Jean Houssaye affirme que "L'innovation
pédagogique, à l'échelle de l'institution, est un
échec ; elle ne produit pas d'effets positifs pour une raison majeure :
elle n'est pas mise en oeuvre et l'immobilisme des acteurs est patent. Et
pourtant le coeur de l'école est touché, tant par rapport aux
savoirs que par rapport aux comportements" (page 13).
L'évocation de cette citation nous interpelle sur
plusieurs points. Tout d'abord, le fait que pour Houssaye l'échec de
l'innovation pédagogique soit à l'échelle de
l'institution. Cela voudrait donc dire que le BO sur l'aide
personnalisée, en étant mené de cette manière
serait un échec de plus. Cependant, l'auteur laisse entrevoir le fait
qu'un travail et une innovation à l'échelle réduite de
l'école peuvent réussir si, et seulement si, les enseignants
adhérent au projet en se sentant concernés, cela permettant de
mener à bien des projets novateurs.
L'autre cause d'échec serait selon lui, l'immobilisme
enseignant. Ceci sera débattu lors du chapitre IV.
Gallucci (2002) quant à elle, suggère qu'un
avis neuf d'enseignant novice permettrait un apport nouveau. Cette affirmation
est à nuancer, étant donné que dans le cadre de notre
étude, tous les professeurs sont passés par le même point
en même temps : installer une réforme nouvelle dans leur
établissement sans avoir été formés à cet
effet. Il sera intéressant de se pencher sur la difficulté
éventuelle de l'implantation de cette nouvelle politique (Lessard
2008).
Leithwood et al. (1999) ont construit un cadre
d'analyse suggérant que la variation du succès est fonction de
trois ensembles de facteurs : La volonté / motivation des acteurs, la
capacité (individuelle et collective) de ces acteurs et la situation
(contexte / infrastructure). (Lessard Claude et al. 2008. p. 8).
Ceci est d'autant plus important que les enfants, dans notre
système scolaire actuel sont en difficulté au niveau des savoirs
(cf évaluations des CE1, site du ministère), mais aussi
du point de vue comportemental (Leonova Tamara, Lise Lagacé...)
ou méthodologique (discours enseignants).
Spillane rejoint ce point de vue en stipulant que le
directeur d'école doit être le moteur de ce changement pour
l'expliquer aux autres enseignants. En France, cependant, comme nous l'avons
vu, le directeur n'est pas un responsable hiérarchique, et il donnera
son avis ou des idées, dont un ou plusieurs autres enseignants
s'empareront pour construire un travail novateur. Il sera bon de savoir si le
responsable de l'établissement est capable ou non d'animer ce dispositif
et dans quelle mesure il pèse sur le travail de ses collègues.
Spillane avec Thompson (1997) est arrivé à
démontrer que les moyens seuls ne suffisaient pas à mettre en
oeuvre ces dispositifs nouveaux. Il est dès lors pertinent de voir dans
quelles conditions peuvent être capitalisés tous les savoirs des
enseignants sur des dispositifs relatifs à des nouvelles pratiques. En
sont-ils capables ? En ont-ils simplement l'envie ?
Ces questions sont capitales si l'on cherche à
analyser et évaluer une circulaire ou une loi. Des indicateurs objectifs
sont à définir afin que l'analyse des résultats et leur
discussion fassent date dans le développement de ces pratiques.
Nous pouvons conclure cette partie par un petit rappel du
travail de ces auteurs :
Spillane : est plus centré sur le leadership et le
rôle du directeur, du leader. Il a montré que le directeur avait
un impact sur le travail des enseignants. Il doit être présent
pour animer et coordonner le système selon les caractéristiques
locales. Nous l'avons choisi ici parce qu'au fil de ses ouvrages, nous pouvons
remarquer des nuances dans son discours : le leader n'est pas obligatoirement
le directeur. Cela est adapté au modèle français où
le directeur n'est pas un supérieur hiérarchique et a donc des
prérogatives « limitées ».
Lessard : est plus centré sur le métier
d'enseignant et son évolution. Pour lui, la dépossession du
métier, les changements de préconisations du ministère,
les demandes des législateurs, le manque d'information, sont au coeur de
nombreux dysfonctionnements du système éducatif français.
Comme nous pouvons le souligner : sans évaluation, pas de
progrès, pas de réajustements.