II) Organisations professionnelles différentes
A) L'organisation juridique de la station de pilotage
en France
Jadis, il existait deux modes de régie des stations de
pilotage française. Le décret de 180629 en France a
officialisé ces deux méthodes d'administration des biens de la
station. Le premier mode de régie place tous les pilotes de la station
en concurrence, chaque pilote gardant la totalité de son salaire mais
devant en contre partie réparer et entretenir le matériel de la
station et rémunérer les matelots qui y travaillent. Dans le
deuxième cas, les pilotes font bourse commune. Ce dernier
système, toujours en place en France a permis de cesser d'aiguiser les
ardeurs de certains pilotes qui imposaient leur service, et de ce fait
percevaient des salaires supérieurs à leurs collègues, les
pilotes courant au devant des navires.
En France, tout pilote est obligatoirement rattaché
à une station de pilotage. Les stations de pilotage françaises
ont une structure très spécifique, qui s'est
façonnée autour du statut du pilote, marin professionnel
indépendant exerçant sous la tutelle de l'état le service
public continu de pilotage.
Tout d'abord, permettant au Préfet de région de
se faire une opinion éclairée sur les aspects économique
du pilotage, l'assemblée commerciale des pilotes, fixée par le
décret du 19 mai 196930, et modifiée par
l'arrêté du 5 juin 2000, se réunit annuellement et approuve
les conditions de tarifications de la station pour un ou plusieurs ports. Le
fonctionnement de l'assemblée ainsi que son organisation sont des
dispositions contenues dans le décret de 1969 modifié en 2000, et
dans l'arrêté du 5 juin 2000. Cette assemblée est un organe
consultatif, qui se prononce par exemple sur les propositions d'augmentations
des droits de pilotage, et dont la composition est fixée par le
décret de 1969. Lors de sa consultation, elle regroupe des
représentants du port, des armateurs, des pilotes.
Ensuite, chaque zone de pilotage possédant localement
ses propres caractéristiques, une station de pilotage est unique, et
doit être considérée comme un cas particulier. Tenant
compte de l'intensité du trafic portuaire, de la configuration du port,
des limites des zones obligatoires de pilotage, des effectifs en personnel, de
la qualité et de la composition du matériel, est
rédigé un règlement local de pilotage approuvé par
le Directeur Régional des Affaires Maritimes. Ce règlement
édicte les seuils d'obligation ainsi que les conditions prévues
pour la délivrance des licences de capitaine pilote.
29 décret-loi du 12 décembre 1806
30 décret n° 69-515 du 19 mai 1969
Enfin, permettant de délivrer les licences de capitaine
pilote, et de donner des avis motivés sur les navires qui pourraient
être affranchis de l'obligation de pilotage, le décret du 19 mai
1969 pose le principe de la commission locale. La commission locale est un
comité d'experts techniques en ce qui concerne la sécurité
de la navigation et les intérêts maritimes. Elle est
composée du directeur des Affaires Maritimes locales, du directeur du
port, d'un officier de port, d'un capitaine de navire et d'un pilote
désigné par le Directeur Départemental des Affaires
Maritimes.
Malgré leurs dissemblances géographiques, les
stations de pilotage françaises possèdent des traits communs, en
raison de leur organisation administrative et juridique, et du statut du
pilote. Les trois principaux organes coexistant au sein d'une station de
pilotage sont toujours la collectivité des pilotes, le syndicat des
pilotes et la station de pilotage :
i) La collectivité des pilotes et la station de
pilotage
La collectivité rassemble tous les biens communs de la
station de pilotage, qu'ils soient meubles (voitures,
hélicoptère, vedettes) ou immeubles (bureaux, bâtiments).
Elle est la propriétaire de ces biens pour tous les pilotes appartenant
à la station.
Cela signifie que tous les pilotes sont copropriétaires
du matériel de la station, chaque pilote détenant un pourcentage
du total du montant des biens de la collectivité. Lors de sa venue au
sein de la collectivité, chaque nouveau pilote doit verser une part de
cette collectivité, fixée par le règlement local de la
station, et qui lui sera reversée lors de son départ en retraite,
la collectivité lui rachetant alors sa part lors de son départ.
Il appartient donc à la collectivité de décider des
investissements nécessaires et du renouvellement des biens, en
copropriété. Pendant la durée de leur carrière
comme pilote, ces derniers ne peuvent disposer de leur part de
collectivité, et ne possède pas non plus le droit de
l'hypothéquer. Ce régime permet de garantir l'affectation du
matériel de la station au service public seulement.
La loi de 1928 fixe également les conditions de
rémunérations des pilotes Français :
Art 22 loi de 1928 : « Dans les stations
où le service se fera au tour de liste, les salaires des pilotes seront
mis en commun et le règlement local déterminera les conditions de
partage des salaires entre les pilotes ».
Les pilotes reçoivent donc un salaire qui est le
résultat du partage équitable de la bourse commune, dite «
masse partageable », qui est en fait le résultat net de la station,
c'est à dire le résultat de la station après y avoir
soustrait les charges d'exploitation, les impôts, et les frais du
personnel.
ii) Le syndicat des pilotes
La loi du 28 mars 1928 dans son article 22 stipule que :
« Dans les stations où le matériel du
pilotage est la propriété des pilotes, ceux-ci
peuvent, dans un délai de six mois à dater
de la promulgation de la présente loi, et ultérieurement, sur
l'autorisation du ministre chargé de la marine marchande, en
entreprendre l'exploitation à titre collectif sous le régime des
dispositions de la loi du 21 mars 1884, modifiée par la loi du 12 mars
1920 »,
Ne donnant pas de personnalité morale à la
station de pilotage, mais exigeant « d'entreprendre l'exploitation
à titre collectif » des biens et du matériels de la station,
les pilotes ont regroupés leurs matériels sous un organisme
appelé « collectivité », qui se trouve
gérée et rattachée à un syndicat professionnel des
pilotes. En effet, la loi du 12 mars 192031 à laquelle la loi
de 1928 fait référence, donne aux syndicats la
personnalité morale, le droit de gestion, et de propriété.
Le syndicat est donc le gérant légal de la station de pilotage.
La collectivité est le propriétaire des biens de la station,
confiant leur gestion au syndicat.
Cette préférence du législateur,
d'utilisation collective du matériel répond d'une volonté
d'utilisation et de gestion commune de l'outil de travail, afin de garantir
l'efficacité et la continuité du service.
Son rôle est donc de gérer, par le biais du
président du syndicat des pilotes, les recettes et dépenses de la
collectivité (achats, ventes, fournitures et consommables,
répartition de la masse partageable), et d'en assurer la gestion des
biens. Le président du syndicat, pour le compte du syndicat, est en
quelque sorte l'employeur des pilotes.
Pour conclure, le pilote français gère donc un
service public sans pour autant prendre la qualité de fonctionnaire, et
bénéficie d'un monopole consacré juridiquement par la
jurisprudence dans la gestion de son service. Il exerce ses fonctions en toute
indépendance, conservant son autonomie de gestion, au service de
l'armateur. La réglementation générale pour toutes les
stations est organisée par le ministère du transport, alors que
la réglementation par station est organisée par l'administrateur
des affaires maritimes et le préfet de région. Enfin localement,
la réglementation interne à la station est organisée par
les stations elles mêmes.
Les pilotes français agissent à leur compte, ils
sont armateurs indépendants, tout en étant des agents de droit
public dans la mesure où ils sont commissionnés par
l'État.
31 la loi du 12 mars 1920 sur l'extension de la
capacité civile des syndicats professionnels
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