2. PERSPECTIVE SOCIO-HISTORIQUE
Pour comprendre les enjeux liés au déploiement des
systèmes d'éducation, nous souhaitons, dans cette section,
pointer quelques repères clés de l'histoire de
l'éducation.
2.1. Bref rappel historique de l'histoire de
l'éducation
Des origines de l'éducation
Dans son livre J. Vial rappelle au chapitre premier
consacré à << L'éducation
<<primitive>>>> que << la fonction éducative est
ce qui caractérise le mieux l'espèce humaine : le moyen de
transmettre aux générations ultérieures les acquis du
moment>> (Vial, 1995 : 5). A cette époque, l'éducation est
étendue à toute la vie, elle est naturelle, dégagée
de toute contrainte, déterminée par les nécessités
sociales. Elle vise l'adaptation étroite de l'individu à la
société, elle se fait par le jeu, l'imitation, la participation
à la vie collective et l'initiation. Il aura fallu des
millénaires pour l'invention d'un outil extraordinaire, le langage. Pour
adaptative qu'elle soit, cette forme d'éducation n'en reste pas moins
fermée sur elle-même, << ce qui congédie à la
fois la personne et le reste de l'univers >> (1995 : 6).
Des formes d'éducation plus structurées
apparaissent dès l'Antiquité, au IVème et IIIème
millénaires avant J.-C.. L'éducation dans la vallée du Nil
a pour objectifs << dans un ordre social rigide, ... de conduire à
un métier>> ou d'enseigner la science et la religion,
étroitement liées, aux prêtres, architectes,
médecins et scribes. << Ce privilège de la culture (durera)
jusqu'à l'époque moderne >> (Vial, 2010 : 9).
L'éducation en Perse était réservée à la
noblesse, elle était militaire, étatique et morale.
L'éducation en Chine ancienne basée sur le respect de la
tradition, de l'Etat et de la famille... est influencée, << au
moment où se dessine une certaine émancipation de la masse
populaire et par deux grands philosophes : Lao Tseu et Confusius >>
(Vial, 2010 : 12), le premier dans le but de lutter contre l'ignorance, le
deuxième dans le but d'enseigner une morale basée sur le bonheur
du peuple (Vial, 2010 : 12).
lie la formation des élites en Europe à
la démocratisation de l'enseignement
En réponse aux besoins des cités grecques et de
l'Empire romain, l'école est vouée, à cette époque,
à l'instruction des élites politiques et administratives. Au
Moyen Âge, << la croissance des activités commerciales a
aussi créé une demande d'alphabétisation >> ainsi,
l'instruction est mise à portée des plus pauvres (Troger et
Ruano-Borbalan, 2005 : 11). Il faudra attendre l'époque de la
renaissance, au 16ème siècle, à la faveur de la
création de l'imprimerie et en appui à la montée en
puissance des Etats et à la construction des identités
nationales, pour qu'un réel essor de l'éducation primaire se
réalise (Charlier, 2010-2011 ; Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 13).
Cependant, deux processus d'extension de l'école restent de mise,
l'éducation des élites avec les universités et
l'éducation de la population avec l'école primaire. Il faudra
attendre la fin du 18ème siècle à la faveur de
la révolution et le début du 19ème
siècle pour que plusieurs lois relatives à l'éducation
publique et à l'éducation primaire gratuite et obligatoire soient
adoptées en France. Du point de vue des savoirs enseignés, les
disciplines sont l'orthographe, les poids et les mesures et leurs visées
concernent la constitution d'une identité nationale, les valeurs de la
République et la diffusion de modes de pensées
rationalisés en uniformisant les normes linguistiques, commerciales et
techniques sur tout le territoire. Il s'agit également <<
d'inculquer l'esprit de méthode et de précision indispensable
à la main d'oeuvre des nouvelles entreprises industrielles >>
(Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 32-34). Ce n'est qu'au
20ème siècle, après la seconde guerre mondiale,
que la démocratisation de l'enseignement aux différents niveaux
s'installe
progressivement avec l'avènement des
mathématiques et des disciplines scientifiques en réponse au
besoin de former des cadres scientifiques et techniques nécessaires
à l'affirmation militaire et industrielle du pays comme le souligna le
général de Gaulle (Troger et Ruano-Borbalan, 2005 : 24, 37).
L'éducation en Afrique
subsaharienne
Avant la période coloniale, l'éducation en
Afrique au Sud du Sahara est assurée par la société toute
entière, elle est globale et communautaire. Les savoirs sont transmis
oralement au quotidien par la famille et la collectivité locale en
liaison avec les besoins directs de la société. L'esprit
communautaire, le maintien d'un équilibre, la religion et le
sacré imprègnent l'éducation. Les enfants sont rapidement
associés à la production et aux activités des adultes. Le
programme d'éducation est en phase avec la structure sociétale
locale, il « donnait à l'apprenant un sentiment d'appartenance
à une collectivité, d'identité et d'accomplissement »
(Bah Diallo, 2008 : 5). Deux formes d'éducation formelles coexistent.
D'une part, sous l'influence de l'Islam, des écoles coraniques sont
créées au XVIIème, XVIIIème siècles dans le
but de dispenser des cours de théologie. D'autre part, des maisons
d'initiation implantées dans des bâtiments désignés
à cet effet permettent la pratique des rituels initiatiques dont la
vocation est de former « aux moeurs sociales et culturelles de la tribu
» (Uduku, 2004 : 2).
A partir du XIXème siècle, l'école
calquée sur le modèle occidental s'installe en Afrique durant la
période de la colonisation et est organisée au départ par
les sociétés missionnaires. Implantées principalement dans
les régions pauvres, les objectifs poursuivis sont le
développement socio-économique par la conversion au christianisme
des populations et la dispense de soins médicaux. Avec le
déploiement des gouvernements coloniaux au XXème siècle,
l'Etat renforce progressivement son contrôle sur la politique
éducative. De nombreux établissements scolaires sont construits
et ouverts en théorie à l'ensemble de la population
indépendamment de la confession et de l'origine sociale. Dans les faits,
la politique éducative répond à des objectifs
stratégiques politiques. Ainsi, les écoles sont construites dans
des zones moins isolées, une éducation faite pour les
élites destinées à l'administration coloniale y est
dispensée. Les programmes, déterminés par cette même
administration coloniale, sont dépourvus de contenu africain et les
enseignants sont des expatriés. Les prestigieux bâtiments
scolaires, moins intégrés à la vie communautaire,
incarnent la puissance
coloniale. En termes de résultats, les chiffres parlent
d'eux-mêmes. Selon la Banque mondiale, le taux d'analphabétisme
est supérieur à 90 % et le taux brut de scolarisation primaire
est de 36 % mais avec des fortes disparités sous-régionales et
entre zones urbaines et rurales.
Au moment de l'indépendance, les pays africains ont
hérité << de systèmes éducatifs
inadaptés à leurs réalités » (Bah Diallo, 2008
: 6).
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