8.2 Quel avenir, quelles solutions pour l'habitat
informel à Niamey ?
Dans l'évolution sociopolitique actuelle, beaucoup
d'indicateurs sont réunis pour dire que la question de l'habitat doit
être une préoccupation majeure pour les autorités
municipales si elles ont envie de gérer la ville selon les normes de
l'urbanisme en vigueur. La solution à l'habitat informel s'inscrira dans
une logique de résolution de problème de l'habitat d'une
manière générale. Or, sur ce plan subsistent beaucoup de
problèmes auxquels il va falloir trouver des réponses
appropriées.
8.2.1 Une politique de l'échec et du paradoxe
guidée par les intérêts des nantis
La gestion urbaine est caractérisée par un
paradoxe. Alors que les citadins vivent dans des conditions économiques
difficiles avec un SMIC à 18 500 F CFA (28,2 €), les textes
réglementant l'urbanisme sont des copies d'un urbanisme des pays
développés en l'occurrence la France dont les
réalités sont très différentes de celles du Niger.
En effet, il n'y a jamais eu une véritable politique de l'habitat pour
le plus grand nombre au Niger. Les quelques rares habitats à loyer
modéré construits au cours des années 60 par la SONUCI ont
été mis à la disposition des cadres de l'administration.
Dans bien de secteurs des indemnités de logement sont accordés
aux agents de l'Etat pour supporter le coût du loyer. La majorité
de la population est laissée à elle-même d'où le
recours à l'habitat informel. Contrairement à l'Europe où
les dirigeants des entreprises avaient contribué à lutter contre
l'habitat informel en construisant des logements pour les ouvriers non loin des
usines, à Niamey, c'est lors de l'installation des premières
unités industrielles que le squattage a commencé à prendre
de l'ampleur avec la création du quartier informel de Talladjé
non loin de la zone industrielle. Or, les insuffisances de la promotion
immobilière sont décriées même dans les documents
officiels. A titre d'exemple, la loi 98-54 du 29 décembre 1998 portant
adoption d'une politique nationale en matière d'habitat note qu'en 24
ans (1974 à 1998), l'Etat et ses démembrements n'auraient pu
produire qu'un millier de logements soit près de 42 logements par an
alors que les besoins sont estimés à 5 000 par an. Il faut
noter aussi l'inefficience de certains instruments de la politique de l'habitat
tels que le Crédit du Niger et la SONUCI.
Face à cette incapacité de l'Etat à faire
face au problème de logement, des acteurs privés se sont
lancés dans la production de logements destinés à la
location. Contrairement aux autres villes d'Afrique subsaharienne, le loyer
semble bon marché à Niamey. Pour le célibatorium (une
maison à une pièce plus véranda) en dur, le prix moyen
mensuel est de 15 000 F CFA, alors que pour le banco, il varie entre 7 500 et
10 000 F CFA. A la périphérie de la ville, les prix sont encore
un peu plus bas et y habiter procure un peu d'économie. Pour
réglementer les relations entre ces bailleurs privés et les
locataires, l'Etat a initié à travers le ministère de
l'urbanisme un code de baux à loyer à travers l'ordonnance
n°96-016 du 18 avril 1996. Cette ordonnance abroge le décret
n°52-764 du 30 juin 1952 portant réglementation des loyers des
locaux d'habitation en Afrique occidentale. C'est dire que la base juridique
existe bien avant les indépendances et que comme dans beaucoup de
domaines, le suivi a fait défaut.
D'ailleurs les dispositions pratiques de cette ordonnance
notamment la Commission nationale et les commissions locales de tarification du
loyer attendent encore d'être mises en place. Bailleurs et locataires
continuent avec leurs contrats verbaux et c'est toujours l'Etat qui perd car
les bailleurs s'entendent avec les locataires pour faire une fausse
déclaration du montant du loyer dont 12% devrait revenir à l'Etat
sous forme de taxe sur les revenus de la location. L'offre en logement est
tellement limitée qu'aujourd'hui le locataire est contraint d'être
le complice du bailleur. Avant de quitter sa maison pour raison d'affectation
ou autres, il remet la clef à une connaissance en prenant le soin de se
porter caution morale auprès du bailleur. Depuis le gel des avoirs du
Crédit du Niger au trésor national pour arriérés
d'impôt, les salariés qui pouvaient prétendre à ce
crédit pour l'habitat sont bloqués dans leur tentative d'avoir un
logement. En outre, les voiries et réseaux divers ne sont plus
assurés dans les lotissements depuis que la Caisse de Prêt aux
Collectivités Territoriales (CPCT) créée par la loi
n°70-7 du 17 mars 1970, a vu ses fonds bloqués au trésor
national en 1993 pour arriérés d'impôt. Or, cet
établissement public avait pour mission de soutenir
financièrement les efforts d'équipement des collectivités
territoriales qui sont tenues à ce titre de verser le produit de la
vente de parcelles sous forme de dépôt en avoir dont l'usage est
strictement réservé à la production de terrains à
bâtir et à l'équipement des centres urbains.
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