2. AUTONOMIE: UN MODE D'ACTION
Comme pour l'institutionnalisation, le sens que nous pouvons
donner à l'autonomie, pour les femmes d'une part, dans le cadre du
développement d'autre part est multiple. Nous entendons en effet ce
concept à plusieurs niveaux et différemment selon qu'on parle des
individus ou des organisations, des actions individuelles ou collectives. Mais
à tous les niveaux, l'autonomie doit être concue comme un concept
englobant la totalité d'une situation. Elle fait le lien entre l'intime,
le privé et le public. Dans un premier temps, l'autonomie pourrait
être définie comme étant une liberté de
pensée et d'action par rapport au discours dominant d'une part, aux
institutions existantes d'autre part. L'autonomie impliquerait alors une
liberté de se redéfinir comme sujet politique et la
possibilité de mettre en place des nouvelles facons d'être en
politique, de nouvelles formes d'action et de
réflexion.147
A. La constitution d'autres savoirs
La déconstruction /reconstruction des concepts et de la
facon d'appréhender les relations de genre est le premier pas lorsqu'on
veut appliquer cette optique. Il s'agit donc de réfléchir
autrement sur les fondements de l'action du développement telle
qu'elle a été concue jusqu'à présent et mettre en
Ïuvre des projets qui permettraient l'épanouissement et le respect
de tous. C'est donc dans ce sens général que nous utilisons le
terme d'autonomie: chercher à sortir des chemins tracés
et imposés "d'en haut". Il s'agit d'une réappropriation
par les individus de leur propre destin.
Les savoirs ne sont pas inéluctablement
instrumentalisés et peuvent au contraire contribuer à
l'émancipation et à la re-création du lien social. De
nombreux groupes et associations génèrent en effet un savoir
collectif, découlant de l'expérience et du bon sens quotidien
("daily, commonsense knowledge"148). Il est donc
important de réapprendre les savoirs qui sont
délégitimés par les institutions, tous ces savoirs qui
émergent des petits "nÏuds de pouvoir" que sont ces associations et
organisations. Comme le rappelle Fals Borda, ces mouvements cherchent à
construire de nouvelles formes d'Etat, et veulent une démocratie plus
directe et participative. Pour ce faire il est indispensable de se baser, selon
lui, sur la recherche-action participative afin d'utiliser ces
nouveaux savoirs pour "démolir les
BISILLIAT Jeanne et VERSCHUUR Christine (dirigé
par), Le Genre: un outil nécessaire. Introduction à une
problématique, Cahiers Genre et développement, n°1,
2000, AFED-EFI, Paris-Genève, pp. 249-225.
147 PRONK Jan, Femmes dans le
développement: le chemin vers l'autonomie, in BISILLIAT
Jeanne et VERSCHUUR Christine (dirigé par), Le Genre: un
outil nécessaire. Introduction à une problématique,
Cahiers Genre et développement, n°1, 2000, AFED-EFI,
Paris-Genève, pp. 87 -93, p. 88.
148 FALS BORDA Orlando, Social Movements and
Political Power in Latin America, in ALVAREZ Sonia et ESCOBAR Arturo
(sous la direction de), The making of the social movements in Latin
America. Identity, strategy and democracy, Westview Press, Boulder, 1992, pp.
62-85, p.314.
structures existantes de forces non sanctionnées et
l'inadmissible domination et exploitation". 149
Ce sont donc les pratiques qui créeraient de nouveaux
savoirs, et non pas les nouveaux savoirs qui induiraient, par leur utilisation
par un système, de nouvelles manières d'être. Les individus
seraient à la fois sujets et objets du savoir, dans une perspective
d'épanouissement personnel et de création de nouvelles formes de
relations sociales.
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