Féminisme, genre et développement en Amérique latine: le cas de Novib (ONG néerlandaise )( Télécharger le fichier original )par Zoé Maus Université libre de Bruxelles - DEA pluridisciplinaire 2002 |
5. LE DISPOSITIF DE DEVELOPPEMENT APPLIQUE AUX FEMMESCe dispositif mis en place dans le cadre général
du développement s'applique évidemment technique d'assujettissement des femmes dans le dispositif de développement. Altérités. No 3 (janvier 2002). http://www.fas.umontreal.ca/ anthro/varia/alterites/n3/vezina.html, 67 BONILLA Adela, Feminismo, el dinero y sus caminos, in Hacia el VII encuentro feminista Latinoamericano y del Caribe, La Correa feminista n°16-17, CICAM, Mexico, 1997, pp. 31-33. 68 idem. 69 VEZINA Annie: La micro-entreprise: une technique d'assujettissement des femmes dans le dispositif de développement. Altérités. No 3 (janvier 2002). http://www.fas.umontreal.ca/anthro/ varia/alterites/n3/ vezina.html. 70 voir page 47 représentations qui justifieront des mesures législatives et administratives.71 Cette remarque de Couillard est valable tant pour le savoir du développement que pour la question particuliere de l'intégration des femmes dans celui-ci. Nous seulement il y a utilisation du savoir sur les femmes mais il y a également réappropriation de ce savoir par les institutions et les centres de recherche. Ceux-ci créent des "sujets femmes" mais il usurpent également la "maternité" de ces connaissances à leur profit. Adela Bonilla dit à se sujet que les féministes se sont senties dépossédées de leurs réflexions par les "chercheuses", par "l'académie" qui a découpé le féminisme en morceaux qu'elles analyses et quantifient dans des études de genre et ce, de maniere ultraspécialisée.72 En faisant l'objet de recherches spécialisées, la pensée féministe a également été dépossédée de son aspect critique et la proposition politique novatrice qui était derrière les revendications féministes s'en est trouvée completement passée sous silence.73 Le fait de développer les recherches, d'affiner les données, de constituer des tableaux de statistiques est essentiel à la bonne gestion et à l'administration des projets mais elle a aussi pour conséquence de mettre en adéquation le sujet avec la représentation qu'on en donne. Ainsi les femmes, décrites comme "pauvres", ou "opprimées", ou "battues", ou toute autre catégorisation, vont finir par se penser et se représenter elles -memes comme cela, dans les termes utilisés dans les projets. C'est ce que Colette Saint-Hilaire appelle "la construction d'un sujet-femme adaptable au développement".74 Ce sujet-femme aurait donc des rTMles, des besoins, des attentes, qui ne sont plus tout à fait ce qu'ils étaient avant d'avoir fait l'objet de cette "sujetisa tion". Ils sont maintenant conformes aux standards de la coopération. Dans son étude sur les filipinas, Saint-Hilaire montre qu'en parlant des femmes en termes de "division du travail et des responsabilités, de partage des décisions dans la famille, de participation aux activités sociales" les projets mis en place ont pour effet d'exclure nombre de réalités des femmes (violence domestique, exploitation au travail, problemes politiques, etc.). De plus, le fait de morceler les activités des femmes en différents rTMles, mais aussi de les cantonner dans des catégories artificiellement définies, permet, selon Kabeer, à différents groupes de décideurs de se concentrer sur des aspects tres spécifiques de la vie des femmes et de définir ainsi leurs interventions en fonction d'un aspect unique.75 Ce qui a évidemment pour effet de rendre la femme non pas plus autonome, mais bien plus administrable. En effet, la réorganisation des femmes selon de nouvelles catégories a pour résultat de fragmenter leur identité pour en faire un objet adapté au développement. Au-delà de l'objectivation de la femmes, ce dispositif a également pour conséquence de l'assujettir. En effet, les femmes, à la fois objets et sujets du développement, doivent, pour etre "intégrées", etre "politiquement conscientes, actives et responsables. Elles doivent etre plus productives économiquement et plus engagées socialement." 76 Alors qu'elles se battent pour sortir de leurs rTMles traditionnels, et de ce que la société leur imposait comme t%oches, voilà les femmes soumises à un nouveau joug: celui du développement. 71 COUILLARD Marie-Andrée, Le savoir sur les femmes. De l'imaginaire, du politique et de l'administratif, in Savoirs et gouverneme ntalité, n° thématique de Anthropologie et Sociétés , vol.20, n°1, Université de Laval, 1996, pp. 59- 79, p. 60. 72 BONILLA Adela, op. cit., p. 33. 73 PISANO Margarita, La simulaci--n o La Academia y los movimientos sociales, in PISANO, Margarita, Un cierto desparpajo, Ediciones Noemero Cr'tico, Santiago de Chile, 1996. 74 SAINT-HILAIRE Colette, La production d'un sujet-femme adapté au développement. Le cas de la recherche féministe aux Philippines, in Savoirs et gouvernementalité, n° thématique de Anthropologie et Sociétés, vol.20, n°1, Université de Laval, 1996, pp. 81 -101, p. 84. 75 KABEER Naila, opcit, p. 158. 76 SAINT-HILAIRE Colette, opcit., p. 85. 77 idem. 78 idem. 79 FOUCAULT Michel, Histoire de la sexualité. La volonté de savoir, Gallimard, Coll. Tel, Paris, 1976 , p. 133. 80 Nous avons choisi d'utiliser "empouvoirement" comme traduction de "empowerment". Cette traduction exprime bien, selon nous, le caractère dynamique et évolutif du concept. Ce concept est décrit page 50. Or, comme le souligne Saint-Hilaire, ces femmes n'ont pas demandé ni commandé ces recherches, cette théorisation. C'est pour répondre à ses propres besoins que la coopération internationale a mis en place de telles "structures".77 En institutionnalisant ainsi les besoins, des femmes ou d'autres secteurs de la population, on déplace en réalité leur lutte dans des arènes plus contrôlées et administrables. tine fois à l'ordre du jour des organisations internationales et des gouvernements, les actions qui auparavant échappaient au contrôle et au champs d'application du dispositif, peuvent maintenant etre canalisées dans des structures contrôlables par le Pouvoir. |
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