Politique monétaire et bulles spéculatives( Télécharger le fichier original )par Nesrine Ressaissi Faculté des sciences économiques et de gestion de Tunis - Mastère 2010 |
Conclusion :Les marchés ont tendance à tendre vers l'efficience sans jamais l'atteindre totalement. Les spécialistes ont toutefois mis en évidence un certain nombre de biais par rapport à l'hypothèse d'efficience. En effet, rendre un marché plus efficient, c'est diminuer les risques systémiques des bulles spéculatives. Ce chapitre a essayé de démontrer que les évolutions structurelles de l'environnement financier au cours des dernières années, telles que la multitude des innovations, ont modifié la nature de le rôle des banques centrales dans la transmission de la politique monétaire à l'économie réelle. Vue les effets tragiques de l'existence des bulles spéculatives dans une économie donnée, la politique monétaire se trouve obligée de prendre en compte l'évolution des prix des actifs. Le deuxième chapitre traite la manière de la prise en compte des prix des actifs dans la conduite de la politique monétaire ainsi que la façon de réagir en cas de présence d'une bulle spéculative. REACTION DE LA POLITIQUE MONETAIRE FACE AUXBulles spéculativesIntroduction :Depuis une dizaine d'années, un bon nombre d'économistes s'interroge sur le comportement que doit adopter la banque centrale afin de limiter les fluctuations des prix des actifs, qui exercent des effets tant sur l'activité réelle que sur l'économie dans son ensemble. Ce chapitre considère différents postulats théoriques sur les instruments et la politique monétaire que la banque centrale doit appliquer afin d'atteindre ses objectifs. Afin de limiter les effets néfastes d'une augmentation marquée des prix des actifs réels ou financiers, et eu égard à leur caractère inflationniste, nous appuyons l'idée d'une intervention de l'autorité monétaire sur la sphère financière. À cet effet, ce chapitre discute des propositions de l'intervention de la politique monétaire en considérant les avantages et les inconvénients de chacune d'entre elles. Ainsi, La première section de ce chapitre expose les arguments qui justifieraient une intervention de la banque centrale dans le but de contribuer à freiner les déséquilibres sur les marchés financiers et d'expliquer comment la politique monétaire peut-elle prendre en compte les prix des actifs. La deuxième section présente un survol de la théorie économique de ces dernières années, en ce qui concerne la réaction de la banque centrale par rapport aux variations des prix des actifs et explique les réactions préventives et réactives de la politique monétaire et les avantages et inconvénients de chacune des propositions formulées à cet égard. Le système des réserves obligatoires, proposé par Palley, et l'achat d'actifs risqués par la banque centrale occupent la troisième section. Section1 : la prise en compte des prix des actifsI) prix des actifs : une réalité que les banques centrales ne sauraient ignorer1/ prix des actifs et stabilité macroéconomique:La formation et l'éclatement des bulles spéculatives ont des conséquences inévitables sur l'activité réelle. Ils influent sur celle-ci à travers différents canaux de transmission. La littérature met l'accent sur quatre canaux par lesquels, les variations des prix des actifs affectent la demande globale et l'inflation, à savoir, le ratio Q de Tobin, les effets de richesse, l'accélérateur financier et le capital bancaire. a- canal de Q de Tobin : Le ratio Q de Tobin met en exergue une relation entre les dépenses d'investissement et la valeur boursière d'une entreprise. Selon cette approche, l'entrepreneur a avantage à investir une unité additionnelle de capital si la valeur boursière des actions de son entreprise augmente plus que le coût d'acquisition de cette unité de capital. Une politique monétaire souple contribue à rendre les obligations à rendement fixe moins attractives que les actions et par conséquent, les prix évoluent à la hausse. Selon Mishkin34(*), l'augmentation des prix des actions augmente la valeur boursière de l'entreprise et induit cette dernière à investir davantage. De telle manière, les fluctuations des prix des actifs ont des conséquences directes sur les dépenses d'investissement de la part des firmes. La présence d'une bulle persistante comporte des effets déséquilibrants pour l'activité économique car elle donne le signal aux entreprises de s'engager dans des dépenses d'investissement, sachant que celles-ci sont susceptibles de rapporter des rendements futurs positifs. Or, au moment de la diminution des cours boursiers, c'est à dire lors de l'éclatement de la bulle, les entreprises enregistrent un excès de stock de capital par rapport au niveau jugé optimal. Le surplus du stock de capital fixe qui en découle conduit les entreprises à resserrer les futures dépenses d'investissement. Cela induit un ralentissement du taux de croissance du revenu national. b- les effets de richesse : Le principe des effets de richesse se base sur le modèle du cycle de vie de Modigliani 35(*) et sur l'hypothèse du revenu permanent émise par Friedman36(*). Selon leurs postulats, une augmentation des prix des actifs financiers et/ou des actifs réels engendre une variation haussière de la valeur du patrimoine des agents, ce qui amène les ménages à accroître leurs dépenses de consommation et à diminuer leur propension moyenne à épargner. Les ménages vont s'engager dans des dépenses de consommation d'autant plus importantes que leur capacité à emprunter a augmenté, en raison d'une augmentation de leur richesse nette servant de garantie à l'institution financière qui octroie le prêt. Démontré par Goodhart et Hofmann37(*), les prix dans le secteur immobilier peuvent être d'utiles indicateurs des pressions de la demande globale dans l'économie sachant qu'il existe une forte corrélation entre le cycle immobilier et le cycle économique pour la plupart des pays de l'OCDE. Une hausse des taux d'intérêt à long terme suite à un resserrement de la politique tend à entraîner une baisse de la valeur des actifs et du patrimoine des ménages. Face à cette perte de richesse, l'épargne est appelée à augmenter dans le secteur des ménages et la consommation à reculer. La croissance des actifs des ménages renforcera de façon significative l'effet de richesse sous l'effet notamment de la flambée récente des marchés boursiers,. Plus simplement, une augmentation donnée en pourcentage de la valeur du patrimoine a un effet plus important sur la consommation lorsque la part du patrimoine augmente par rapport à celle du revenu. c- l'accélérateur financier : Le mécanisme de l'accélérateur financier entre en jeu lorsqu'on parle des imperfections du marché du crédit. Ce dernier est supposé imparfait dans le cas de la présence de coûts de transaction et l'asymétrie de l'information induisent l'exigence de collatéraux de la part des intermédiaires financiers. En effet, l'existence d'imperfections sur le marché du crédit conduit à deux évidences. Premièrement, les prêteurs obligent les firmes à financer une partie de leurs projets d'investissement par des fonds propres, afin d'éviter si possible le risque de crédit. Deuxièmement, la partie des projets d'investissement financée par emprunt est caractérisée par un coût de financement plus élevé que le coût de l'autofinancement. De ce fait, le taux d'intérêt de l'emprunt sera d'autant plus élevé que le risque spécifique associé à l'entreprise et son niveau d'endettement est important. La variation des cours boursiers, qui peut être due parmi d'autres possibilités à un changement de politique monétaire, aura des répercussions directes sur la valeur actualisée de la richesse nette des firmes. Le montant du crédit qui dépend proportionnellement de la richesse nette des entreprises évoluera dans le même sens que celle-ci. Lorsque le crédit est facilement octroyé, les entreprises s'engagent dans des projets d'investissement dont le niveau de risque et de rendement sont peu élevés. Au contraire, en période de restriction du crédit, les entreprises seront incitées à s'engager dans des projets d'investissement plus risqués, afin d'obtenir des profits plus élevés. Cela accroît leur risque d'insolvabilité, augmente l'impossibilité à obtenir de nouveaux crédits et induit une diminution des projets d'investissement censés se réaliser, autant d'enchaînements qui aggravent la situation économique d'un pays. d- le capital bancaire : Les travaux de recherche récents ont mis l'accent sur un quatrième canal, qui est constitué par le crédit bancaire, par lequel les banques contribuent à intensifier les chocs financiers. Chaque banque est tenue de posséder une quantité suffisante de fonds propres dont le seuil est fixé par le législateur. Une asymétrie d'information existe entre les banques et les investisseurs, les banques imposent à leurs clients des taux d'intérêt supérieurs à ceux qui seraient appliqués en situation d'information parfaite. Mésonnier38(*) et Naouar 39(*) ont démontré que ces taux d'intérêt seront évidement supérieurs à ceux que les banques elles-mêmes doivent verser à leurs créanciers. De telle manière, lorsque les prix des actifs augmentent ou lorsqu'une politique monétaire plus expansive contribue à leur augmentation, la valeur du capital des banques augmente, de façon à ce que celles-ci puissent emprunter et prêter davantage. À l'inverse, un effondrement des prix des actifs diminue les fonds propres des banques. Les travaux de Mishkin, Levieuge40(*) et Mésonnier expliquent que l'amplification du choc sera d'autant plus forte que les banques détiennent peu de capitaux propres et que le bilan des entreprises et des ménages est fragilisé. D'ailleurs, dans un tel contexte économique, les investisseurs ne sont pas tentés d'investir, ce qui empire davantage la situation économique * 34 Mishkin, F. (2001) «The transmission mechanism and the role of asset prices in monetary policy», National Bureau of Economic Research Working Paper, No. 8617. * 35 Modigliani, F. (1971), « Consumer Spending and Monetary Policy: The Linkages », Federal Reserve Bank of Boston Conference Series, 5, 9-84. * 36 Friedman, M. (1957), A Theory of the Consumption Function, Princeton, New Jersey: Princeton University Press * 37 Goodhart, C.A.E. et B. Hofmann (2001) «Asset prices and the conduct of monetary policy», London School of Economics, miméo. * 38 Mésonier. J-S (2005): « capitalisation bancaire et transmission de la politique monétaire:une revue», banque de France, miméo * 39 Naouar .A (2006):»à la recherché des determinants du comportement du ratio de capital bancaire dans un cadre macroprudentiel», université Paris X-Nanterre, miméo * 40 Levieuge.G (2005): «politique monétaire et prix d'actifs», revue de l'observatoire Français des conjonctures economiques, n°93,pp 317-355 |
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