3. QUELQUES DEFINITIONS DU DEVELOPPEMENT
Puisqu'il s'agit d'analyser le genre dans le
développement, et particulièrement dans les ONG, il importe de
définir 'développement'.
Pour reprendre la définition de Labrecque,
le développement est un processus impliquant à
la fois des catégories sociales et des individus d'une part,
entra»nant un changement social d'autre part. Ce processus de changement
social est le résultat de la combinaison de facteurs historiques,
politiques et sociaux à la faveur desquels le poids relatif des rapports
hiérarchiques se déplace et finit par se refléter dans la
configuration générale de la
société.20
C'est donc, comme le genre une construction sociale et
intellectuelle. Comme pour le genre, on peut reprocher à ceux qui
parlent de développement l'utilisation d'un concept culturellement
connoté et empreint de jugements de valeur. Or cette critique vient
moins rapidement à l'esprit. Elle est largement intégrée
dans les mentalités, à l'opposé du genre. Pourtant la
conception du développement qui est mise en avant actuellement s'appuie
sur des conceptions occidentales de ce qui devrait être, et des moyens
pour y arriver.
En effet, malgré une évolution ces dix
dernières années, la notion de développement s'appuie sur
une conception linéaire de la vie. Elle s'exprime notamment dans le
domaine économique par une vision néo-libérale. La
croissance économique, c'est-à-dire l'augmentation du PIB reste
l'objectif premier à atteindre. Parallèlement, on voit les
états nationaux être dépossédés de leurs
prérogatives en matières sociales et économiques. Les
institutions internationales, en particulier, proposent des solutions (les
programmes d'ajustements structurels entre autres) qui ne font que renforcer la
dépendance extérieure des états nationaux et le
désabusement de la 'société civile'. Santos Boaventura de
Souza, cité par Garcia Castro souligne que
la dévastation néo-libérale a
créé une classe politique vénale, qui a privatisé
l'Etat afin de privatiser l'économie et, ce faisant, réduit la
société civile au marché et les citoyens en consommateurs
ou en indigents. Ainsi défigurée, la société
civile, loin d'être opposée à l'Etat, en est comme le
miroir. Pour cela, la reconstruction de l'espace public de l'Etat n'est
possible qu'à condition qu'il y ait aussi une reconstruction de l'espace
publique non étatique.21
Cette reconstruction de l'espace public non-étatique
fait partie d 'une autre vision du développement, opposée
à la vision économiciste et qui est défendu par une partie
des ONG du Nord, qui tentent de rendre la parole aux population du Sud par
l'établissement de relations plus égalitaires, basées sur
le respect et l'équité plutôt que la concurrence et la
croissance. Cette vision s'est développée parallèlement
à l'émergence des mouvements altermondialistes.
Dans cette volonté de redéfinition, le
développement est, comme le soutient Arturo Escobar,
une expérience historique singulière, qu'il
examine selon trois axes reliés entre eux: d'abord celui de la
construction de l'objet, ensuite celui du système de pouvoir qui
régule les
20 LABRECQUE Marie France, Sortir du
labyrinthe, femmes, développement et vie quotidienne en Colombie,
Les Presses de l'Université d'Ottawa, Coll. Etudes de Femmes, Ottawa,
1997, p.19.
21 BOAVENTURA DE SOUZA Santos, Depois do
diloevio neoliberal, in O Estado de Sa Paulo, 30 septembre 1996,
cite par GARCIA CASTRO Mary : Le pouvoir des genres à
l'époque du néo-libéralisme. Une réflexion de
gauche sur les féminismes en Amérique latine, in Rapports de
Genre et mondialisation des marchés, in Alternatives Sud, Vol. V,
n° 4, 1998, pp. 45-64, p. 53.
pratiques et, enfin, celui des formes de subjectivité qui
sont suscitées par le discours du développement.22
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