L'habitat informel dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone à travers l'exemple de Niamey (Niger )( Télécharger le fichier original )par Hamadou ISSAKA Université de Pau et des pays de l'Adour - Master 2 de géographie 2007 |
Chapitre VII : L'habitat informel ou le paysage de la pauvretéSi ailleurs on fait état de crise des banlieues, à Niamey, il serait plus judicieux de parler de crise de logement qui elle-même n'est qu'une facette de la crise urbaine en général. L'habitat informel à Niamey n'est pas situé sur un espace homogène. Il se localise aujourd'hui partout à travers la ville en dépit du sentiment de marginalisation voire de relégation dont les squatteurs peuvent se sentir victimes. L'hétérogénéité de cet habitat et des catégories socioprofessionnelles qui l'occupent rend l'analyse peu aisée. Cependant, le sentiment unanime des squatters est qu'ils sont pauvres et ne bénéficient pas entièrement des avantages de la ville. En outre, ils doivent faire face constamment à l'hostilité des autorités municipales. 7.1 Le squat : expression spatiale de ségrégationA l'instar de beaucoup de villes coloniales d'Afrique subsaharienne francophone, Niamey était ségrégée avec d'un côté le Plateau (ville blanche) et de l'autre la ville indigène. Ces deux parties de la ville étaient séparées à la fois par un obstacle naturel : la vallée du Gountou-Yéna (mare aux eaux fraîches), et les camps militaires. Cette ségrégation était basée sur un critère racial. Aujourd'hui, le critère racial a cédé la place au critère économique. Le Plateau est habité par les hauts cadres Nigériens et par quelques expatriés travaillant dans le cadre de la coopération internationale. Cependant, cette nouvelle forme de séparation à base économique ne parvient pas à créer des zones homogènes comme durant l'époque coloniale où le clivage était net. A l'intérieur du Plateau par exemple, se trouve le campement Cases Allemandes avec ses paillotes contrariant ainsi le zonage. Toutefois, cette présence physique n'est pas synonyme d'intégration ou de mixité. En effet, alors que les habitants du Plateau vivent dans des villas somptueuses avec tous les avantages liées à la ville (eau courante, électricité, système d'assainissement, etc.), leurs voisins des Cases Allemandes sont loin de ce luxe. Dans quasiment tous les foyers il n'y a ni eau courante ni électricité. 7.2 L'habit informel à Niamey : un espace de relégationDans la plupart des cas, la création des zones d'habitat
informel n'est que l'expression d'une frustration, à l'indignation provoquant ainsi un sentiment de rejet voire de mépris qui aboutit à la résistance (figure n°10) et même dans la plupart des cas à la révolte. Figure n°10 : Les squatters revendiquent leur droit de vivre à Niamey
Source : http : // www.tamtaminfo.com/newspapers/forum.pdf, [novembre 2006] 7.2.1 L'angoisse du lendemain incertainLes squatters vivent constamment avec la hantise de l'avenir de leur habitat. Cette crainte est d'autant plus fondée que les autorités ne délivrent plus de titre temporaire d'occupation aux squatters afin que les bénéficiaires ne le considèrent pas comme un acte de cession. Ainsi, les occupants de l'habitat informel ne justifient pas d'une légitimité opposable aux autorités. Pour ceux qui occupent les espaces privés par exemple, une décision du propriétaire ou du responsable chargé de la gestion de leur espace peut faire en sorte qu'ils se retrouvent du jour au lendemain dans un autre lieu pour lequel ils ne se sont pas préparés. Avec un déguerpissement, il faut reprendre une nouvelle vie en créant de nouvelles relations, avec dans certains cas la perte substantielle de leur revenu car la plupart des squatters se livrent à des petites activités (revente d'articles de consommation courante, artisanat) quand ils sont logés à côté des nantis. Cette angoisse est d'autant plus perceptible que même dans les zones de lotissement coutumier, les squatters en dépit des investissements importants réalisés avec la construction en matériaux définitifs, savent que tant qu'ils n'ont pas l'acte de cession délivré par les autorités municipales, le certificat de vente attribué par les Chefs de quartier n'est pas opposable aux autorités. Pourtant, ces chefs de quartier sont, conformément au statut régissant la chefferie traditionnelle au Niger, des auxiliaires de l'administration et gèrent les communautés dont ils sont les chefs et dont ils sont les intermédiaires vis-à-vis de l'administration. Dès qu'un enquêteur se présente dans ces quartiers, c'est la panique, tout le monde veut savoir si ce n'est pas une enquête de la Mairie en vue de les déguerpir. Il faut faire appel aux lettrés et leur expliquer que c'est un travail universitaire pour voir les squatters retrouver la sérénité. Ce sentiment est entretenu par les autorités qui brandissent le déguerpissement des squats laissant planer l'épée de Damoclès sur les squatters. C'est peut être une manière de dissuader d'autres candidats mais qui en fait ne produit pas cet effet recherché. Des appels provocateurs du genre on va préparer un lotissement pour les gens [ ] ; ceux qui ne pourront pas payer retourneront au village sont quotidiennement lancés aux squatters qui rétorquent qu'on ne peut contraindre quelqu'un qui a fui la misère à y retourner s'il sait que rien n'a changé (Le Monde du 2 février 2007). Actuellement, tels sont les propos que s'échangent les autorités et les 30 000 squatters de la ceinture verte de Niamey. |
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