V. Pistes d'amélioration du lien entre
l'objectif OMD 2 et le développement
Eu égard aux avancées et aux difficultés
rencontrées dans l'atteinte de l'Objectif 2 des Objectifs du
Millénaire pour le développement, quelles sont les pistes
d'amélioration possibles?
Dans les pays à faible revenu, des orientations plus
fines pourraient être réfléchies en accordant une attention
plus équilibrée entre l'offre de services éducatifs et la
demande d'éducation, << la vérité est entre les deux
» (Vandenberghe, 2010-2011). Nous en citons quelques unes
ci-après.
Apporter de la souplesse dans la définition
et la réalisation de l'objectif OMD 2
La pertinence n'est pas que globale, elle est aussi locale. Le
déploiement des systèmes éducatifs méritent plus
d'attention accordée à la qualité par le biais d'un
rééquilibrage entre l'équité d'accès et
l'équité de résultats basée sur des seuils minimaux
d'acquis d'apprentissage afin de se donner les moyens d' << Instruire
plutôt qu'inscrire » (Duflo, 2010 : 21). La question posée
est dès lors : quels sont les facteurs déterminants d'une
meilleure qualité de l'éducation ? (N. Altinok, 2006).
L'adéquation locale est essentielle et passe par une
stratégie pédagogique renforcée (organisation des
systèmes et de l'école, formation et motivation des enseignants,
méthodes et supports pédagogiques...) à côté
d'une stratégie de gestion.
Il s'agit aussi de considérer l'environnement dans
lequel les systèmes s'inscrivent. << The implication, therefore,
of a poor past aggregate payoff from increased cognitive skills in a perverse
policy environment is not <<don't educate » but rather
<<reform now so that investments (past and present) in cognitive
skills will pay off» » (Pritchett, 2001 : 388). La stratégie
2020, en cours d'élaboration, prévoit des approches
différentiées suivant le niveau de développement des pays
(Banque mondiale, 2010). C'est un premier pas même s'il s'agit à
nouveau d'une approche définie par le haut.
L'objectif OMD 2 pourrait aussi être reformulé en
fonction de ces constats et des moyens disponibles. D. Filmer, A. Hasan and L.
Pritchett (2006), tout en reconnaissant l'utilité de l'objectif
d'éducation pour tous pour avoir pointé le déficit
d'éducation, recommande que chaque pays opère une
transition« from MDG to «MDG with quality»
to MLG34» (2006 : 38). << The question
of the past was «can we get all children in school?» while the
question now is «are youth emerging from the educational system adequately
equipped for their future?» » (2006 : 41).
Inscrire l'objectif OMD 2 dans une approche
systémique locale
En référence à J.-Ph. Peemans (2010) et
à F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur (2003), l'investissement
éducatif pourrait aussi davantage s'inscrire dans un projet de
développement endogène ou territorial.
En référence à J.-E. Charlier (2010-2011)
et à J.-Y. Martin (2006), une plus grande autonomie de mise en oeuvre
pourrait être laissée aux Etats ou à des systèmes de
gouvernance locale en référence à F. Leloup, L. Moyart et
B. Pecqueur (2003). L'opportunité de l'émergence d'un
référentiel de durabilité pourrait aussi être saisie
afin de réinscrire l'école dans le long terme (Charlier,
2010-2011).
Une réflexion autour des savoirs à enseigner en
primaire est particulièrement importante. Il s'agit d'une part, des
savoirs de base universels ou pas, et d'autre part, des savoirs empiriques, des
savoirs liés à l'amélioration du bien-être quotidien
en termes de santé et de ressources.
Une réflexion autour des finalités locales de
l'éducation et de la diversification de l'offre serait aussi utile. La
diversification de l'offre comprend divers degrés se
référant au niveau d'interactivité entre l'école et
la société. Le degré de diversification
s'élève lorsque se manifeste une interactivité
administrative et politique, une interactivité économique, une
interactivité pédagogique et culturelle (Martin, 2006 : 155).
Dans cette même lignée, M.-F. Lange remarque, que << du fait
que l'éducation participe au fonctionnement des sociétés
et peut influencer leur dynamique, qu'il est essentiel que les politiques
éducatives accordent davantage d'intérêt aux
représentations et pratiques éducatives des familles, et qu'elles
parviennent à associer élèves et parents
d'élèves dans le développement de l'éducation
scolaire » (2006 : 181).
Déjà en 1987, A. Vinokur mettait en avant que
<< La seule démarche alternative, difficile, est l'analyse de
chaque système éducatif dans la dynamique de ses rapports
34 Millennium Learning Goal
avec les structures économiques, sociales, politiques
et idéologiques, à la recherche d'une rationalité qui n'a
de sens que globale, dans une perspective de la maîtrise des conditions
propres du développement de chaque société » (1987 :
934).
Se départir de trop de technocratie et
respecter les engagements pris
En référence à J.-E. Charlier, nous
pouvons dire que le risque lié au pilotage par les indicateurs
réside dans l'éloignement dans l'action de la question des
finalités. Bien que l'évaluation puisse être fortement
critiquée à l'instar de ce que relève Y.-Ch. Zarka
<< L'idéologie de l'évaluation est une des grandes
impostures de notre époque parce qu'elle prétend à une
objectivité fondée sur le calcul, la quantification, le chiffrage
»35, elle permet aussi de prendre du recul et de se donner
l'opportunité d'une réorientation. A titre d'exemple, nous citons
les évaluations réalisées par E. Duflo basées sur
le principe des essais cliniques (2010).
L'analyse de l'objectif OMD 2 d' <<Assurer
l'éducation primaire pour tous » nous enseigne aussi de
l'importance de dépasser les injonctions quelques fois contradictoires
des organisations internationales et de maintenir un équilibre entre
l'impatience ou l'exigence de résultats à court terme et
l'instauration d'un cadre de qualité payant sur le long terme.
Par ailleurs, les financements restent une priorité
absolue à respecter.
Et enfin, reconnaître les efforts et les
progrès réalisés et dédramatiser
... pour ralentir la course à l'atteinte d'un objectif
improbable en un délai aussi restreint. Comme le rappelle J.-E.
Charlier, << Il aura fallu deux siècles pour amener les enfants
allemands à l'école... » (Charlier, 2010-2011).
En conclusion, l'amélioration potentielle de l'impact
de l'éducation primaire ou de base sur le développement requiert
une approche de long terme en relation avec des priorités qualitatives
et un questionnement sur les finalités de l'éducation en relation
avec son ancrage territorial. La vraie question serait dès lors :
<< L'école, pour quel savoir et pour quel développement ?
» (Peemans, 17 janvier 2011).
35 Le Soir, Qui veut prendre le pouvoir sur le savoir
?, Propos recueillis par W. Bourton, le 16 mars 2011
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