1.5 L'habitat informel dans les villes d'Afrique
subsaharienne francophone
L'habitat informel est présent dans toutes les capitales
des pays d'Afrique subsaharienne francophone avec des ampleurs et des
localisations diverses.
1.5.1 Les causes
Analysant la production de l'espace, ses qualités et ses
faiblesses dans les villes d'Afrique noire francophone, LE BRIS, OSMONT,
MARIE et SINOU (1987), constatent en milieu urbain, un antagonisme
d'intérêts entre les différents acteurs urbains ce qui
crée des alliances
et des rivalités qui s'opposent au quotidien. Pour LE
BRIS, la boulimie d'espace est imputable à la crise
économique qui frappe les citadins et au désir culturel du
chez soi. Il note une pluralité d'acteurs dans le jeu foncier
avec des stratégies différentes. L'accès au sol urbain
nécessite le contournement des normes officielles pour beaucoup de
citadins. La pluralité d'acteurs fait dire à SINOU qu'il faut
remettre en question la notion de quartier spontané étant entendu
que tout le monde participe à la prolifération du
phénomène. A la périphérie de Bamako (Mali) par
exemple, il fait remarquer que les notables traditionnels, riches
commerçants, hauts fonctionnaires, procèdent à des
lotissements analogues à ceux des quartiers lotis de manière
à légitimer leurs implantations vis-à-vis de
l'administration.
A Ouagadougou (Burkina Faso), OUATTARA A. (2001) impute le
phénomène à la croissance rapide de la population et
surtout à l'insuffisance des terrains produits. Il note à titre
illustratif que seules 20 300 parcelles loties étaient mises à la
disposition des 89 000 ménages de la ville en 1985. Face à cette
situation, les citadins ont réagi en occupant de manière
anarchique la périphérie de l'espace urbain en y bâtissant
des quartiers spontanés. Ces derniers, couvraient 70% du territoire
urbain en 1980 et abritaient 60% de la population. Il faut aussi souligner que
les sécheresses répétitives avaient drainé des
milliers de ruraux vers la ville ce qui a accru la pression foncière.
Les causes de l'occupation informelle de l'espace urbain sont
nombreuses. Outre, le désir d'avoir son propre domicile, l'habitat
informel procure à ceux qui en disposent en grand nombre, un moyen
financier à travers la location. Du coup, il est aisé de
comprendre que les squatters ne sont pas nécessairement les moins nantis
de la ville encore moins des néo-ruraux déracinés.
Selon GAPYISI E. (1989), l'occupation irrégulière du sol
pour bâtir sa maison relève d'une tactique de mise devant les
faits accomplis, stratégie qui semble efficace face aux pouvoirs publics
dont les représentants sont parfois complices sinon même des
acteurs officieux de la situation agissant derrière les
propriétaires coutumiers. C'est pourquoi, le rythme de croissance des
quartiers spontanés est plus rapide que celui des quartiers
réguliers. La prolifération des quartiers spontanés serait
liée d'une part à l'insuffisance des parcelles viabilisées
du fait de pratiques informelles qui ne favorisent pas l'accès au
logement au plus grand nombre et d'autre part à la procédure
administrative lente et compliquée que certains citadins rechignent.
Selon CANAL P. DELIS P, GIRARD C (1990) l'occupation
irrégulière du sol urbain en Afrique subsaharienne n'est pas un
phénomène spontané. En effet, contrairement à
certaines parties du monde (Asie et Amérique latine notamment) on
n'assiste pas à des invasions de terre par des néo-citadins en
Afrique au Sud du Sahara. Les squatters sont pour la plupart des
citadins victimes de déguerpissement de leurs sites
placés sous contrôle des administrations foncières. Ces
auteurs lient en partie le squattage au manque d'information des citadins par
rapport au droit foncier moderne et à ses procédures
compliquées. Les propriétaires fonciers coutumiers ne
reconnaissent pas l'aliénation de leurs terres par l'administration et
font appel à ses agents (géomètres) pour procéder
au lotissement de leurs domaines. Or selon ces auteurs, une bonne organisation
administrative de la gestion foncière impliquant les
propriétaires coutumiers pourrait les amener à s'acquitter
volontairement de leur devoir vis-à-vis de l'administration.
La gestion opaque de l'espace urbain à Niamey a
été décrite par SIDIKOU (1980). Il note que la
fièvre de la spéculation foncière à Niamey
remonte à la fin de la deuxième guerre mondiale où une
série de textes va venir réglementer l'accès au sol urbain
: c'est le droit français. Ce droit moderne vient non pas pour abolir le
droit coutumier préexistant, mais pour se superposer à ce dernier
ouvrant la voie à toutes les interprétations possibles ; les unes
aussi légitimes que les autres. Cette confusion semble profiter à
toutes les parties et principalement à l'administration dont les offres
en parcelles sont toujours insuffisantes et dirigées vers une
poignée d'individus. SIDIKOU souligne que l'accession à la
propriété comporte bien des écueils que franchissent
seulement quelques rares privilégiés, toujours les mêmes,
qui accaparent les terrains à bâtir alors que la très
grande majorité des Niaméens sont condamnés à
être des éternels locataires aux conditions très difficiles
voire humiliantes... Les exclus du système officiel se tournent
alors vers les propriétaires coutumiers, eux-mêmes
mécontents du mode de dédommagement suite aux expropriations
abusives de leurs terres sans la juste et préalable
indemnisation prévue par la loi instituant l'expropriation pour
cause d'utilité publique. Dans son analyse de la situation
foncière à Niamey, BELKO GARBA M. (1985) décrit l'attitude
des propriétaires coutumiers en la comparant à une situation
météorologique en ces termes : « à la
manière des fronts cycloniques, chaque avancée du front urbain,
provoque une tempête foncière du système traditionnel qui
lui impose des stratégies ». Ces stratégies ne sont
autres que le lotissement informel au profit des demandeurs de parcelles.
|