Section II : La nécessité de renforcer la
coopération internationale
Les auteurs et analystes sont nombreux qui appellent à
une coopération internationale accrue pour obvier judicieusement aux
menaces que comporte pour les Droits de l'Homme le fonctionnement de
l'internet114. La coopération internationale (faisant
intervenir les Etats, les organisations internationales et les internautes)
s'organise peu à peu. En témoignent la succession et la
multiplication des rencontres à l'échelle mondiale ou
régionale. Les rencontres bisannuelles de Bamako (Mali) et celles qui
ont lieu tous les quatre ans à Genève (Suisse) en sont les
manifestations. Elles offrent aux Etats et aux intervenants du réseau
Internet ainsi qu'aux organismes de défense des droits de l'Homme
l'opportunité d'identifier les difficultés posées par
l'internet et d'y proposer des solutions.
Cependant, l'action internationale gagnerait à
être réorganisée et recadrée. La nature
transfrontière de l'internet doit rester la référence. Les
efforts doivent donc être « transfrontières »,
c'est-à-dire que la communauté internationale devrait s'organiser
de manière à produire des standards internationaux en
matière de protection des Droits de l'Homme. En effet, autant l'internet
est transfrontière et international, autant les droits de l'homme sont
universels et immanents à la nature de chaque individu, sur quelque
territoire qu'il vive et de quelque situation sociale ou personnelle qu'il
soit. La similitude est donc évidente sur ce point. En outre, il est
avéré que les violations des droits de l'homme facilitées
par l'internet concernent tous les pays et s'y expriment de la même
manière. Les différences ne sont que de degré,
résultant des différences de culture ou de politique. En toute
occurrence, les règles en matière de droits de l'homme sont
universelles et s'appliquent partout où les instruments internationaux
sont ratifiés. Les solutions, au moins dans leur cadre
général, devraient donc être tout aussi globales.
Concrètement, il nous semble important qu'un minimum de
standards en matière de protection des droits de l'homme soit
déterminé dans le cadre d'une convention internationale,
négociée et signée de préférence sous
l'égide de l'Organisation des Nations Unies. Cette démarche aura
pour avantage de fixer le cadre général de la protection des
droits de l'homme sur l'internet. Ce cadre sera d'autant plus rapidement
accepté qu'elles émaneraient des Nations Unies elles-mêmes.
L'instrument ainsi adopté laissera tout loisir aux organisations
régionales (comme les Unions européenne ou Africaine) pour
préciser ou orienter ses dispositions en tenant compte des
réalités culturelles.
114 Voir : Rapport de Christian PAUL op. cit. ;
La convention internationale devra être globale et
recouvrir donc la protection de la vie privée, la prohibition des
contenus illicites, la protection contre l'utilisation préjudiciable des
données personnelles, la lutte contre les infractions pénales, la
sécurité des transactions commerciales et la défense de la
propriété intellectuelle.
Une telle approche peut paraître utopique sinon
illusoire. On peut facilement lui opposer que l'internet se
caractérisant par une forte décentralisation, il sera
contre-indiqué de lui chercher un cadre unique de réglementation.
En fait, dans notre vision, il ne s'agira pas de réglementation
détaillée mais plutôt de jalons principaux (comme des
régules au sens littéral) pour déterminer les lignes
directrices de la protection des droits de l'Homme contre les atteintes de
l'internet.
Les régules posées par la Convention onusienne
seront précisées pour chaque région géographique du
monde par des accords régionaux. Ces accords régionaux laisseront
à chaque pays, après avoir intégré dans son droit
positif les conventions internationales, la possibilité d'y apporter les
aménagements commandés par sa culture, son économie ou son
système démographique.
L'avantage premier sera que sur tous les territoires, les
règles générales de protection des droits de l'homme
seront semblables tout autant que sont semblables les effets des atteintes
portées aux droits de l'homme par ou sur l'internet.
Naturellement, cette démarche n'est pas exclusive de
l'oeuvre d'interprétation de la Jurisprudence de chaque Etat,
étant entendu que les juridictions nationales resteront seules
compétentes en tenant compte des spécifications
opérées par les instruments internationaux et nationaux. Il est
évident que les mécanismes classiques de garantie des droits
fondamentaux demeureront tant qu'il s'agit des atteintes classiques
favorisées par l'internet. Mais s'agissant d'atteintes plus
spécialisées il sera opportun d'en laisser la connaissance aux
juridictions nationales. Cependant, la priorité doit être
accordée à la médiation dans le cadre des structures
internationales de médiation qui existent déjà, à
l'image de la Commission d'arbitrage de la Chambre internationale de commerce
et d'industrie.
Il est important que, contrairement à certains
avis115, que participent à ce processus de conception de
standards internationaux de la protection des Droits de l'Homme tous les pays,
sans considération de la place qu'ils occupent dans le fonctionnement de
l'internet.
115 J.-C. BURKEL, op. cit., qui suggère que
de la négociation internationale soient écartés les pays
du sud parce qu'ils ne sont pas, pour le moment impliqués dans la
conception technique et l'utilisation courante de l'internet.
En définitive, nous proposons une réglementation
globale stratifiée. Globale en cela que la nouvelle
réglementation renfermera toutes les atteintes aux droits humains par
l'internet. Stratifiée parce que les standards internationaux seront
adaptés d'abord à chaque région et ensuite à chaque
pays si nécessaire. L'avantage premier est qu'un instrument
international à vocation mondiale sera la source d'inspiration de
l'ensemble du combat des libertés sur l'internet.
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