3. GENRE ET DEVELOPPEMENT
Chronologiquement, l'evolution de l'approche FED vers
l'approche GED est peu claire. On ne peut pas dire que, à partir d'une
certaine date, l'approche ait bascule de l'une vers l'autre. Il s'agit plutTMt
d'un lent processus qui n'est pas encore arrive à terme. Depuis quelques
annees déjà le terme "genre" a remplace le terme "femmes" sans
que ce changement n'ait ete accompagne d'une modification des pratiques. Pour
nous, il s'agirait d'un effet de decalage temporel entre la theorie et la
pratique, les institutions et les ONG ayant toujours un peu de peine (ou peu de
volonte) à mettre en pratique les theories nouvelles.
L'introduction du concept de genre dans la cooperation au
developpement, (É) l'instrumentalisation qui est faite des theories
existantes sur le developpement, par les institutions internationales,
servent souvent, à legitimer leurs programmes en y integrant
122 Tant les Etats que les communautés et
les organisations internationales de développement considèrent en
effet cela comme étant naturel. MEERTENS Donny,
Autonomia y practica social: dilemas cotidianos de une estrategia de genero en
el desarollo , in BARRIG M. & WEHKAMP A., Sin
morir en el intento. Experiencias de planificaci--n de género en el
desarollo, NOVIB, Ediciones Red Entre Mujeres, Lima, 1994, pp. 49-71, p.
64.
123 L'utilisation gratuite de la main d'Ïuvre feminine
est particulièrement visible dans les programmes de reconstruction, dans
lesquels le travail des femmes (preparation de la nourriture, approvisionnement
en eau, en bois, etc. pour les constructions) n'est pas reconnu comme tel et ne
donne donc pas droit aux benefice du programme "travail contre nourriture".
des concepts porteurs, d'actualité, sans que cela ne se
traduise dans les pratiques sociales, politiques et
économiques.124
D'autre part nous pensons qu'il s'agit également d'un
décalage entre la pratique et la théorie, à savoir que les
réalités du terrain, les expériences vécues par les
femmes dans ce que Lagarde appellerait leur "situation vitale"125,
soit leurs expériences concrètes de vie, sont difficilement et
lentement prises en compte dans l'élaboration des politiques.
A. L'analyse des relations sociales (ARS)
L'une des critiques que l'on pourrait adresser à
l'approche FED, du moins dans les cadres théoriques analysés
ci-dessus, est qu'il se limite au très court terme et qu'il fait
abstraction de la globalité et de l'ensemble des relations sociales des
femmes. Le simple fait d'augmenter la productivité des femmes, ne leur
permettra ni d'augmenter leur autonomie, ni de réduire les
inégalités entre les femmes et les hommes. Par contre, en se
centrant plutTMt sur les rapports sociaux de sexe (gender) que sur un sexe ou
sur l'autre, on met en évidence le construit social des rTMles
féminins et masculins ainsi que le pouvoir et les hiérarchies qui
marquent peu ou prou toute forme de relation.126 Ce cadre
théorique pourrait etre considéré comme étant la
base pour le passage de l'approche "Femmes et developpement" à
l'approche "Genre et développement" . En effet, ce ne sont plus
essentiellement les femmes qui sont l'objet de cette approche mais plutTMt les
relations sociales qui sont les leurs, tant avec les hommes qu'avec les autres
femmes.
Les relations de genre sont, comme les définit Kabeer,
l'étendue des relations sociales qui créent des
différences systématiques dans le positionnement des femmes et
des hommes en relation avec les processus sociaux.127 L'analyse des
relations sociales met donc l'accent sur l'étude des structures sociales
qui engendrent les situations de domination et d'inégalités
auxquelles sont confrontées les femmes, dans les relations de production
mais également dans l'ensemble des relations sociales de la vie
quotidienne (relations ayant trait aux mécanismes de production,
reproduction, distribution et consommation). Cette analyse ne peut donc pas
faire l'impasse sur la redistribution du pouvoir et n'exclut pas non plus que
la réponse à la domination se trouve ailleurs que dans les
relations de genre et au sein du foyer. D'autres institutions, telles
la communauté, l'état, le marché permettent aux groupes
d'acquérir des ressources mais définissent également, de
par leurs règles, normes, valeurs et structures de pouvoir, la place des
hommes et des femmes en leur sein. Les rTMles et attributions de chacun varient
donc selon le lieu et le temps.
La différence principale entre l'analyse des relations
sociales et les approches besoin s et rTMles est que, si ces dernières
voient la division du travail selon le genre comme une sorte de
"séparation sociale", l'ARS comprend cette division comme une forme de
"connexion sociale", dans laquelle il y a relation de coopération et
d'échange qui n'est pas toujours symétrique.128
Whitehead montre également que la division sexuelle des t%oches peut
etre considérée de différents points de vue (culturel,
sociales, politiques) et que tant que
124 THORNDAHL Marie, Pratiques et
réflexion de genre. La diversité des expériences,
in Créativité, femmes et développement, Cahiers de
l'IUED, Genève, 1997, p. 17
125 LAGARDE Marcela, Identidad de
género, Ed. Cenzontle, Managua, 1992, p. 11.
126 ZWALHEN Anne, Vers un autre
genre de développement , in Créativité, femmes et
développement, Cahiers de l'IUED, Genève, 1997, pp. 31-41, p.
32.
127 KABEER Naila, Triples rTMles,
rTMles selon le genre, rapports sociaux: le texte politique sous-jacent de la
formation à la notion de genre, in BISILLIAT Jeanne et VERSCHUUR
Christine (dirige par), Le Genre: un outil nécessaire.
Introduction à une problématique, Cahiers Genre et
développement, n°1, 2000, AFED-EFI, Paris - Genève, pp.
155 -174, p. 168.
128 RAZAVI Shahrashoub et MILLER
Carol, From WID to GAD. Conceptual Shifts in the Women and
Development Discourse, Occasional Paper n°1, UN Fourth conference on
Women, février 1995, p.28.
l'interdépendance entre hommes et femmes se fonde sur
une division asymétrique, plutTMt que symétrique, des ressources
et des responsabilités, les relations de genre sont des relations de
pouvoir comme de difference, de conflit comme de
coopération.129
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