR. Ceci s'explique par deux facteurs.
En premier lieu, plusieurs membres modérés des FDLR sont
rentrés au Rwanda au cours des dernières années, tandis
que la plupart des déserteurs ont été remplacés par
des cadres plus extrémistes. Deuxièmement, le manque de
succès enregistré récemment tant sur le plan politique que
militaire a conduit à un scepticisme grandissant parmi les troupes et
les officiers des FDLR, ce qui a conduit à un retrait progressif des
éléments modérés de la direction du mouvement.
Paradoxalement, plus les FDLR sont affaiblis par la désertion des
modérés, plus son leadership devient extrémiste.
La déclaration par les FDLR de leur disposition
à collaborer avec la communauté internationale pour livrer les
suspects du génocide à la justice manque de
sincérité. Il n'existe pas d'exemples connus de collaboration
entre le TPIR et la direction des FDLR. De plus, au cours de cette
étude, nous avons reçu à plusieurs occasions des
informations sur au moins deux suspects du génocide connus qui sont sur
la liste des personnes « les plus recherchées » par le
gouvernement des États- Unis et des « suspects en fuite » du
TPIR et qui sont bien protégés par le mouvement à l'Est de
la RDC.
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