B. Le droit et l'obligation juridique de
réparation pour l'acquitté
Le droit et l'obligation juridique de réparation pour
la personne acquittée relèvent des principes
généralement admis en droit international (1).
Les juridictions répressives internationales devraient également
s'inspirer des droits nationaux (2).
1. La reconnaissance du droit à réparation
pour l'acquitté en droit international
Le droit à réparation pour l'acquitté n'est
pas une nouvelle construction. Il est déjà ancré dans le
droit à réparation reconnu à toute personne victime d'un
dommage. La
194 C'est-à-dire il faut que le droit soit
reconnu comme tel par un texte qui lie le Tribunal. Il s'agit d'un principe
général de droit.
195 Notamment en cas de classement sans suite, de
retrait d'accusation, de non-lieu, d'acquittement ou en de tout autre
aboutissement sans condamnation.
196 Une condamnation serait à tort lorsque
l'accusé a été condamné et que par la suite, on
découvre une erreur judiciaire qui entraîne l'annulation de la
condamnation, tel en cas de découverte d'un nouvel fait.
197 The Prosecutor v. Bernard NTUYAHAGA, Case
no ICTR-98-40-T, Trial chamber I, Decision on the Prosecutor's
motion to withdraw the indictment, 18 march 1999.
198 The Prosecutor v. Léonidas
RUSATIRA, Case no ICTR-2002-80-I, Trial chamber, Decisions on
the Prosecutor's ex parte application for leave to withdraw the indictment, 14
august 2002.
199 Letter dated 26 September 2000 from the President
of The ICTR.
réparation du tort est un principe fondamental qui
constitue à la fois un principe général de droit et une
règle de droit coutumier applicable dans tous les systèmes
juridiques200.
Ainsi, si on considère la première situation
où les droits de l'acquitté seraient violés, il ne devrait
en principe y avoir aucun obstacle juridique à la demande de
réparation. Il ne fait aucun doute que le droit à une juste
réparation en raison de la violation des droits de l'homme, fait partie
du droit international coutumier et qu'il est consacré dans plusieurs
textes internationaux et régionaux à savoir la
D.U.D.H.201, le P.I.D.C.P.202, la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale203, la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants204, la Convention
concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays
indépendants205, la Déclaration des principes
fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux
victimes d'abus de pouvoir206, la C.E.D.H.207, la
Déclaration américaine des droits de l'homme208 et la
C.A.D.H.209, la C.A.D.H.P.210 et les
P.F.D.D.R.R.211.
De surcroît, l'article 2. 3 du P.I.D.C.P. ainsi que les
paragraphes 1-3 des P.F.D.D.R.R. sont allés plus loin jusqu'à
imposer aux Etats une obligation d'adopter les mécanismes judiciaires
nécessaires de mise en oeuvre de telles
réparations212. La
200 C. BASSIOUNI, « International recognition of victims'
rights », in Human Rights Law Review, Vol. 6, no 2,
Oxford, Oxford University Press, 2006, pp. 203-279, p. 207. Voy. aussi A. BUTI
and M. P. BUS, « International law obligations to provide reparations for
human rights abuses », in Murdoch University Electronic Journal of
Law, Vol. 6, no 4, dec. 1999, pp. 1-28, p. 2.
201 Cfr. art. 8 de la D.U.D.H.
202 Cfr. art. 2. 3. du P.I.D.C.P.
203 Cfr. art. 6 de la Convention sur l'élimination de
toutes les formes de discriminations raciale adoptée par la
résolution 2106 A (XX) de l'Assemblée générale des
Nations unies en sa session du 21 décembre 1965 du 21 déc. 1965
et entrée en vigueur le 4 janv. 1969.
204 Cfr. art. 14 de la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par
la Résolution no 39/46 de l'Assemblée
générale des Nations unies en trente neuvième session du
10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987.
205 Arts. 15. 2, 16. 4 et 16. 5 de la Convention no
169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays
indépendants adoptée par la Conférence
générale de l'Organisation internationale du travail à sa
soixanteseizième session du 27 juin 1989 et entrée en vigueur le
5 septembre 1991.
206 Cfr. par. 4 de la Déclaration des principes
fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux
victimes d'abus de pouvoir adoptée par l'Assemblée
générale des Nations unies dans sa résolution
no 40/34 du 29 novembre 1985.
207 Arts. 13 et 41 de la C.E.D.H.
208 Art. XVIII de la Déclaration américaine des
droits et devoirs de l'homme adoptée par la Résolution XXX de
l'Organisation des Etats américains à la neuvième
Conférence internationale des États américains du 2 mai
1948.
209 Arts. 1. 1, 8, 10, 25 et 63. 1 de la C.A.D.H.
210 Art. 7. 1. a. de la C.A.D.H.P.
211 Cfr. pars 11-12 des P.F.D.D.R.R. adoptés par la
Résolution 1999/33 de la Commission des droits de l'homme du 26 avril
1999.
212 A titre d'exemple, cfr. art. 2. 3 du P.I.D.C.P. qui se lit
comme suit : « Les Etats parties au présent Pacte s'engagent
à: a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés
reconnus dans le présent Pacte auront été violés
disposera d'un recours utile, alors même que la violation aurait
été commise par des personnes agissant
jurisprudence abondante et variée est indicative d'une
pratique affirmée de ne pas laisser lettre morte ces dispositions
indispensables pour la protection de la personne213.
En notant le principe invoqué par la Chambre du
TPIR214 selon lequel les Etats ne peuvent pas se soustraire à
leurs obligations internationales en créant une institution
internationale qui ne serait pas liée par les limites juridiques qui
s'imposent à eux, les Etats étant ainsi tenus de respecter leurs
obligations en matière de droits de l'homme lorsqu'ils exercent les
poursuites internes, ne sauraient créer un Tribunal pénal
international qui échapperait à ces mêmes obligations.
Dans la deuxième situation d'autre part, il faut
cependant rappeler qu'aucun instrument de droit international ne prévoit
l'indemnisation d'une personne acquittée au seul motif
d'acquittement215. Mais du même avis que les Présidents
du TPIR216 et du TPIY217 et de la Chambre du
TPIR218, à cause des circonstances particulières dans
lesquelles les deux tribunaux fonctionnent, y compris le fait que
l'accusé est retenu pendant une longue période au cours du
procès et que la détention entraîne plusieurs pertes
à l'accusé, il serait équitable d'accorder une telle
réparation aux personnes accusées qui sont acquittées ou
contre qui les procès sont terminés sans condamnation.
2. La reconnaissance du droit à réparation
de l'acquitté en droit interne
Le principe de réparation de la personne détenue
et par la suite acquittée est reconnu dans de nombreuses
législations nationales tant du système romano-germanique comme
en France219, en Espagne220, en Italie221 et
en Allemagne222 que du système de la common law tels
que le droit américain223, les droits britannique et
australien224.
dans l'exercice de leurs fonctions officielles; b) Garantir
que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou
législative, ou toute autre autorité compétente selon la
législation de l'Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme
le recours et développer les possibilités de recours
juridictionnel; c) Garantir la bonne suite donnée par les
autorités compétentes à tout recours qui aura
été reconnu justifié. ».
213 Voy. à titre d'exemple SILVER c.
Royaume-Uni, Arrêt no 5947/72, CEDH 1983 ; HASSAN et
CHAUSH c. Bulgarie, Arrêt no 30985/96, CEDH 2000;
TWALIB c. Grèce, Arrêt no 24294, CEDH 1998;
Raquel MARTI DE MEJIA v. Peru, Arrêt no 10.970, CIADH
1996 ; CARRANZA v. Argentine, Arrêt no 10.8087, CIADH
1998.
214 Sous l'inspiration des observations de l'association du
droit international qui souligne les obligations conventionnelles des membres
du Conseil de Sécurité et de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme. Voy. Le Procureur c. André
RWAMAKUBA, supra note 140, par. 48.
215 Voir supra note 191.
216 Letter dated 19 September 2000 from the President of the
ICTY.
217 Letter dated 26 September 2000 from the President of the
ICTR.
218 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note
140, par. 30.
219 Cfr. art. 149, 371, 472, 516 et 800-2 du C.P.P. Fr. qui
reconnaissent l'indemnisation automatique dès lors qu'une
détention est suivie d'une décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement. Voy. aussi la jurisprudence (Cass. crim., 21 nov. 1991,
Bulletin criminel, no 243; Cass. crim., 26 février
1969, Bulletin
Selon les Etats considérés, il apparaît
qu'il existe un principe général de réparation pour
acquittement que les Etats appliquent selon leurs choix. Ce principe est
tantôt appliqué de façon inconditionnelle, l'acquittement
étant la seule condition pour l'obtention de l'indemnisation,
tantôt de manière restrictive, exigeant l'existence d'une erreur
ou d'un comportement fautif pour la mise en oeuvre de la
réparation225. Les juridictions répressives
internationales devraient également, dans l'intérêt d'une
bonne justice, s'inspirer de ces droits nationaux.
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