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L'éducation primaire comme levier de développement. Analyse critique à  partir de l'Objectif OMD 2: « Assurer l'éducation primaire pour tous »

( Télécharger le fichier original )
par Corinne STEPHENNE
Université catholique de Louvain - Master 120 en sciences de la population et du développement,  2011
  

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2.2. Analyse de la pertinence

Les apports et limites de l'approche par le développement humain

Cette approche recentre les enjeux du développement autour du bien-être de l'individu. L'approche par les capabilités développée par A. Sen a émergé fin des années 80, période se soldant par l'échec des programmes d'ajustement structurel. Elle a le mérite de réintégrer la dimension sociale dans les politiques de développement.

Cette approche rééquilibre les dimensions économique et sociale et parle de < capacité humaine » plutôt que de capital humain. Bien que < les deux orientations placent l'humain au centre des préoccupations... les tenants du <capital humain » tendent à privilégier la fonction d'agents des individus pour autant que celle-ci favorise les possibilités productives... la perspective des capacités met en avant la faculté qu'ont les gens de vivre la vie qu'ils souhaitent et qu'ils ont raison de souhaiter et l'amélioration des choix à leur disposition, pour y parvenir » (Sen, 1999, p. 383). Le capital humain, de son point de vue, n'est qu'un versant de la problématique des capacités humaines, il est associé aux conséquences indirectes des projets de la personne, c'est-à-dire contribuer à une production ou créer une valeur d'échange sur le marché ; les conséquences directes liées aux projets de la personne étant de contribuer à enrichir son existence.

Elle rappelle aussi les finalités élargies de l'éducation < les bénéfices de l'éducation vont au-delà de leur apport au capital humain dans la production de bien » (Sen, 1999, p. 384). D'une même éducation, d'une part, un individu peut tirer avantage de son gain de productivité, de sa valeur de production par un revenu accru et d'autre part, il peut tirer d'autres avantages issus de la lecture, de sa capacité à communiquer, à argumenter, à s'informer, être pris au sérieux. De son point de vue, le concept de capital humain ne se suffit pas à lui-même car on ne peut réduire l'homme à un moyen de production.

Cette approche donne une vision très positive et respectueuse de la personne humaine et de son potentiel par le biais de la promotion des libertés et de l'autonomisation. L'approche d'A. Sen propose d'évaluer la qualité de vie et les politiques économiques et sociales non pas du point de vue de l'utilité, des ressources, des biens premiers ou des résultats mais plutôt à partir de l'ensemble des opportunités

d'atteindre des résultats, c'est-à-dire << des opportunités réelles qui s'offrent aux individus de mener le type de vie qu'ils ont choisi >> (Bertin, 2008 : 7). Dans cette perspective, l'éducation est donc essentielle car elle permet à chaque individu de révéler ses potentialités.

Plusieurs critiques sont adressées à l'approche par les capabilités. Le caractère arbitraire et subjectif de l'évaluation de la liberté, le caractère individualiste de l'approche alors qu'une imbrication des << capabilités >> individuelles et sociales est en jeu dans les phénomènes de pauvreté et enfin, son caractère statique (Reboud, 2008 : 64-66).

En complément, nous pourrions ajouter que cette approche est aussi, de notre point de vue, très, voire trop responsabilisante pour de l'individu. Elle s'inscrit, même si elle s'en défend, dans la lignée de la théorie du capital humain de par les rendements et les externalités positives qui en découlent.

La pertinence des indices associés au développement humain

L'approche par le développement humain et les indices qui en découlent permettent d'avoir une vision élargie et plus nuancée de l'état de développement d'un pays. Il reflète mieux la << vraie richesse des nations>> comme l'informe le titre de ce 20ème rapport. Il donne un autre regard sur le monde que celui apporté par le PIB. Ainsi, la mesure initiale qu'est l'IDH <<donne une image du développement bien plus nette en nous appuyant sur des mesures reflétant une conception plus large du progrès >> (PNUD, 2010 : 32).

Les trois nouvelles mesures, l'IPHI, l'IPM et l'IIG, rendent mieux compte des situations d'inégalité et de pauvreté en se rapprochant des situations de vie (PNUD, 2010 : 239). L'IPM est une nouvelle mesure très intéressante car elle dépasse l'approche par la pauvreté vue sous l'angle de la pauvreté monétaire. La dimension santé est déclinée en deux indicateurs, la nutrition et la mortalité infantile. La dimension niveau de vie comprend 6 indicateurs, le combustible de cuisson, les toilettes, l'eau, l'électricité, le sol et les équipements. La dimension éducation est mesurée à partir des indicateurs correspondant aux années de scolarité et au nombre d'enfants inscrits.

Cependant, nous devons constater que, si l'IDH s'est enrichi pour se décliner en plusieurs indices, la répartition entre les trois composantes de base, que sont la santé,

l'éducation et le niveau de vie, restent équivalentes dans chacun des nouveaux indices. En ce qui concerne la dimension éducation, si les deux indicateurs rendant compte de la dimension éducation ont été modifiés depuis cette année pour se rapprocher des tendances actuelles, la qualité n'est toujours pas reprise comme un indicateur mais il est vrai que les données manquent à ce sujet. D'aucuns affirment aussi que si l'IDH permet d'aboutir à une proportion entre les trois dimensions à un niveau agrégé, il ne permet pas d'intégrer ses trois dimensions à un niveau individuel.

L'IIG, quant à lui, tient compte de trois dimensions particulières : la santé, l'autonomisation et le marché de l'emploi. Bien que la question spécifique des femmes dans les pays en développement, à laquelle se rattachent celles de la santé, de la fécondité et de la pauvreté, fasse l'objet d'une préoccupation particulière dans l'approche par les capabilités, cette question sera traitée au point suivant relatif aux effets de l'éducation sur la lutte contre la pauvreté.

Développement humain et croissance économique

Alors qu'en 2003, le PNUD présentait encore son diagramme établi en 1996 (voir page suivante) exposant schématiquement le rapport vertueux entre les services sociaux (l'éducation et la santé) et la croissance, le RDH 2010 remet en cause les liens entre les trois dimensions du développement humain.

L'analyse de l'évolution des composantes de l'IDH nous enseigne que la progression du développement humain est tirée par les composantes de la santé et de l'éducation et non par la composante du revenu. Elle nous enseigne surtout qu'une amélioration dans ces deux dimensions n'a pas entraîné dans son sillage une amélioration équivalente du niveau de vie des habitants d'un pays, particulièrement en Afrique subsaharienne.

A l'inverse, les rapports entre la croissance des revenus et les variations de l'IDH et de l'IDH non monétaire nous enseignent qu'une augmentation de revenus n'entraîne pas automatiquement une augmentation des investissements dans les domaines de la santé et de l'éducation. Ces constats nous renvoient aussi à l'approche par les capabilités et aux conditions de sa réalisation. Comme le mentionne A. Bertin, trois institutions sont au coeur de cette approche et permettent d'offrir à l'individu des garanties « d'égalité de capabilités »: le marché qui permet les opportunités économiques (acheter, vendre, échanger), l'Etat qui permet les opportunités sociales, régule l'économie et garantit la démocratie, et la démocratie qui est, du point de A. Sen, le seul système basé sur une

égalité de traitement entre les individus et le respect des libertés inconditionnelles (2008 : 10). Malheureusement, dans les pays en situation d'extrême pauvreté et particulièrement en Afrique subsaharienne, force est de constater que ces trois <<institutions » posent des difficultés à des degrés divers. Dans cette lignée, le rapport RDH 2010 mentionne que << différentes combinaisons peuvent avoir différents résultats, en fonction du cadre institutionnel et de contraintes structurelles... les chemins qui mènent au progrès sont fonction des conditions institutionnelles, politiques et historiques des différents pays » (2010, 177).

Par ailleurs, le rapport 2010 nous rappelle le rôle élargi de l'éducation, notamment en faveur de l'autonomisation et de la liberté des gens.

Figure 3.2. : Développement humain et croissance

(Source : Rapport sur le développement humain 2003, PNUD 2003 : 70)

En conclusion, la prise en compte de la dimension éducation dans le développement humain relève davantage d'une option initiale. Dans les faits, le 20ème rapport sur le développement humain démontre qu'il n'y a pas de réel cercle vertueux entre les services de base et une augmentation des revenus et du bien-être. La pauvreté dans des pays à IDH faible et en Afrique subsaharienne semble davantage liée aux deux autres dimensions que sont la santé et le niveau de vie, défini en termes de déprivations. La pertinence de l'investissement éducatif pour la croissance des revenus n'est pas démontrée ou, à tout le moins, elle est conditionnée à l'environnement institutionnel, politique et historique.

En réponse, le RDH 2010 s'éloigne de l'indice de développement humain initial en proposant une lecture élargie du développement humain à partir de 4 mesures empiriques que sont le niveau moyen actuel, la déprivation, la vulnérabilité et l'inégalité (2010 : 101). L'éducation pourrait peut-être ainsi trouver une plus juste place dans cette approche.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon