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Le pilotage maritime dans l'Union Européenne: statuts, organisations et responsabilités civiles des pilotes en 2010

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par Pierre CASTETZ
Université du Havre faculté des affaires internationales - Master 2 droit de la mer et des activités portuaires 2009
  

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B) Autres types de responsabilités

A propos des responsabilités civiles des pilotes eux mêmes, deux cas peuvent se présenter. En effet, en cas de dommages provoqués par un navire piloté, deux types de victimes pourraient exercer un recours contre le pilote. Les tiers, tels que des propriétaires de quais, d'appontements, de grue, ou bien d'autres navires, ou toutes autres personnes qui n'est pas propriétaire du navire piloté, chercheront à prouver les responsabilités du navire piloté pour les dommages que celui-ci leur a fait subir. Ensuite, dans le cadre du contrat de pilotage, l'armateur propriétaire du navire, pourra, lui aussi, tenter une action en justice pour responsabilité contractuelle contre le pilote pour les dommages que son navire a subi par exemple, puisqu'elle résulte d'une « mauvaise » exécution d'une convention, qui est le contrat de pilotage.

Tout d'abord, en France selon l'article 18 alinéa 1 de la loi de 1969 le pilote n'est pas responsable envers les tiers des dommages causés au cours des opérations de pilotage, et le pilote « doit contribuer à la réparation dans ses rapports avec l'armateur du navire piloté, dans la mesure où celui ci établit que le dommage est du à une faute du pilote ». Les tiers devront donc exercer un recours contre l'armateur du navire piloté pour recouvrer leurs créances. En cas de sinistre au cours d'une opération de pilotage, la loi du 3 janvier 1969 institue le principe de la présomption de responsabilité à l'encontre de l'armateur du navire piloté, c'est à dire qu'il appartient à l'armateur d'établir la faute du pilote.

Après l'étude des différentes lois sur le pilotage des principaux pays européens, cette doctrine de non responsabilité des pilotes envers les tiers, bien qu'elle admette des limites, notamment dans la qualification de faute du pilote, est présente à peu près partout.

D'après F.Laffoucrière82, « en Allemagne et en Italie comme en France, le pilote n'est pas responsable civilement envers les tiers mais seulement envers l'armateur. Que ce soit en Irlande, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique, en Grèce, au Portugal ou au Danemark, le pilote est soit exonéré, soit il voit sa responsabilité limitée », comme nous le verrons dans le Chapitre II.

82 La responsabilité civile du pilote maritime, mémoire de Master 2 Droit de la mer, Université des Affaires Internationales, Le Havre, année 2006/2007 F.Laffoucrière.

Naturellement, celui qui crée un risque, ou un dommage par l'utilisation d'une chose dont il a la garde, ou l'utilisation d'une personne qu'il habilite pour, devrait en supporter les conséquences pécuniaires en cas de sinistre.

Il est donc cohérent de penser que toute entreprise, dont l'activité lui procure un certain avantage économique, réparera les dommages qu'elle pourrait occasionner. De nos jours, dans les cas de litiges financiers, les juristes ont d'avantage tendance à penser aux réparations monétaires qui permettront de dédommager les victimes, plutôt qu'à l'allégation simple de la faute. Cette théorie du risques crée, et développée par Saleilles et Josserand83, serait difficilement applicable juridiquement aux pilotes européens, faisant reposer des compensations financières considérables à des personnes physiques qui ne pourrait pas les recouvrer.

Selon ce principe, le commettant, pour qui le préposé, le pilote, exerce une activité, lui fournissant ainsi des revenus, doit supporter les risques inhérents à cette activité, dégageant totalement le pilote de responsabilité vis à vis des tiers.

Or nous l'avons vu, il est de nos jours peu probable que la responsabilité d'un organisateur de pilotage ou d'un État soit recherchée, en raison de la qualification de travailleur indépendant accordée à la profession. Les demandeurs seraient alors tentés de rechercher les fautes du pilote lui même, et d'exercer un recours contre lui. Plusieurs questions se sont posées pour le législateur. Souhaitant évidement permettre aux tiers de recouvrer les dépenses admises en réparations de dommages subis, les juristes se sont vus opposer l'insolvabilité du pilote, le pilote considéré alors comme personne physique.

Ensuite, nous l'avons vu, n'étant pas un préposé de l'autorité organisatrice des services de pilotage, pourrait il exister comme préposé du capitaine. A ce sujet, F. Laffoucrière84, retiens qu'il ne semble pas approprié de qualifier le pilote comme « préposé de l'armateur, la qualification du lien juridique qui unit le pilote au capitaine a fait l'objet d'hésitations et de nombreux revirements de jurisprudence », et au sujet de la qualification du pilote vis à vis du capitaine, « il est heureux que ce dernier ne soit pas responsable à l'égard des tiers sous couvert de recherche d'équité, cette responsabilité aurait pu avoir des conséquences dommageables à la fois pour les tiers et pour l'armateur».

83 Théorie du risque-profit élaborée par la doctrine de la fin du XIXème siècle par Labbé, Raymond Saleilles ou Louis Josserand. Elle consiste à dire que celui qui tire profit d'une activité doit en supporter les charges, englobant l'indemnisation des dommages qu'elle provoque.

84 La responsabilité civile du pilote maritime, mémoire M2 Droit de la mer, Le Havre, année 2006/2007 F.Laffoucrière

Le pilote, dans de nombreux pays pourtant, est considéré comme un employé temporaire de l'armateur. C'est le cas notamment en Angleterre85, où le pilote est, depuis la jurisprudence Cavendish, mais aussi au Portugal et en Italie, largement traité comme un membre d'équipage momentané du navire. L'armateur sera tenu pour responsable des pertes ou dommages causé par son navire dans le cas de la négligence du pilote même dans le cas d'un pilotage obligatoire, l'armateur retenant donc logiquement la possibilité d'exercer alors un recours contre l'administration, dans le cas d'un pilotage accomplie par des agents d'États, ou contre une autorité portuaire en charge du service.

En Allemagne, les pilotes, comme leurs homologues, ne sont pas non plus responsables des dommages envers les tiers sauf en cas de négligence prouvée, c'est à dire qu'ils ne seront pas tenu pour responsables des dommages, sauf dans le cas d'une négligence grave, ou d'une conduite fautive volontaire86.

En Hollande, envers les tiers, l'armateur propriétaire du navire peut être tenu pour responsable des dommages qu'il a créé même si ceux ci proviennent d'une faute de pilotage, erreur du pilote selon l'article 8/547 du code civil Hollandais. Aussi, le code civil hollandais, insère et reprend la convention de Bruxelles, dans l'article 8/547 en affirmant qu'en cas de collision, l'armateur du navire fautif, donc son capitaine, reste responsable des dommages causés au tiers , même dans le cas d'une faute du pilote et même si le pilotage y est obligatoire. En Hollande, le recours de l'armateur pour ces propres dommages et les dommages au tiers sont régis par l'article 3 de la Dutch pilot act87, ce dernier énonce dans l'article 3 que le pilote, s'il agit dans l'exercice des pouvoirs et des obligations spécifiées à l'article 2, ne répond que des dommages causés intentionnellement ou par négligence grossière. Et cette doctrine est aussi reprise en droit suédois, le pilote n'étant responsable personnellement des dommages qu'il créé dans le cas d'une faute grave ou d'un acte volontaire.

85 En Angleterre, la section 16 du pilotage act de 1987 établit que : « le fait qu'un navire est en navigation dans une zone où le pilotage est obligatoire ne devra pas remettre en cause la responsabilité de son propriétaire ou capitaine pour toute perte ou dommages causés directement par le navire ou par la manière dont il est piloté. (Traduction)

86 Gross negligence and wilful misconduct, Sec. 21 Para 3 German Pilotage Act. «

87 « De loodsenwet »

Peu de cas de jurisprudence existe, pourtant, depuis le jugement du 04 février 2000 dans le cas du navire Solon, la court suprême des Pays Bas a retenu que la faute grave telle que décrite dans l'article 3 de la Dutch Pilot Act ne sera retenue que si il peut être établit que le pilote a agit volontairement ou avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement.

En règle générale, les pilotes européens sont donc très largement exemptés de responsabilité, ou bien celle-ci se voit limitée et ils ne seront généralement tenus pour responsable que pour des dommages provenant d'une faute grave ou avec intention volontaire de la créer.

Cependant, la responsabilité du pilote pourrait être trouvée par les tribunaux si le pilote, par l'ordre de barre qu'il donne, se trouve à l'origine d'un dommage : en Italie, le 20 janvier 1994, le navire Zim Osaka88 pilote à bord, larguait ses amarres au port de Gènes, assisté de deux remorqueurs ; la manoeuvre étant effectuée en marche arrière puisque le navire était accosté proue vers la terre. Nonobstant l'ordre de faire « machine avant » donné, par le capitaine et le pilote ( le premier « en avant toute », le second « en avant lente »), le navire heurta un bloc de ciment immergé de la digue, subissant d'importants dommages sur son gouvernail. En 2003, le tribunal de Gènes condamna solidairement un pilote et sa « Corporacion », définissant l'exercice du pilotage comme louage d'ouvrage, c'est à dire comme un contrat par lequel une personne s'engage à faire quelque chose pour une autre personne en lui laissant la jouissance complète d'une chose pendant un certain temps. Pour le motif que le contrat de pilotage peut être considéré comme un louage d'ouvrage, le pilote ayant la jouissance du navire, donc la responsabilité de la manoeuvre. Dans ce cas, le tribunal de gênes a observé que la présence de blocs était connue du pilote, constituant une faute du pilote ; les tribunaux italiens ont retenus ici le fait que l'activité exercée par le pilote, même s'il assiste professionnellement le capitaine n'est pas subordonnée à ce dernier, mais serait complètement autonome.

88 Pilotage Italien / obligation de prendre le pilote / manque de coordination entre le pilote et la capitaine du navire par Georgio Berlingieri, paru dans la DMF N° 653 du 01/11/2004, chronique de droit maritime italien, rubrique droit maritime étranger Le pilote a été condamné solidairement avec sa corporacion, le tribunal rappelant que le capitaine a l'obligation de recourir au pilotage (code de la navigation italienne art 87, et que le capitaine a aussi l'obligation de conduire personnellement son navire à l'entrée et à la sortie du port., et en toute circonstance lorsque la manoeuvre est difficile ( art 298 code la navigation Italienne

La doctrine est donc que le capitaine n'est investi d'aucune autorité à l'égard du pilote. Nous l'avons vu, ce dernier opère comme un conseiller seulement, lequel, en l'absence de lien de subordination ne peut être considéré comme préposé du capitaine. En revanche, si l'on se place du côté du pilote, ses conseils peuvent être assimilés à des ordres lorsque le capitaine les approuve. Lorsque le respect de ces ordres aboutit à la réalisation d'un préjudice, la « faute » du pilote en est à l'origine. Dès lors, la responsabilité du pilote en Europe pourrait donc être engagée.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci