2. LA RECHERCHE DE "L'ENNEMI PRINCIPAL"
A. Les tendances
C'est donc durant les années soixante qu'une nouvelle
vague de féministes appara»t, elle a une volonté plus claire
d'analyser les raisons de la subordination féminine et de rendre compte
de l'apport des femmes a la vie sociale, apport ayant toujours paru aller
tellement de soi qu'il paraissait inutile d'en parler. Dans les travaux
précédents (masculins), soit l'inégalité
hommes-femme n'était pas traitée soit elle y était
justifiée. Et peu d'études montraient la genèse de cette
domination. Cette 'deuxième'31 vague de féminisme a
d'abord dii déconstruire avant de pouvoir reconstruire. Il fallait
démontrer le caractère patriarcal des recherches et
théories classiques avant de pouvoir développer une
théorie politique propre, incluant les femmes et la
liberté.
L'histoire et l'analyse des différents courants
féministes montrent d'ailleurs que les analyses et les solutions
proposées diffèrent largement. Trois grands courants se
dessinent: les libérales, les marxistes et les radicales.
Ils diffèrent par l'analyse des causes de la subordination des
femmes et les stratégies de changement a mettre en Ïuvre pour
mettre fin a cette subordination.32
susceptible de s'articuler à d'autres modes de
pensée, tertio soit la meilleure forme de connaissance possible et le
parachèvement d'un processus de découverte, soit celle sans
laquelle rien n'aurait lieu parce qu'elle permet d'amorcer le processus."
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A force de chercher la rationalité et
l'objectivité a tout prix, les sciences sociales au sens large, ces
sciences molles , perdent de vue que, leur objet étant le
vivant et le vécu, aucune recherche ne peut faire abstraction du point
de vue, et, pour revenir au sujet qui nous intéresse, a l'origine du
savoir, largement constitué par les hommes. Une des causes principales
de l'erreur en sociologie, et dans les sciences humaines en
général, réside dans le rapport incontrôlé a
l'objet. Comme le souligne Le DÏuff, le chercheur en sciences sociales ne
peut contrôler l'objet de ses recherches (pas plus que le chercheur en
physique ne peut contrôler la vitesse de la craie qui tombe a une vitesse
v). Il peut par contre faire dire n'importe quoi a cet objet. Qu'on parle de
catégories construites (Le DÏuff) ou de point de vue (Bourdieu -
Bourdieu définit le point de vue comme étant la position
occupée dans l'espace social et dans le champ scientifique), il y a dans
la pensée, des catégories ou points de vue qui déterminent
les objets, sans qu'on ne se pose de questions sur la pertinence des
catégories qui ont mené a cette "objectivation" c'est a dire a
transformer les femmes en "réalité objective, susceptible
d'étude objective".
voir LE DOEUFF Michèle, Le sexe du
savoir, Aubier, Coll. Alto, Paris, 1998.
BOURDIEU Pierre , Questions de
Sociologie, Les Editions de Minuit, Paris, 1980, p. 22
31 La première ayant débuté notamment avec
les suffragettes, début du XXème siècle.
32 Il ne s'agit pas ici d'étudier en détail ces
trois courants mais d'en donner les caractéristiques principales. Dans
son article sur les courants de la pensée féministe, Louise
Toupin décrit ces trois courants en expliquant ce qui pour chacun
constitue 'l'ennemi principal' et quelles sont les stratégies de
changement prônées.
Les féministes libérales comme
leur nom l'indiquent croient en les vertus du libéralisme et estiment
simplement qu'il n'est pas adapté aux femmes. Il s'agit donc de
socialiser autrement les femmes, de changer les mentalités et de faire
pression pour faire changer les lois discriminantes.
Les féministes marxistes par contre
considèrent que la cause de la domination masculine est justement le
système capitaliste et la propriété privée. C'est
donc bien le système économique qui est l'ennemi principal. Il
faut donc abolir la société capitaliste et la remplacer par la
propriété collective. Si les moyens utilisés ressemblent a
ceux des féministes libérales, la fin est toute différente
puisqu'il s'agit d'éliminer le capitalisme et la propriété
privée. Il faut noter que les féministes marxistes n'ont pas
toujours été bien acceptées par les marxistes eux -
mêmes qui les accusaient d'être un mouvement
'individualiste-bourgeois' (a ce sujet, toute la réflexion de Simone de
Beauvoir sur la convergence entre les luttes des classes et des sexes est fort
intéressante, et son parcours personnel de militante de gauche a
véritable militante féministe illustre les dilemmes qu'il peut y
avoir entre les deux militances. Voir a cet égard l'ouvrage de
Jacques Zéphir, Le néo-féminisme de
Simone de Beauvoir, Denoël/Gonthier, Paris, 1982). Si le
féminisme marxiste a été délaissé en
Occident, beaucoup de féministes des pays du Sud continuent a utiliser
le grille de lecture de la lutte des classes.
Une variante du féminisme marxiste est le
féminisme socialiste qui couple son analyse du
capitalisme comme cause de la domination a l'analyse du patriarcat. Ces
féministes tentent donc de voir comment s'articulent ces deux
'systèmes d'oppression des femmes'. Elles sont influencées (et
influencent elles-mêmes) les féministes du
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