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Les conséquences juridiques de l'acquittement devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Jean- Marie TWAGIRAYEZU
Université nationale du Rwanda - Licence en droit 2007
  

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B. Le droit et l'obligation juridique de réparation pour l'acquitté

Le droit et l'obligation juridique de réparation pour la personne acquittée relèvent des principes généralement admis en droit international (1). Les juridictions répressives internationales devraient également s'inspirer des droits nationaux (2).

1. La reconnaissance du droit à réparation pour l'acquitté en droit international

Le droit à réparation pour l'acquitté n'est pas une nouvelle construction. Il est déjà ancré dans le droit à réparation reconnu à toute personne victime d'un dommage. La

194 C'est-à-dire il faut que le droit soit reconnu comme tel par un texte qui lie le Tribunal. Il s'agit d'un principe général de droit.

195 Notamment en cas de classement sans suite, de retrait d'accusation, de non-lieu, d'acquittement ou en de tout autre aboutissement sans condamnation.

196 Une condamnation serait à tort lorsque l'accusé a été condamné et que par la suite, on découvre une erreur judiciaire qui entraîne l'annulation de la condamnation, tel en cas de découverte d'un nouvel fait.

197 The Prosecutor v. Bernard NTUYAHAGA, Case no ICTR-98-40-T, Trial chamber I, Decision on the Prosecutor's motion to withdraw the indictment, 18 march 1999.

198 The Prosecutor v. Léonidas RUSATIRA, Case no ICTR-2002-80-I, Trial chamber, Decisions on the Prosecutor's ex parte application for leave to withdraw the indictment, 14 august 2002.

199 Letter dated 26 September 2000 from the President of The ICTR.

réparation du tort est un principe fondamental qui constitue à la fois un principe général de droit et une règle de droit coutumier applicable dans tous les systèmes juridiques200.

Ainsi, si on considère la première situation où les droits de l'acquitté seraient violés, il ne devrait en principe y avoir aucun obstacle juridique à la demande de réparation. Il ne fait aucun doute que le droit à une juste réparation en raison de la violation des droits de l'homme, fait partie du droit international coutumier et qu'il est consacré dans plusieurs textes internationaux et régionaux à savoir la D.U.D.H.201, le P.I.D.C.P.202, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale203, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants204, la Convention concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants205, la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir206, la C.E.D.H.207, la Déclaration américaine des droits de l'homme208 et la C.A.D.H.209, la C.A.D.H.P.210 et les P.F.D.D.R.R.211.

De surcroît, l'article 2. 3 du P.I.D.C.P. ainsi que les paragraphes 1-3 des P.F.D.D.R.R. sont allés plus loin jusqu'à imposer aux Etats une obligation d'adopter les mécanismes judiciaires nécessaires de mise en oeuvre de telles réparations212. La

200 C. BASSIOUNI, « International recognition of victims' rights », in Human Rights Law Review, Vol. 6, no 2, Oxford, Oxford University Press, 2006, pp. 203-279, p. 207. Voy. aussi A. BUTI and M. P. BUS, « International law obligations to provide reparations for human rights abuses », in Murdoch University Electronic Journal of Law, Vol. 6, no 4, dec. 1999, pp. 1-28, p. 2.

201 Cfr. art. 8 de la D.U.D.H.

202 Cfr. art. 2. 3. du P.I.D.C.P.

203 Cfr. art. 6 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciale adoptée par la résolution 2106 A (XX) de l'Assemblée générale des Nations unies en sa session du 21 décembre 1965 du 21 déc. 1965 et entrée en vigueur le 4 janv. 1969.

204 Cfr. art. 14 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par la Résolution no 39/46 de l'Assemblée générale des Nations unies en trente neuvième session du 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987.

205 Arts. 15. 2, 16. 4 et 16. 5 de la Convention no 169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants adoptée par la Conférence générale de l'Organisation internationale du travail à sa soixanteseizième session du 27 juin 1989 et entrée en vigueur le 5 septembre 1991.

206 Cfr. par. 4 de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution no 40/34 du 29 novembre 1985.

207 Arts. 13 et 41 de la C.E.D.H.

208 Art. XVIII de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme adoptée par la Résolution XXX de l'Organisation des Etats américains à la neuvième Conférence internationale des États américains du 2 mai 1948.

209 Arts. 1. 1, 8, 10, 25 et 63. 1 de la C.A.D.H.

210 Art. 7. 1. a. de la C.A.D.H.P.

211 Cfr. pars 11-12 des P.F.D.D.R.R. adoptés par la Résolution 1999/33 de la Commission des droits de l'homme du 26 avril 1999.

212 A titre d'exemple, cfr. art. 2. 3 du P.I.D.C.P. qui se lit comme suit : « Les Etats parties au présent Pacte
s'engagent à: a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été
violés disposera d'un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant

jurisprudence abondante et variée est indicative d'une pratique affirmée de ne pas laisser lettre morte ces dispositions indispensables pour la protection de la personne213.

En notant le principe invoqué par la Chambre du TPIR214 selon lequel les Etats ne peuvent pas se soustraire à leurs obligations internationales en créant une institution internationale qui ne serait pas liée par les limites juridiques qui s'imposent à eux, les Etats étant ainsi tenus de respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme lorsqu'ils exercent les poursuites internes, ne sauraient créer un Tribunal pénal international qui échapperait à ces mêmes obligations.

Dans la deuxième situation d'autre part, il faut cependant rappeler qu'aucun instrument de droit international ne prévoit l'indemnisation d'une personne acquittée au seul motif d'acquittement215. Mais du même avis que les Présidents du TPIR216 et du TPIY217 et de la Chambre du TPIR218, à cause des circonstances particulières dans lesquelles les deux tribunaux fonctionnent, y compris le fait que l'accusé est retenu pendant une longue période au cours du procès et que la détention entraîne plusieurs pertes à l'accusé, il serait équitable d'accorder une telle réparation aux personnes accusées qui sont acquittées ou contre qui les procès sont terminés sans condamnation.

2. La reconnaissance du droit à réparation de l'acquitté en droit interne

Le principe de réparation de la personne détenue et par la suite acquittée est reconnu dans de nombreuses législations nationales tant du système romano-germanique comme en France219, en Espagne220, en Italie221 et en Allemagne222 que du système de la common law tels que le droit américain223, les droits britannique et australien224.

dans l'exercice de leurs fonctions officielles; b) Garantir que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l'Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel; c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié. ».

213 Voy. à titre d'exemple SILVER c. Royaume-Uni, Arrêt no 5947/72, CEDH 1983 ; HASSAN et CHAUSH c. Bulgarie, Arrêt no 30985/96, CEDH 2000; TWALIB c. Grèce, Arrêt no 24294, CEDH 1998; Raquel MARTI DE MEJIA v. Peru, Arrêt no 10.970, CIADH 1996 ; CARRANZA v. Argentine, Arrêt no 10.8087, CIADH 1998.

214 Sous l'inspiration des observations de l'association du droit international qui souligne les obligations conventionnelles des membres du Conseil de Sécurité et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Voy. Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 48.

215 Voir supra note 191.

216 Letter dated 19 September 2000 from the President of the ICTY.

217 Letter dated 26 September 2000 from the President of the ICTR.

218 Le Procureur c. André RWAMAKUBA, supra note 140, par. 30.

219 Cfr. art. 149, 371, 472, 516 et 800-2 du C.P.P. Fr. qui reconnaissent l'indemnisation automatique dès lors
qu'une détention est suivie d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Voy. aussi la
jurisprudence (Cass. crim., 21 nov. 1991, Bulletin criminel, no 243; Cass. crim., 26 février 1969, Bulletin

Selon les Etats considérés, il apparaît qu'il existe un principe général de réparation pour acquittement que les Etats appliquent selon leurs choix. Ce principe est tantôt appliqué de façon inconditionnelle, l'acquittement étant la seule condition pour l'obtention de l'indemnisation, tantôt de manière restrictive, exigeant l'existence d'une erreur ou d'un comportement fautif pour la mise en oeuvre de la réparation225. Les juridictions répressives internationales devraient également, dans l'intérêt d'une bonne justice, s'inspirer de ces droits nationaux.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus