Paragraphe 2 : La léthargie des autres
régions
L'Afrique et l'Asie, constituées pour la grande
majorité de pays en voie de développement, ne participent pas
directement à la construction de l'internet, ni sur le plan des
structures ni sur celui de l'encadrement. Les pays en voie de
développement ont à parcourir un long chemin en matière de
nouvelles technologies de l'information, d'abord sur le plan technique ensuite
sur celui de la protection des Droits de l'Homme.
En toute occurrence, s'il est vrai que l'Europe est plus
active que les autres régions dans la recherche des voies de la
meilleure protection des droits fondamentaux sur le réseau, il reste
tout aussi vrai que le continent américain, berceau de l'internet, est
encore plus avancé que l'Afrique ou l'Asie en matière de
protection des droits humains.
I. La démarche hésitante des Etats-Unis
d'Amérique et du Canada
Respectueux de leur conception du libéralisme -
économique, politique et social -, les EtatsUnis d'Amérique n'ont
pas cru devoir imposer des règles aux acteurs de l'internet en
matière de respect des droits de l'Homme. Les acteurs ont
été laissés responsables de leurs initiatives. Il en
résulte que la priorité était à
l'autorégulation. L'autorité publique s'était très
tôt interdite - bien avant l'avènement de l'internet dans ses
dimensions actuelles - de porter atteinte à la vie privée des
citoyens par la collecte, le traitement, l'utilisation et la circulation des
données à caractère personnel. Il s'agissait donc d'une
obligation de non-violation de la
vie privée imposée à l'Etat
fédéral, aux Etats fédérés et aux
collectivités publiques. Tel est, en effet, le sens du Privacy
Act de janvier 1974 et du Computer Matching and Privacy Protection
Act de 1988 qui ont tous deux imposé de strictes obligations
à l'autorité publique au profit des particuliers en
matière de circulation de données personnelles. Ces deux textes
législatifs, même antérieurs à la plupart des
services de l'internet pouvant se révéler attentatoires aux
droits de l'homme, sont valables sur le Réseau. L'Etat américain
avait estimé judicieux de ne pas occuper le terrain de la
réglementation éthique de l'internet ; il avait misé sur
les vertus de l'autorégulation en matière de protection des
droits fondamentaux.
Les particuliers -- internautes, sociétés de
fourniture de produits, de services et d'accès à l'internet --
réglementaient eux-mêmes leur activité et posaient les
garde-fous appropriés à la protection des droits de l'Homme. Des
lobbies de la protection de la vie privée sur l'internet se sont ainsi
constitués107.
La limite de cette perception se révélait
rapidement, des excès ayant été commis par les
différents acteurs. Les pouvoirs publics décidèrent donc
d'intervenir plus directement pour imposer le respect de la vie privée
et la sécurité des transactions commerciales sur
l'internet108.
Le Canada aussi n'avait édicté des règles
qu'à l'encontre du fichage des données personnelles sur les
particuliers par les pouvoirs publics. Telle est, en tout cas, la substance de
la loi sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, la tendance
est également à l'intervention des pouvoirs publics pour, en
tandem avec les acteurs du Réseau, contribuer à la
régulation des pratiques de l'internet relativement à la
protection des droits de l'Homme.
Outre ces initiatives propres aux Etats-Unis d'Amérique
et au Canada, il n'existe pas de cadre juridique commun au continent
américain dans lequel s'organise la protection des Droits de l'Homme
contre les menaces de l'internet. La situation est encore moins avancée
en Afrique et en Asie.
106 Lamy de l'informatique et des réseaux :
les auteurs relèvent l'impossibilité de recevoir directement dans
le droit positif certaines dispositions de la convention de 1981 dont la
rédaction appelle la médiation des autorités nationales
pour qu'elles soient applicables devant les tribunaux, pages 318-319
107 Ph. BISIAUX et F. MONEGER, op. cit.,
108 idem
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