ii. Les triples rTMles de genre: rTMle de reproduction,
rTMle de reproduction et rTMle communautaire
98 RAZAVI et MILLER, opcit., p. 17.
99 ZWALHEN Anne, Vers un autre genre de
développement, in Créativité, femmes et
développement, Cahiers de l'IUED, Genève, 1997, pp. 31-41, p.
32.
100 Voir l'analyse des relations sociales point iv.
101 Le ménage, ou foyer, est ici
considéré sous un angle"traditionnel": un homme, une femme, deux
ou trois enfants et le posent comme"unité" de base pour l'étude
des relations sociales de genre. Ne prendre en compte que les relations au sein
du foyer est doublement critiquable: d'une part, en considérant qu'il y
a un homme et une femme au sein de la famille, on fait abstraction d'autres
modes de structure familiale (beaucoup de femmes sont seules chefs de familles,
il existe d'autres formes de groupes communautaires), d'autre part, se limiter
aux relations hommes-femmes dans la sphère privée, en particulier
dans le couple, n'est que poursuivre ce qui a été fait
auparavant, à savoir confiner la femme dans la sphère
privée, comme si elle n'avait de relations avec les hommes que dans son
"ménage" mais aussi comme si les relations avec les autres femmes
n'étaient jamais empreintes de pouvoir ou de domination mais aussi de
coopération et complicité. La question lesbienne notamment est
rarement abordée par le monde de la coopération, alors qu'il
s'agit d'un thème récurrent parmi les féministes en
Amérique latine.
Caroline Moser, entre autres, base la planification en terme
de genre sur l'analyse des rTMles. Elle en dénombre trois:
reproductif, productif et communautaire. Il s'agit
évidemment d'une simplification de la complexité de la
réalité, mais l'identification de ces trois rTMles est, selon
Moser, un outil permettant de rendre visible ce qui ne l'était pas
auparavant.102 En effet, l'objectif est de provoquer une prise de
conscience et d'attirer l'attention sur le fait que les femmes doivent trouver
un équilibre entre leurs différents rTMles et que cela a une
implication sur leur capacité à participer aux projets et
à leur investissements dans ceux-ci.
La nouveauté du schéma des trois rTMles
réside dans la reconnaissance du temps et de l'effort
déployés par les femmes dans l'aménagement de la
communauté locale. Les femmes agissent tant au niveau des
infrastructures qu'à celui des services. Le tissu des relations sociales
est envisagé comme un ensemble d'infrastructures et de services.
Cependant ce schéma reste, selon Jeanine Anderson, l'une des
reductions les plus maladroite qu'on ait tenté d'appliquer
à l'analyse de la femme et à celle du développement.
103
La définition des rTMles se fait en fonction des
ressources qu'ils génèrent. Le rTMle productif a ainsi trait
à la production des ressources économiques et matérielles,
alors que le rTMle reproductif a trait à la gestion et la reproduction
des ressources humaines. Ces deux rTMles ne sont en fait qu'une autre facon de
différencier la sphère privée de la sphère
publique, les concepts de reproduction et de production.
Pour ce qui est du rTMle communautaire,
Kabeer souligne le manque de clarté dans la définition qu'en
donne Moser. On ne sait pas très bien en effet si ce rTMle
communautaire produit des biens et services
gr%oce aux efforts communautaires plutTMt qu'individuels,
l'accent étant mis dans ce cas sur l'organisation de la production, ou
si au contraire les efforts collectifs se rapportent à ce qui est
produit, par le fait de revendications rendues possibles gr%oce à
l'appartenance des membres aux organisations communautaires.104
Par ailleurs, au-delà de cette imprécision, Moser fait la
différence entre le rTMle de gestion communautaire et
le rTMle de politique communautaire. La gestion serait le fait
des femmes, et Moser décrit ce rTMle comme étant "une extension
du rTMle reproductif", puisqu'il s'agit de veiller au bien-titre de sa famille
et de sa communauté. La femme remplit ce rTMle lors de ses temps libre
et bénévolement. Le rTMle politique communautaire serait le fait
des hommes. Il s'agirait ici d'organisation politique formelle, impliquant
rémunération et augmentation de statut et de pouvoir.
105 Moser relève toutefois que ce clivage entre investissement
communautaire bénévole féminin et investissement politique
rémunéré masculin est renforcé par les
états, les institutions et les ONG. Quand des t%oches sont
redistribuées aux femmes, dans le cadre de projets (par exemple des
projets de santé communautaire ou d'alimentation), elles le font en
général gratuitement et pour combler le vide institutionnel.
Cette instrumentalisation des femmes est particulièrement claire dans
l'approche "efficacité" que nous analyserons plus loin.
Ce rTMle communautaire, décrivant les activités
des femmes dans la gestion de leur communauté, ne décrit pas, du
moins pas de manière explicite dans les textes de Moser,
l'activité politique des femmes dans d'autres lieux que leur
communauté. Or, c'est autour de la défense du bien -etre des
individus et de l'intéret pour la gestion collective des biens
102 MOSER Caroline O.N.,
Planificaci--n de género y desarollo: teoria, practica y
capacitaci--n, Entre Mujeres/ Flora Tristan ediciones, Lima, 1995, p.
140.
103 ANDERSON Jeanine, Le
'triple rTMle', in BISILLIAT Jeanne et VERSCHUUR Christine (dirige
par), Le Genre: un outil nécessaire. Introduction à
une problématique, Cahiers Genre et développement,
n°1, 2000, AFED -EFI, Paris - Genève, pp. 175-178.
104 KABEER Naila, Triples rTMles,
rTMles selon le genre, rapports sociaux: le texte politique sous-jacent de la
formation à la notion de genre, in BISILLIAT Jeanne et VERSCHUUR
Christine (dirige par), Le Genre: un outil nécessaire.
Introduction à une problématique, Cahiers Genre et
développement, n°1, 2000, AFED-EFI, ParisGenève, p.
161.
105 MOSER, opcit, p. 59.
publics que s'est articulée la citoyenneté des
femmes développée durant ces trente dernieres années, du
moins en Amérique latine.106
A propos de cet engagement, Moser prétend que,
lorsque les femmes se mobilisent autour de themes qui sont directement en lien
avec leurs sphere sociale et en dehors des organisations politiques
établies, elles deviennent tres puissantes, justement parce qu'elles ne
remettent pas en question la nature de leur subordination de genre. Par contre,
une fois qu'elles s'impliquent dans le monde "masculin" de la politique
publique, les confrontations sont virtuellement inévitables. Selon
l'auteur c'est une des raisons pour laquelle les femmes choisissent de rester
dans le gestion communautaire. Et de citer comme exemple la réussite des
associations comme les Meres de la Place de Mai en Argentine, ou
le Comité de Amas de Casa de Siglo XX en Bolivie.107
On ne sait pas tres bien si lorsque Moser dit que les femmes ont tendance
à éviter la confrontation et restent donc dans leur sphere
traditionnelle, elle approuve cette facon de voir ou si elle ne fait qu'un
simple constat. Or les femmes, meme si elles ont été
traditionnellement confinées au "monde privé de la sphere
domestique", ont toujours été présentes dans les luttes
collectives comme le souligne Elizabeth Jelin.108 De plus, lorsque
les femmes préferent éviter la confrontation et restent donc dans
leur rTMle de gestion communautaire, elles peuvent le faire pour diverses
raisons, notamment parce qu'à ce moment, pour une raison ou une autre,
elles préferent mettre en avant la satisfaction de certains besoins et
intérets.
Pour conclure sur ce cadre des trois rTMles de genre, il nous
faut constater que si le bon sens nous incite à le considérer
comme étant un cadre d'analyse valable, nous ne pouvons que constater
qu'il ne fait que transcrire une certaine réalité de la division
des rTMles et qu'en aucun cas son utilisation ne menera à une
transformation et une amélioration de la situation de la femme.
Reconna»tre les rTMles est une choses, se donner les moyens de les
transformer ou de les répartir de maniere équitable en est une
autre. Or ce cadre, en se basant sur des notions et des concepts traditionnels,
émanant d'une tradition "patriarcale", est par trop statique et
simpliste.
Comme le souligne à juste titre Jeanine Anderson,
si nous voulons le bien des femmes, notre devoir est de
reconna»tre que leur monde a la meme complexité que celle que nous
attribuons à celui des hommes. Nous de parlerions jamais du "triple
rTMle" des hommes, ni meme des hommes de milieux défavorisés;
cela serait considéré comme une simplification insensée et
intolérable. 109
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