Chapitre VIII : L'habitat informel, enjeux et
perspectives
Comme évoqué dans les chapitres
précédents, l'habitat informel à Niamey est aussi vieux
que la ville. Tolérée pour des raisons sociales et/ou politiques,
cette infraction aux règles de l'urbanisme tend de plus en plus à
se légitimer. Naguère marginaux et moins organisés, les
squatters sont devenus des acteurs incontournables dans la gestion urbaine. Si
dans certaines capitales d'Afrique subsaharienne francophone le squattage a pu
être contenu dans des proportions « acceptables » à
travers notamment la relégation des squatters à la
périphérie urbaine ; à Niamey, l'habitat informel
constitue un sujet de préoccupation du fait de son ampleur grandissante
liée à la situation générale de
paupérisation dans laquelle vit la majorité des
Niaméens et du contexte sociopolitique actuel qui n'incite
guère à l'optimisme. La ville tend à occuper l'espace
attribué par le décret fixant les limites du territoire de la
CUN, et le contexte actuel de décentralisation rend les communes
avoisinantes plus exigeantes pour le respect des frontières
communales.
8.1 L'habitat informel dans un contexte de
démocratie et de décentralisation
Tous les régimes qui se sont succédés au
Niger ont toléré le squattage dans la plupart des cas pour des
raisons sociales. Avec la démocratisation du régime, un facteur
non moins négligeable est venu renforcer et conforter les squatters : le
poids électoral. Les squatters constituent une base électorale
convoitée par tous les politiciens et chacun use de son influence pour
conquérir leurs voix. La gestion foncière étant politique,
chaque leader essaie d'avoir une base électorale et le recrutement se
fait au niveau des quartiers populaires. La constitution de la base
électorale permet au leader politique d'émerger et de s'imposer
face à ses collègues et aux squatters d'avoir un appui politique.
Aussi, politiciens et squatters peuvent se permettre de faire des pratiques peu
orthodoxes. L'on retient surtout, la gestion cahoteuse qui a
caractérisée le mandat du premier Préfet/Président
nommé après les premières élections
démocratiques de 1993. En arrivant au pouvoir, les
démocrates ont vite montré leurs vrais visages en se
livrant à une prédation sans précédent du
patrimoine foncier de Niamey. Des lotissements et morcellements
systématiques ont été opérés pour
répondre au besoin boulimique de nouveaux dirigeants en
parcelles. Le népotisme avait atteint son summum avec la distribution
gratuite de parcelles à l'élite politique au détriment des
propriétaires coutumiers et des couches populaires. Ses successeurs lui
ont emboîté le pas en procédant à
des morcellements abusifs des réserves
foncières. A titre d'exemple, note SEYBOU I. rien qu'en 2004
(année de l'arrivée à la tête de la CUN de nouvelles
autorités élus) les îlots 3210 Aéroport, 1771
Yantala, 5 776 Talladjé, 6 014 Sary Koubou, 6 324 Niamey 2000, 2 721
Koira Kano. La réserve de Yantala (communément appelée
2ème Forage) qui était squattée par des petites
gens a été morcelée en 20 parcelles vendues aux hommes
d'affaire et aux commerçants. Officiellement, la parcelle de 400
m2 a été cédée à 800 000 F CFA
mais en réalité aucune parcelle n'a été vendue
à moins de 3 000 000 F CFA (SEYBOU I. 2005).
Il convient de noter que la CUN ne dispose d'aucune
infrastructure d'accueil pour les démunis. Les pauvres sont
laissés à eux-mêmes. Mais la décentralisation impose
des contraintes à la CUN en l'obligeant à se limiter à
l'espace qui lui est attribué par le décret fixant sa
création. Durant la période du parti unique, des
différends territoriaux ont opposé le Préfet du
département de Tillabéri à celui de Niamey accusé
d'empiéter sur le territoire du premier. Avec la
décentralisation, la commune rurale de Liboré située au
sud-est de Niamey et rattachée à la région de
Tillabéri s'inspirant de l'exemple du passé, a refusé
d'être la sixième commune de Niamey et a procédé au
lotissement des terres situées à la limite avec la CUN pour
empêcher l'annexion de ses terres. Or, cette partie est la zone la plus
favorable en terre constructible. Vers Ouallam (plus au Nord) la ville a
déjà atteint les limites du territoire de la CUN. La commune V
est aussi presque entièrement occupée parce que l'essentiel de la
partie restante est constitué de buttes et dépressions
inconstructibles. Face à cette situation, les autorités sont
obligées d'adopter une nouvelle stratégie qui consiste à
gérer au mieux le peu d'espace restant. C'est dans ce cadre, qu'elles
ont initié l'attribution de parcelles de petite dimension (200
m2 à 300 m2) pour inciter ceux qui ont les moyens
à construire en hauteur. Mais cette politique a vite été
contrariée par le gouvernement qui n'a trouvé mieux que de
procéder à des lotissements pour payer les arriérés
par des parcelles. Dans ce cadre, 13 464 parcelles qui s'étendent sur
403,9 ha ont été attribuées aux fonctionnaires à
Niamey. La décentralisation intervient dans un contexte de
raréfaction de ressources foncières pour la CUN qui ne peut plus
se permettre les lotissements d'envergure. Les rares parcelles issues des
lotissements sont tellement convoitées au point qu'une nouvelle forme de
spéculation a vu le jour à la CUN : il s'agit de la vente des
numéros des parcelles mises en oeuvre par les agents municipaux en 2004
suite aux lotissements Extension Nord Faisceau II, Extension Banizoumbou III.
Il faut débourser au moins 400 000 F CFA pour obtenir un simple
numéro d'une parcelle de 400 m2 alors que celle-ci
coûte officiellement 830 000 F CFA. Cette arnaque organisée fait
passer le prix à 1 230 000 F CFA au lieu de 830 000 F CFA. La
même
parcelle est immédiatement vendue à plus de 1 500
000 F CFA. Dans ce contexte, seuls les hommes d'affaire et les politiciens
peuvent accéder à la parcelle officielle.
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