6.2 Le squattage à Niamey :
nécessité ou stratégie urbaine ?
Face à l'envergure que prend l'occupation
irrégulière de l'espace et aux questions qu'elle suscite, il
serait important de savoir les raisons qui poussent les
Niaméens à devenir des squatters. Il est
indéniable que beaucoup d'habitants de la capitale nigérienne
vivent dans des conditions économiques difficiles. Cette
précarité économique s'accompagne d'une augmentation
continue de prix du mètre carré de la parcelle officielle. A
titre d'exemple le mètre carré qui se vendait à 50 F CFA
en 1959 est vendu à 2 000 F CFA à partir de 2002. Cette hausse du
prix de la parcelle s'effectue dans un contexte de paupérisation. Si
l'on s'en tient aux résultats de l'enquête sur le budget et la
consommation (1993) qui considère 42% des Niaméens comme
pauvres, il faut à ces derniers 6 à 8 ans de privation absolue
pour accéder à une parcelle de 300 m2 en zone
traditionnelle (SEYBOU I. 2005).
Cependant, l'étude que nous avons menée en 2004
montre que les squatters ne sont pas de la même catégorie
socioéconomique. En effet, selon nos enquêtes 43% des chefs de
ménages disposaient d'un revenu mensuel supérieur à 50 000
F CFA24. Cette enquête confirme une étude
effectuée en 200225 selon laquelle le revenu mensuel moyen
des chefs de ménage est de 54 800 F CFA pour les squatters, alors qu'il
était de 45 400 F CFA pour ceux des villages urbains, de 65 100 F CFA
pour ceux du centre ville contre une moyenne générale de 82 900 F
CFA pour l'ensemble de la ville. Ces chiffres montrent que loin d'être
des démunis, certains squatters ont des revenus leur permettant de vivre
dans la ville légale. Qu'est-ce qui pousse alors les gens à
revenu intermédiaire à vivre dans l'habitat informel ?
Plusieurs raisons peuvent être avancées dont :
- le désir d'avoir un espace rapidement sans
complication administrative : pour accéder à une parcelle
officielle il faut faire une demande, payer avant le lotissement et attendre au
moins 5 ans.
24 ISSAKA H. 2004, Les espaces d'occupation
spontanée à Niamey
25 OLVERA L D, PLAT D, POCHET P (2002),
Etalement urbain, situation de pauvreté et accès à la
ville en Afrique subsaharienne. L'exemple de Niamey. In BUSSUIERE Y., MADRE
J.-L., (Eds) 2002, Démographie et transport : Villes du Nord et
villes du Sud, Paris, L'Harmattan, 2002, pp.147-175
- Il n'y a pas une grande différence entre les quartiers
informels et certains quartiers traditionnels puisqu'il manque cruellement les
infrastructures d'hygiène et d'assainissement.
- En ayant vite sa parcelle dans la zone informelle, on peut
construire sans délai et profiter pour bâtir quelques maisons
à louer ce qui améliore le revenu mensuel.
- En construisant dans un lotissement coutumier, le squatter
est sûr que maintenant il ne joue plus à la loterie comme au temps
du régime d'exception où un bulldozer peut venir détruire
les maisons sans dédommagement et sans perspective de trouver un nouveau
site. Depuis le début des années 90 avec la
démocratisation de la vie politique les dirigeants négocient avec
les squatters avant toute opération de restructuration. Ainsi, aucun
déguerpissement n'est possible sans l'identification au préalable
du nouveau site.
Comme on le voit le squattage à Niamey relève
à la fois d'un manque de moyens pour certains, mais pour d'autres c'est
une stratégie visant à prendre le devant sur les autorités
pour bénéficier d'une assise foncière qui participe
à l'amélioration de la situation économique du
ménage car de loin l'habitat est le secteur dans lequel aucun
entrepreneur n'a fait faillite à Niamey.
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