B. Empouvoirement (Empowerment)
Cette cinquième approche n'en est pas une dans le sens
oil elle est à la fois un concept theorique et un mode d'action. Elle a
ete utilisee par le groupe DAWN (Development Alternatives with Women for a New
Era) en 1985 dans son texte Development, Crises and alternative
visions.130 L'origine de cette approche est donc, contrairement
aux approches precedente, la recherche feministe et l'experience des groupes de
femmes du Sud. L'objectif de ces femmes du Sud etait, non seulement d'analyser
la situation des femmes dans le monde, mais egalement de formuler une vision
alternative de la société. L'influence des feministes est ici
tres forte. Cependant, comme elles le disent elles-memes,
le feminisme, comme tout mouvement politique, se traduit par
des questions, des objectifs immediats et des methodes qui ne sont pas partout
pareilles.(É) sous cette diversite, le noyau irreductible du
féminisme est la lutte contre les structures de subordination des femmes
et la promotion de celles-ci comme partenaires egales des hommes, à tous
les niveaux de la societe.131
L'objectif de cette approche est de donner plus de pouvoir aux
femmes en leur donnant une plus grande confiance en elles. Cette approche
cherche donc à realiser un developpement economique et social qui
permettrait de satisfaire les besoins pratiques tout en permettant d'augmenter
l'acces et le contrTMle au pouvoir economique et politique. Contrairement aux
autres approches oil c'est le soi -disant "retard" des femmes sur les hommes
qu'il faut combler, l'objectif est ici de "responsabiliser les hommes et le
systeme, pour rejeter la hierarchisation et faire admettre les valeurs
d'attention et d'ouverture."132
Selon Frangoise Mestrum, le terme d'empouvoirement implique un
pouvoir "relationnel" (relacionado), à savoir un pouvoir qui "implique
un sujet et un objet", et qui est multidimensionnel. Il se décline au
niveau individuel, collectif et organisationnel.133 Un des points
importants, mis en exergue par DAWN, est l'autonomie dans l'acquisition de ce
"pouvoir". Il ne s'agit pas d'un pouvoir impose, tel que le decrit Saint
Hilaire lorsqu'elle parle de l'assujettissement des femmes par le dispositif de
développement. Il s'agit bien d'un pouvoir qui est
"auto-généré" et global. Ce sont toutes les relations de
pouvoir qui sont affectees et c'est un changement systemique qu'il faut
effectuer.
Oxaal et Baden déclinent le pouvoir
de differentes manières: il peut s'exercer dans le
cadre d'une relation de domination/ subordination (pouvoir sur), ou
dans celui d'une prise de decision (pouvoir de), ou encore il peut
s'agir d'un pouvoir collectif, dans l'intention de realiser des objectifs
communs (pouvoir avec). Enfin ce pouvoir peut se referer à la
confiance
129 citée par KABEER, opcit., p. 169.
130 Nous pensons que ce petit texte est exemplaire.
De façon concise, il enonce les griefs des femmes du Sud à
l'égard de la politique occidentale de développement
mais c'est surtout par ses propositions qu'il est novateur. Comme
l'écrit Andrée Michel dans sa preface à l'édition
française: c'etait la première fois qu'un groupe de chercheuses
du Sud intégrait le féminisme à une perspective globale,
montrant que la situation des femmes de la planete &tait inexorablement
liée aux autres problemes qui affectent l'humanité tout
entière.
DAWN, Femmes du Sud, Autres voix pour le
XXIè siècle, CTMté-femmes Editions, Paris, 1995
(traduction de: SEN Gita et GROWN Caren, Development, Crises and
alternative visions, Earthscan Publications, London, 1988)
131 DAWN, idem, p. 103
132 DAWN, opcit., p. 102.
133 MESTRUM Francine,
ÀCuanto poder en el empoderamiento? Construcci--n y deconstrucci--n de
un concepto, in MARQUES-PEREIRA Berengere (coord.):
Género, cultura y ciudadan'a, Cahiers du GELA.IS - ULB, n10,
1999, Bruxelles, pp. 183-201.
et l'estime de soi et permettre à l'individu de
s'affirmer au sein d'un groupe ( pouvoir au sein de).134
Meertens ajoute également la notion de pouvoir pour qui,
contrairement au "pouvoir sur" implique d'entrer en relation sans diminuer le
pouvoir de l'autre.135
Ces deux derniers aspects du pouvoir sont les points
principaux de l'approche de l'empouvoirement. L'action collective et la
participation sont ainsi, avec le rTMle des ONG les points clés dans
l'émergence d'un développement de 'bas en haut' (bottom-up
development).136 Le développement se basant sur
l'empouvoirement est donc bien un pouvoir qui vient des "gens" et non pas un
développement imposé. Comme le soulignent Oxaal et Baden, les
institutions et organisations de développement ne peuvent
prétendre "empouvoirer" les femmes. 137 Il s'agit d'un
processus autonome qui peut certes être soutenu mais ne peut être
"défini en termes d'activités spécifiques, ou de
résultats attendus car il implique un processus au sein duquel les
femmes peuvent analyser, développer et exprimer leurs besoins et
intérêts librement sans que ceux-ci ne soient préalablement
définis ou imposés d'en-haut, que ce soit par les
"planificateurs" ou d'autres acteurs sociaux".138
Cette vision des choses est donc bien différente des
autres approches et semble constituer, enfin, une échappatoire à
une prise en compte des femmes qui ne serait ni partiale, ni partielle, ni
reproductrice des processus de domination contre lesquels les femmes se
battent. Cette approche est utilisée par NOVIB dans ses actions, de
facon explicite dans les textes de l'organisation mais également de
facon "implicite" et transversalisée. On peut en fait dire que ce
processus d'empouvoirement est la clé de voûte de la politique de
NOVIB en termes de genre. Nous analyserons cette question dans la
quatrième partie.
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