Féminisme, genre et développement en Amérique latine: le cas de Novib (ONG néerlandaise )( Télécharger le fichier original )par Zoé Maus Université libre de Bruxelles - DEA pluridisciplinaire 2002 |
4. LE FEMINISME: "RECHERCHE-ACTION" COLLECTIVE PERMANENTELe savoir féministe et féminin est un savoir émanant d'une pratique, à la fois individuelle et collective. Comme le souligne Cristina Palomar, le féminisme est (à la fois) un mouvement de revendication politique des femmes qui luttent pour avancer dans la prise de positions significatives dans un système patriarcal (et) un mouvement theorique qui représente des propositions d'avant garde en relation avec les noyaux fondamentaux dans les édifices de la connaissance existants jusqu'à maintenant.46 Il s'inscrit dans des situations particulières, lesquelles forgent un savoir particulier. L'exclusion des femmes des savoirs formalisés les oblige à se baser sur leur vécu, individuel et collectif, pour imaginer d'autres formes de savoirs. Ce qui a pour conséquence l'existence d'une multitude de féminismes, comme il y a une multitude de femmes, chacune différentes, aux caractéristiques propres. Par le lien social qui se crée, chaque situation forge quelque chose de nouveau. Il n'existe donc pas de représentation unique de tous les féminismes ou toutes les femmes. Cette multiplicité d'individus et de situations est un facteur-clé dans le féminisme et dans l'analyse de la situation des femmes, qui empêche d'en tirer une vérité absolue et universelle. Une féministe seule n'est rien, mais un collectif féministe sans lien avec la réalité des situations n'est rien non plus. En effet, une fois la "socialisation des 44 MOSER Caroline O.N., Planificación de género y desarollo: teoria, practica y capacitación, Entre Mujeres/ Flora Tristan ediciones, Lima, 1995, p. 62 45 VARGAS Virginia, Reflexiones en torno a los procesos de autonom'a y la construcci--n de la ciudadan'a femenina en la region, http://www3.rcp.net.pe/FLORA/reflex/ index.htm, p. 3. 46 Introduction au numéro spécial de Debate Feminista consacré aux aspects théoriques et pratiques du féminisme. PALOMAR Cristina, Feminismo: movimiento y pensamiento, introduction au numéro de Debate Feminista, année 6, vol. 12, Mexico, octobre 1995. biographies"47 faites, encore faut-il apprendre A penser collectivement, A construire des connaissances et des idees, et A se concevoir comme "collectif humain, pensant, politique et autonome". En deux mots, apprendre la politique.48 La reflexion feministe s'est donc effectuee, dans un premier temps, parallelement A une pratique developpee par des groupes de femmes, qui se proclamaient (ou etaient accusees d'être) feministes. Selon Louise Toupin, 'le feminisme est une prise de conscience d'abord individuelle, puis collective, suivie d'une revolte contre l'arrangement des rapports de sexe et la position subordonnee que les femmes y occupent dans une societe donnee, A un moment donne de son experience. Il s'agit aussi d'une lutte pour changer ces rapports et cette situation.' 49 Le feminisme est donc bien un "mouvement social", ancre dans les situations, dans le quotidien et dont l'ambition est de lutter contre une certaine forme de subordination A laquelle sont soumises les femmes et de contribuer A mettre en place d'autres structures de societe ou du moins tendre A changer les rapports sociaux existants. Les revendications feministes sont donc le reflet d'un vecu individuel et collectif. Leurs modes d'action participent A la fois de la recherche theorique et de l'action pratique. S'il existe certaines revendications qui peuvent être concretisees en des institutions ou structures formelles, Benasayag souligne que ces revendications ne sauraient être "finies". Il cite A cet egard le cas des feministes qui n'ont pas, des lors que les centres de planning familial existaient, estime que leur lutte etait terminee, qu'elles etaient arrivees A leur but. L'institutionnalisation de certaines revendications feministes (conge de maternite, avortement, acces au travail, etc.) ne doit en aucun cas permettre qu'on considere les feministes comme obsoletes. En effet, ce type de lutte se juge dans le concret de la situation, c'est-à-dire dans les lacis formés par les micro- et macropouvoirs, mais l'objectif de leur pensée et de leur praxis n'est pas le pouvoir: Un "pouvoir féministe" totalisant n'est pas pensable ni désirable de la part des féministes.50 47 Emprunt A Pisano qui parle de la "socialisation de nos biographies" pour designer le fait pour les femmes d'avoir mis en commun leurs "souffrances" et leur vecu, construisant ainsi un referent collectif pour l'action. PISANO, Margarita, Un cierto desparpajo, Ediciones Noemero Cr'tico, Santiago de Chile, 1996. 48 idem. 49 TOUPIN Louise, Les courants de pensee feministe, version revue et online du texte Qu'est ce que le feminisme? Trousse d'information sur le feminisme quebecois des 25 dernieres annees, 1997, http://netfemmes. cdeacf.ca/documents/courants0.html 50 BENASAYAG Miguel et SCAVINO Dardo, Pour une nouvelle radicalité. Pouvoir et puissance en politique, La Decouverte, Coll. L'armillaire, Paris, 1997, p. 89. |
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