6. EN FORME DE CONCLUSION
L'idée générale de cette première
partie est donc de montrer que les savoirs développés dans le
champs du féminisme et du développement, y compris la notion de
genre, sont non seulement instrumentalisés à des fins de gestion
du social mais également délégitimés, tous deux
étant, dans une certaine mesure, des savoirs alternatifs et subversifs,
ne cadrant pas, l'un avec le savoir masculin, l'autre avec le savoir
institutionnalisé et mondialisé que sont le capitalisme et le
libéralisme (eux aussi savoirs masculins). Cette gestio n du social est
le fait d'une certaine coopération qui est ce que nous qualifions
d'institutionnalisée. A l'intersection du savoir et du pouvoir, le
développement se renouvelle donc sans cesse, s'alimentant du vécu
et de la situation vitale de ceux à qui il prétend s'adresser,
"véritable machine à faire dire et à faire voir,
incorporant de nouveaux discours, problèmes et pratiques."78
Cette vision négative de ce que peut etre le développement n'est
cependant pas sans issue. Comme dans le dispositif de Foucault, dans lequel les
rapports de force multiples traversent le corps social, une multiplicité
de points de résistance existent eux aussi, comme irréductible
vis-à- vis. Le discours, qui peut etre instrument et effet de pouvoir,
assujettissant les corps et les etres, peut également etre "obstacle,
butée, point de résistance et départ pour une
stratégie opposée". "Le discours véhicule et produit le
pouvoir; il le renforce mais aussi le mine, l'expose, le rend fragile et permet
de le barrer."79
C'est donc au travers de ce binôme
"pouvoir-résistance" que nous analyserons l'évolution du
"dispositif de développement" adapté aux femmes, notamment les
différentes grilles d'analyses et approches pratiques utilisées
dans l'IFD et le passage à l'IGD. A cette coopération nous
opposons une autre coopération qui serait basée non pas sur un
accès au pouvoir mais bien sur une augmentation de puissance des
populations du Sud. Nous observerons en particulier quelle peut etre le
rôle des ONG dans le développement de ces alternatives à un
développement institutionnalisé. Pour cette partie nous verrons
en quoi la notion de puissance développée par Benasayag peut etre
utile dans la mise en oeuvre de stratégies destinées à
augmenter l'autonomie des femmes ainsi que leur empouvoirement.
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