6.3 Stratification de l'habitat informel à
Niamey
Deux types d'habitat informel se dégagent à Niamey
: l'un de bas standing, l'autre de moyen standing.
6.3.1 L'habitat informel de bas standing
Il s'agit de la paillote, un habitat fait de
seccos26 qui fut jadis le seul type d'habitat à Niamey ainsi
que dans toutes les régions avoisinantes de l'aire Sonraï-Zarma et
ce, jusqu'à l'installation coloniale. C'est un habitat dont la
construction est très rapide et ne nécessite
généralement pas d'engager une main d'oeuvre. Une
demi-journée suffit pour sa réalisation et son coût
malgré les progressions notables reste bas par rapport à
l'habitat en banco. Ainsi, nous avons remarqué que son coût moyen
de 69 250 F CFA soit 105,5 € (en 2004) n'était que de 37 900 F CFA
en 1993 soit une inflation de près de 183%27.
26Sortes de canisses en paille, tressée ou en
tiges de mil ou d'Andropogon Gayanus, servant à faire des
palissades, des cloisons mobiles, des toits de hangars, des abris, etc.
27 ISSAKA H. (2004), Les espaces d'occupation
spontanée à Niamey
Figure n°7 : Les étapes de la construction d'une
paillote
![](L-habitat-informel-dans-les-villes-d-Afrique-subsaharienne-francophone--travers-l-exemple-de-Niame8.png)
![](L-habitat-informel-dans-les-villes-d-Afrique-subsaharienne-francophone--travers-l-exemple-de-Niame9.png)
Source : Corinne et Laszlo, MESTER DE PARAJD, Regard sur
l'habitat traditionnel au Niger cité par ISSAKA H. (2004).
C'est le type d'habitat le mieux adapté à la
chaleur torride qui prévaut à Niamey sur une grande partie de
l'année et surtout de février à Juin où les
températures avoisinent 45°C à l'ombre. Cet habitat est un
excellent isolant thermique et la fraîcheur qui règne à
l'intérieur pendant la période de chaleur torride en fait un
habitat prisé. Cependant, il a de nombreux inconvénients dont sa
très grande vulnérabilité. En effet, il ne résiste
ni aux termites encore moins aux animaux. De plus, il faut le renouveler tous
les 4 ans en moyenne. Ses dimensions varient entre 3,5 et 4 m de
diamètre et 4 à 5 m de hauteur. Mais son inconvénient
majeur est qu'il est très inflammable. En outre, s'il est très
prisé en période de chaleur, pendant la saison froide, un froid
terrible y règne à l'intérieur ce qui contraint les
occupants à allumer du feu de
bois pour s'échauffer. La moindre inattention peut
être fatale du fait que le froid est accompagné par des vents qui
facilitent la propagation des incendies fréquents durant la saison
froide entraînant la perte de centaines de paillotes et des biens acquis
difficilement et dont le renouvellement n'est pas aisé. Il en est ainsi
en février 2003 aux Cases Allemandes où un incendie a
consumé 204 paillotes et baraques en tôle attenantes aux
paillotes. Au secteur du Golf chaque saison froide s'accompagne d'au moins un
incendie d'envergure. En terme de dispersion, c'est l'habitat informel le plus
présent dans la capitale nigérienne et il est présent sur
tous les paysages. Mais le plus notable est sa présence au quartier
Plateau où il n'existe aucun habitat de moyen standing. Ainsi, deux
grandes concentrations de paillotes sont implantées dans ce quartier
jadis qualifié de ville blanche où ne résidaient que les
blancs et quelques cadres africains.
Lors de nos enquêtes, nous avons constaté que
dans cet habitat de bas standing, les revenus ne sont pas uniformes. Sur les
115 chefs de ménages que nous avons interrogés, près de
62% avaient un revenu mensuel inférieur à 50 000 F CFA (76,22
€), alors que près de 25% affirment ne disposer d'aucune source de
revenu mensuel. Les nantis représentent 13% et justifient d'un revenu
mensuel compris entre 50 000 et 100 000 F CFA. Cela n'est pas surprenant de la
part de ceux qui habitent Cases Allemandes et dans une moindre mesure
Tchana-Carré qui pour la plupart sont employés par les
coopérants et bénéficient d'un salaire supérieur
à celui du cadre moyen de l'administration. Ils habitent ces lieux pour
s'approcher de leurs postes de travail. Les occupants des paillotes ne sont pas
tous des néo-citadins contrairement à une idée
répandue. En effet, seuls 11,5% des chefs de ménages que nous
avons interrogés ont moins de 5 ans à Niamey. Par contre, 56,5%
d'entre eux sont à Niamey depuis au moins 20 ans.
Vus par les autres comme des mal logés, les occupants
des paillotes ne semblent pas se préoccuper outre mesure de la nature de
leur habitat. Le plus important pour eux est que la vie à Niamey leur
permet d'améliorer leurs conditions de vie. Ils sont en effet 72, 2%
à affirmer que leurs conditions de vie se sont améliorées
en s'installant à Niamey contre 7,8% qui estiment qu'ils sont dans des
mauvaises conditions. De plus, les chefs de ménages vivant dans les
paillotes ont de nombreuses personnes à leur charge. Ils sont 37,4%
à entretenir entre 5 et 10 personnes. Ceux qui ont une famille de moins
de 5 personnes ne représentent que 15,6% alors que 47% ont au moins 10
personnes à charge. C'est donc des véritables cas sociaux avec
lesquels l'administration est parfois obligée de composer car leur poids
électoral en fait des gens à craindre. Ajouté à ce
poids démographique, le taux d'analphabétisme qui est très
développé chez ces squatters dont près de 48% ne savent ni
lire ni écrire dans aucune langue.
Tableau n° 1: Niveau d'instruction des occupants des
paillotes
Niveau de scolarisation
|
Effectifs en (%)
|
Aucun
|
47,8
|
Alphabétisation arabe
|
39,1
|
Primaire
|
8,7
|
Secondaire (collège)
|
4,4
|
Total
|
100
|
Source : ISSAKA H. enquête (2004)
Ceux qui ont fréquenté l'école primaire
totalisent 8,7% contre un peu plus de 4% ayant obtenu le Certificat de fin
d'étude du premier degré. C'est dire que même avant la
crise économique, ces gens ne pouvaient exercer que des activités
moins rétribuées.
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