4. FEMMES, AUTONOMIE ET PUISSANCE
Quelles peuvent etre les applications, les implications de
l'autonomie pour les femmes, et en particulier, comment peut-elle contribuer A
leur empouvoirement?
Nous avons vu que les differentes approches du FED et du GED
avaient pour objectif de permettre aux femmes, en les integrant dans la sphere
economique, d'acquerir du pouvoir mais dans le cadre de relations sociales qui
resteraient inegalitaires et fondees sur la domination et l'exploitation. C'est
d'un point de vue formel et dans le cadre des structures
161 BENASAYAG Miguel et SCAVINO
Dardo, Pour une nouvelle radicalite. Pouvoir et puissance en
politique, La Decouverte, Coll. L'armillaire, Paris, 1997, p.89-90.
162 voir definition du "momentum concept" page 18
163 BENASAYAG Miguel et SZTULWARK
Diego: Du contre-pouvoir, La Decouverte, Paris, 2000, p.
57.
164 ibidem, p. 55.
165 Manifeste du reseau de resistance alternatif, point 3.
in BENASAYAG Miguel et SZTULWARK Diego: Du
contre-pouvoir, La Decouverte, Paris, 2000, p. 149.
existantes (construites d'un point de vue masculin) que l'on
veut les intégrer et les faire participer (élections, droits
formels, postes de décision dans les institutions et
gouvernements166, ainsi qu'au travail). Or les femmes ne
revendiquent pas toujours plus de pouvoir mais plus de "puissance" pour pouvoir
gérer leurs corps, leurs vies et leurs projets de manière
épanouissante et de facon à ce que les situations de domination
auxquelles elles sont le plus souvent confrontées soient
éliminées.
Si cette participation est positive, encore faut-il voir dans
quels termes elle se fait. Comme le souligne Pisano167, lorsqu'un
groupe de femmes atteint le pouvoir, le système se charge, subtilement,
de l'intérieur comme de l'extérieur, de le démonter.
Nos institutions, dit-elle, ne sont pas, de par leur propre sens,
dans le statu quo puisqu'elles affectent les connaissances, symboles
et valeurs de la culture dominante. Des lors, on essayera toujo urs de
délégitimer les femmes .
Dans une recherche d'autonomie, les femmes suivent deux
chemins. D'une part elles reconstruisent leurs savoirs ,
élaborent et expriment leurs visions et modèles de
développement (DAWN est à cet égard un exemple). D'autre
part elles s'attachent à repenser les structures
(institutionnelle ou non) dans lesquelles exprimer leur autonomie au
niveau collectif. Une idée répandue voudrait que la
création d'organisations de femmes pour les femmes soit la garantie
de processus autonomes . Or l'autonomie n'est pas figée
dans une situation, ni dans le territoire physique d'une
organisation.168 La présence d'espaces réservés
aux femmes n'est donc d'aucune garantie pour leur autonomie, même si elle
peut aider à clarifier certaines positions et à augmenter la
confiance en elles des femmes. A contrario le fait d'intégrer
des structures et mouvements mixtes n'empêche pas de développer
une démarche autonome. En réalité, les femmes peuvent
développer un processus d'autonomie dans n'importe quel espace,
organisation ou mouvement. L'indépendance organisationnelle n'est pas
non plus une garantie d'autonomie. En réalité, l'autonomie des
femmes ne peut être réduite à une seule vision puisqu'il
s'agit d'un processus humain et politique, impliquant des acteurs sociaux, des
relations sociales, des actions politiques et institutionnelles. Par
l'autonomie, les femmes pourront, à partir de leur engagement au niveau
domestique et communautaire, affirmer leur présence publique, sociale,
politique et économique pour ensuite construire de nouvelles
identités qui remettent en question et défient les conceptions et
systèmes de domination qui définissent leur
identité.169
Nous verrons dans le chapitre suivant comment les femmes
(féministes ou non) latino- américaines ont
développé, à partir de leur situation, des
stratégies de réflexion et d'action menant à leur
émancipation, notamment en regard au concept d'autonomie et comment les
actions des ONG de développement les y ont aidé (ou non).
166 Or, si des femmes ont envie de gouverner, de diriger la
société, cela n'a rien à voir avec le fait d'être
femme ou homme. Au cours d'une conférence sur le genre et le
développement organisée par l'asbl Petits Pas
(organisée le 20/11/2001 à Bruxelles) j'ai entendu
à de nombreuses reprises l'affirmation selon laquelle avec une femme
présidente tout irait mieux. Ce point de vue peut
être contesté. Une femme présidente ne modifierait rien en
soià la répartition du pouvoir existante et l'organisation
générale de ce pouvoir resterait inchangée. Des
exemples
marquants corroborent cette idée selon laquelle les femmes
dirigeantes n'ont pas toujours des effets positifs, notamment sur le "social".
Margaret Thatcher en est le plus criant.
167 PISANO, Margarita, Como hacer
evaluaciones feministas? in Un cierto desparpajo, Ediciones
Noemero Cr'tico, Santiago de Chile, 1996
168 MEYNEN et VARGAS, opcit., p. 34.
169 idem
F EMINISMES ET GENRE EN
A MERIQUE LATINE
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