Internet et Droits de l'Homme( Télécharger le fichier original )par Moumouni GUINDO Université de Nantes - Diplôme d'université de 3ème cycle 2003 |
B. La violation du secret des correspondances :Le secret des correspondances est garanti au travers de la protection de la vie privée comme étant un pendant nécessaire du secret de cette vie. La plupart des législations répriment sévèrement la violation du secret des correspondances40. Le réseau Internet, en vérité, ne pose pas de questions nouvelles, sauf que sa nature amplifie un problème déjà connu et lui attribue de nouvelles dimensions, plus grandes que celles qu'il a dans le cadre de la Poste ou des télécommunications classiques. Le courrier électronique est le service du réseau Internet qui a le plus d'implications dans le domaine du secret des correspondances. C'est, avec le web, le service le plus connu41 et le plus utilisé. Il est utilisé comme moyen de transmission de courrier entre deux personnes (comme à la Poste) mais il est également sollicité par d'autres services Internet comme les forums de discussion et les listes de diffusion. Il est naturel que les principes de l'interdiction d'accéder à un courrier adressé à autrui soient applicables sur l'Internet. La mise en oeuvre de cette interdiction se révèle cependant particulièrement malaisée. La difficulté tient à la technologie même du réseau. En effet, un message électronique (courrier électronique, e-mail ou mél42) transite nécessairement par le serveur du fournisseur d'accès gérant le service du courrier. Le destinataire, pour prendre connaissance de son message, le télécharge à partir du disque dur de l'ordinateur de ce fournisseur. Celui-ci a tout loisir d'y accéder et d'en avoir toutes utilisations, m8me à l'insu de l'émetteur et du destinataire. On comprend aisément l'ampleur et la gravité de la question. Evidemment, vu le nombre élevé des messages stockés, les fournisseurs d'accès n'ont pas la possibilité matérielle de les tous lire mais la possibilité technique demeure et peut être intermédiaires techniques, car il énonce que ladite société n'est pas responsable pour n'avoir pas commis de faute, ce qui laisse entendre que sa responsabilité serait engagée dans le cas contraire. 39 En guise de vengeance contre sa petite amie, un jeune homme avait publié sur le web une photographie suggestive de cette dernière, agrémentée de quelques commentaires insidieux sur ses moeurs. Il a été condamné à l'emprisonnement avec sursis, à l'amende et à des dommages et intér~ts, Voir E. de MARCO : Le droit pénal applicable sur Internet, mémoire, 1998, 100 pages, en ligne sur le site www.juriscom.net 40 Article 37 du code pénal malien punit les atteintes à la correspondance privée de deux ans d'emprisonnement 41 Ph. BISIAUX et F. MONEGER, Commerce électronique et données personnelles, mémoire, page 21 42 Sur le site www.foruminternet.org l'expression consacrée pour désigner le message électronique est celle de « mél a» recommandée par l'Académie française (comme l'indiquent Ph. BISIAUX et F. MONEGER op. cit. cit.) page 21) utilisée à des fins spécifiques43. Cette réalité a certes des avantages (notamment en matière de recherche d'infractions44) mais au plan de la protection des Droits de l'Homme elle conduirait à un désastre si un usage malveillant devait en être fait. En définitive, l'Internet pose, outre la question du secret des correspondances, celle de leur sécurité et toutes les deux questions ont des implications sur la protection des Droits de l'Homme. Le secret des correspondances se pose en termes particulièrement sensibles dans les relations de travail entre employeurs et employés. La question est de concilier le respect de la vie privée du travailleur et l'exercice par l'employeur de son droit de propriété et de son pouvoir de direction. D'une part, le travailleur a-t-il le droit d'utiliser à ses fins personnelles le réseau Internet installé par son employeur pour l'utilité de l'activité professionnelle de l'entreprise ? D'autre part, l'employeur a-t-il le droit d'accéder aux messages personnels des travailleurs sans violer leur droit au respect de leur vie privée ? La jurisprudence française privilégie le respect du droit à la vie privée du travailleur même sur les lieux du travail et sur les installations techniques de l'employeur pendant que la jurisprudence américaine ne reconnaît au travailleur aucune vie privée sur son lieu de travail où prédomine le droit de propriété de l'employeur. La jurisprudence canadienne (québécoise plus exactement) défend le droit du travailleur à « une expectative raisonnable de vie privée »45 et admet, sous certaines limites, l'usage par lui de l'Internet dans son entreprise à ses propres fins. A l'analyse, la position française semble très fortement protectrice du droit fondamental du travailleur à une vie privée et ignore le droit tout aussi fondamental de l'employeur à exercer son droit de propriété. Quant à la position américaine, elle célèbre le droit de propriété et sacrifie le droit du travailleur à une vie privée. C'est l'approche canadienne qui semble titre la moins déséquilibrée, car elle protège non seulement le droit au respect de la vie privée du travailleur en lui reconnaissant le droit de s'attendre à un minimum de vie privée sur son lieu 43 Ayant conscience de ces dangers les fournisseurs d'accès membres de l'Association des Fournisseurs d'Accès jà Internet et aux services en ligne sont convenus d'effacer les messages aussitôt qu'ils ont été téléchargés par le destinataire. Cependant, dans la pratique les messages ne sont effacés qu'environ deux jours plus tard. Voir Rapport du Conseil d'Etat sur Internet et les réseaux numériques, page 20 44 Certains auteurs citent l'affaire dans laquelle le premier responsable de The Microsoft corporation a été démasqué grâce à ses e-mails. Voir, 45 J. LENFANT, op.. cit., pages 15-22 de travail mais aussi le droit de propriété de l'employeur en lui permettant de licencier des travailleurs qui abuseraient de l'usage de l'Internet au préjudice de son employeur46. Le réseau Internet porte atteinte à d'autres secrets tout aussi essentiels au respect de la vie privée que le secret des correspondances et le droit à l'image. C'est notamment le cas de la divulgation de secrets médicaux ou d'imputations diverses. |
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