B. L'autonomie comme réappropriation de soi
Jan Pronk envisage l'autonomie selon quatre axes principaux,
qui sont selon elle inextricablement liés. L'autonomie est donc
présentée comme le contrôle sur sa propre vie et son propre
corps et est envisagée du point de vue physique, économique,
politique et socioculturel. 150 L'autonomie permet également,
de comprendre comment et quand prendre en compte d'autres
intérêts, comment et sur quoi négocier, quand et avec qui
faire des alliances, sur quelles bases dialoguer dans la
société.151 L'apprentissage de l'autonomie est celui
de la pratique de la démocratie. En ce sens, elle ne peut qu'être
bénéfique aux femmes, qui pourront développer de nouvelles
stratégies pour combattre les différentes formes de domination.
Pour les femmes, ce processus d'individuation induit par la recherche
d'autonomie leur permet de se penser autrement qu'en fonction des hommes, de
l'Etat, de l'Eglise. C'est par ce processus que les femmes peuvent
reconna»tre leur propre valeur et affirmer leur
citoyenneté.152
Meynen et Vargas analysent le concept d'autonomie en rapport
avec les différents processus mis en place par les femmes pour faire
face aux situations de subordination auxquelles elles sont confrontées.
C'est dans le cadre d'un ensemble de relations sociales plus vaste que les
simples relations hommes-femmes que cette subordination doit être
analysées. Citant Chantal Mouffe, les auteurs soulignent que chaque
agent social est inscrit dans une multitude de relations sociales, de
production, de race, de nationalité, ethnicité, genre et qu'en
chaque individu cohabitent différentes positions subjectives qui
correspondent à autant de réseaux d'insertion
sociale.153 Il n'est donc pas possible de continuer de parler
de l'identité de la femme comme étant construite principalement
sur le genre.
C. L'autonomie comme redéfinition de l'action
collective
De ce point de vue, l'autonomie fait référence
à l'existence d'une multiplicité de sujets et agents sociaux, qui
revendiquent leur espace, leur voix dans la société et qui font
pression pour satisfaire leurs demandes particulières. Galtung
décrit l'autonomie comme étant
la capacité d'une personne de développer
un pouvoir sur elle-même, non pas dans la solitude et
l'isolement, non pas au travers de droits sociaux ou politiques, mais bien
à travers le développement de moyens matériels et
non-matériels pour surmonter - et réduire - l'oppression
qu'amènent différentes formes de pouvoir sur les autres,
pouvoirs qui sont ceux qui soumettent les personnes. 154
149 idem
150 PRONK Jan, Femmes dans le
développement: le chemin vers l'autonomie, in BISILLIAT
Jeanne et VERSCHUUR Christine (dirigé par), Le Genre: un
outil nécessaire. Introduction à une problématique,
Cahiers Genre et développement, n°1, 2000, AFED-EFI,
Paris-Genève, pp. 87 -93, p. 88.
151 MEYNEN Vicky et VARGAS Virginia, La
autonom'a como estrategia para el desarrollo dessde los multiples intereses de
las mujeres, in BARRIG M. & WEHKAMP A., Sin morir en el
intento. Experiencias de planificaci--n de género en el desarollo,
NOVIB, Ediciones Red Entre Mujeres, Lima, 1994, p. 32.
152 MEYNEN et VARGAS, opcit, p. 33.
153 idem, p. 27.
154 citée par MEYNEN Vicky et VARGAS Virginia, opcit, pp.
48.
Selon cette définition, l'autonomie permet à
l'individu de retrouver une certaine potentialité d'action qui, mise en
commun avec les autres autonomies permet de redéfinir les relations
sociales pour qu'elles ne soient plus basées sur le pouvoir, la
domination et l'inégalité. Il s'agit donc d'un processus à
la fois individuel et collectif.
L'autonomie serait donc un concept collectif, relationnel, qui
a pour objectif la transformation de la société mais
également l'acquisition des outil s pour y parvenir. Il ne s'agit donc
pas de chercher dans l'autonomie un quelconque pouvoir pour dominer les autres,
mais bien une puissance nouvelle qui permette de "pouvoir faire" selon les
termes de Benasayag.155 Ce pouvoir faire prend tout son sens au
niveau collectif. L'autonomie n'est en effet pas écrasée par
l'action collective. C'est l'autonomie au contraire qui permet de lui donner un
sens émancipateur. L'autonomie, en permettant l'autodétermination
et l'auto- réalisation ainsi que l'empouvoirement, affecte l'ensemble
des relations sociales de pouvoir qui affectent les individus. Dans les pays du
Sud en particulier, l'aspect collectif de la création et de
l'organisation du groupe est mise en avant dans le façonnement de
l'autonomie.156 Cette conception peut être reliée
à ce que Miguel Benasayag appelle "contre- pouvoir" . En quelque sorte,
le concept d'autonomie est l'expression d'une stratégie de
changement.
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