Section II : La difficile quête de solutions
institutionnelles
Il est admis que les difficultés juridiques
soulevées par l'internet dépassent le plus souvent le cadre
territorial d'un Etat100 et qu'il convient de rechercher des
solutions à l'échelle internationale. Il est vrai que la
communauté internationale est réellement mobilisée autour
des innovations et adaptations juridiques commandées par le
développement de l'internet mais il semble que certains ensembles
géographiques politiques ou économiques sont plus actifs que
d'autres. Ainsi, sur le plan normatif, l'Europe fait montre d'un
véritable activisme en cette matière (paragraphe 1er)
pendant que les autres grandes régions paraissent bien
léthargiques (paragraphe 2).
Paragraphe 1er : L'activisme de l'Europe
L'Europe a été devancée par les
Etats-Unis d'Amérique dans le développement des nouvelles
technologies de l'information. La gouvernance technologique101 et
institutionnelle102 de l'internet reste dominée par ses
inventeurs américains. Les Européens s'emploient donc à
jouer un rôle -- à défaut d'occuper une place -- dans le
fonctionnement, la gestion voire la régulation de l'internet. Le
développement par un centre suisse du World Wide Web (devenu essentiel
au système de l'internet, il faut l'avouer) ne peut-il pas titre
considéré comme étant la résultante de ce combat ?
En toute occurrence, dans l'impossibilité d'influer significativement
sur les caractéristiques techniques de l'internet, les Européens
-- sans y renoncer du reste -- s'engagent à poser les jalons d'une
régulation de l'internet de manière à sauvegarder
l'équilibre entre le profit économique, culturel et social de
l'internet et ses retombées négatives sur les Droits de l'Homme.
Dans le cadre de la Communauté ou isolément, les Etats
européens prennent des mesures de régulation de l'internet.
Certaines
100 Voir le Rapport sur «Internet : enjeux juridiques »
de Isabelle FALQUE-PIERROTIN, Mission interministérielle du 16 mai au 16
juin 1996
101 Les standards techniques sont
développés par des sociétés américaines,
notamment
102 Actuellement, les noms de domaine, essentiels
à la structure de l'internet, sont attribués et
gérés par l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and
Numbers). Cette organisation, héritière de l'IANA (Internet
Assigned Names Authority) qui était un organisme public américain
sous contrat avec le projet ARPA, conserve une haute main sur les noms de
domaines nationaux (ccTLD) ou génériques (gTLD). Les
compétences de l'ICANN « incluent le contrôle du
système des noms de domaines, la distribution des adresses IP, le
de ses mesures, en réalité antérieures
à l'internet dans ses dimensions actuelles, se rapportent à la
question générale de l'informatique et ne concernent l'internet
que par extension. D'autres sont plus spécifiques au réseau
Internet. En toute occurrence, les initiatives européennes en
matière d'internet sont multiples même si elles sont
réfrénées dans leur efficacité.
Avant meme que l'internet ait ses dimensions et proportions
actuelles, l'Europe s'y est intéressée de près. Cependant
il faut avouer que les premières initiatives n'étaient pas
orientées spécifiquement vers l'internet. Il s'agit notamment du
projet TEDIS (Trade exchange data interchange system) qui, lancé en
1988, était très global et se rapportait à toute
l'activité économique internationale impliquant la
Communauté des Etats Européens. Ce n'est qu'en 1991 qu'il s'est
orienté vers les réseaux interconnectés (donc l'internet
aussi) et a mis en relief la nécessité de protéger les
données personnelles103. De fait, l'Europe se
préoccupe particulièrement des données personnelles, car
nombreuses sont les directives et recommandations qui s'y rapportent
directement.
La Convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981
relative à la protection des personnes contre le traitement
automatisé des données, qui a largement « contribué
à donner une orientation décisive au droit de la protection des
données104 », a été suivie, entre 1981 et
1991, de huit (08) recommandations consacrées toutes à la
protection des données personnelles dans le traitement automatisé
des données en réseau ou hors réseau (banques de
données médicales, données soumises à traitement
scientifique et statistique ou à marketing direct, données
utilisées à des fins de sécurité.).
La directive adoptée par le parlement et le Conseil de
l'Europe le 25 octobre 1995 sur « la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des données à
caractère personnel » s'est assigné la mission d'assurer
« une protection équivalente de haut niveau dans tous les pays de
la Communauté ». Cette directive a été
intégrée au droit interne de nombreux pays
européens105.
Il apparaît donc que l'Europe reste active sur la
question de la protection des droits de l'Homme au travers de celle des
données personnelles qui, comme nous l'avons déjà
indiqué, intègrent la vie privée.
développement de nouveaux standards de protocoles Internet
et l'organisation du système des serveurs de base de l'Internet »,
comme l'indique J-C BURKEL, op. cit., page 15
103 Voir J-C BURKEL, op. cit., page 10
104 Douzième Rapport d'activité de la CNIL, in Lamy
de l'informatique et des réseaux, 2000
105 Rapport Braibant, op. cit. qui jetait les bases de
la transposition des dispositions de la directive dans le droit interne
français
Au-delà de la vie privée, l'Europe s'est
également préoccupée du maintien de la
sécurité et de la paix sur l'internet. De cette volonté
participe l'adoption de la Convention européenne sur la
cybercriminalité du 23 novembre 2001. Cette Convention, se voulant
exhaustive, renferme toute la palette des infractions actuellement possibles
sur le réseau, celles qui affectent le réseau lui-même
comme les fraudes informatiques et celles qui sont par lui facilitées
comme les atteintes à l'honneur, à la dignité et à
la propriété intellectuelle.
Malgré tout, l'Europe n'a pas atteint le seuil
où elle pèserait de façon décisive sur le
fonctionnement du réseau et les dispositions normatives qu'elle a prises
paraissent par moment plus indicatives qu'impératives laissant une large
marge de manoeuvres aux Etats membres106. Il reste quand même
qu'elle fournit plus d'efforts que les autres régions ou regroupements
d'Etats pour s'approprier l'internet et surtout pour le réguler de sorte
à limiter les atteintes aux droits de l'Homme.
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