C. La transversalisation de la perspective de genre
Au début de l'approche Femmes et Développement,
cette approche était du seul ressort soit d'une personne chargée
de la question, soit, au mieux, d'un département "Femmes et
développement" au sein des institutions et des ONG. Cependant,
parallèlement à l'émergence de l'approche "Genre et
développement", la question s'est posée de savoir s'il
était mieux de spécialiser ou de transversaliser la
thématique. Selon la définition des Nations Unies, le
"mainstreaming", ou "transversalisation", de
la perspective de genre est
"un processus d'évaluation des implications des femmes
et des hommes dans toute action planifiée, y compris les
législations, les politiques et les programmes, dans tous les domaines
et à tous les niveaux. C'est une stratégie pour que les femmes et
les hommes soient une dimension intégrale de la conception, la
mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation des politiques et des
programmes dans toutes les spheres politiques, économiques et sociales
afin que les femmes et les hommes en bénéficient
également et que les inégalités ne soient pas
perpétuées. Le but ultime est d'arriver à
l'égalité de genre.»139
134 OXAAL Zoë et BADEN Sally: Gender
and empowerment: definitions, approaches and implications for policy,
BRIDGE Development - Gender, report n°40, Institute of Development
Studies, Brighton, octobre 1997, p. 1.
135 Même si Meertens constate qu'il est un peu utopique
de croire que l'on peut arriver à une redistribution du pouvoir à
somme zéro. MEERTENS Donny, Autonomia y practica
social: dilemas cotidianos de une estrategia de genero en el desarollo, in
BARRIG M. & WEHKAMP A., Sin morir en el intento.
Experiencias de planificación de género en el desarollo,
NOVIB, Ediciones Red Entre Mujeres, Lima, 1994
136 RAZAVI Shahrashoub et MILLER Carol,
From WID to GAD. Conceptual Shifts in the Women and Development
Discourse, Occasional Paper n°1, UN Fourth conference on Women,
février 1995, p.33. et OXAAL Z. et BADEN S., opcit.
137 OXAAL et BADEN, opcit, p. 5.
138 idem.
139 United Nations Economic and Social Council for 1997
La volonté de
transversalisation140 part donc d'une bonne
intention: que le genre soit une dimension intégrale de tous les niveaux
des politiques est certes une bonne chose à l'heure oü la tendance
est à la classification de toute chose. La transversalisation du genre
pourrait permettre d'éclairer à la lueur des rapports homme/femme
d'autres thèmes qui deviennent centraux comme la bonne gouvernance, la
gestion et la prévention des conflits , la pauvreté et la
mondialisation. Dans les ONG, cette volonté de transversalisation du
genre montre leur désir de lui accorder une place dans toute
réflexion et de faire en sorte que cette question ne soit plus une
question abordée au cas par cas mais bien une manière de penser.
Comme l'exprime EUROSTEP dans un de ses documents: "Do not add gender.
Mainstream it!"141. Pour certaines ONG, le genre ne peut être
qu'un simple terme ajouté aux textes et aux ordres du jour. La
sensibilité au genre doit structurer l'entièreté des
organisations.
Si nous avons analysé la transversalisation dans cette
partie, conjointement avec l'analyse des relations sociales et de
l'empouvoirement, prétextant qu'elle participait également de la
même approche "GED", nous soulignons toutefois que la transversalisation
peut également susciter des effets pervers comme la banalisation ou
l'institutionnalisation du genre. Son intégration à tous les
niveaux de la société pourrait mener à vider la notion de
toute substance ainsi que retirer aux groupes, féministes et
féminins, toute possibilité d'action en dehors des structures
officielles. Cette question fera l'objet du chapitre suivant.
|