A-2 La condition juridique : la qualité du
justiciable
Classiquement, la qualité de commerçant
était exigée de tous les justiciables parce qu'il n'y a pas de
faillite civile. Cette exigence est maintenue par l'AUPC en ce qui concerne les
personnes physiques. La qualité de commerçant découle de
la réunion des conditions posées par l'AUDCG selon lequel «
sont commerçants ceux qui accomplissent des actes de commerce et en font
leur profession habituelle » (article 2).
L'immatriculation au RCCM entraîne une
présomption simple de commercialité. La non-immatriculation
n'empêche pas la soumission aux procédures collectives car ce
serait primer ceux qui violent la loi que de leur permettre d'y
échapper. Il en est de même des interdictions et des
incompatibilités qui ne sont pas un obstacle à l'ouverture d'une
procédure collective. Il en est différemment, en revanche, des
incapacités qui visent à protéger l'incapable : mineur non
émancipé, majeurs incapables (tutelle, curatelle, protection de
justice). Quant au conjoint d'un commerçant, certainement dans le but de
protéger le « patrimoine familial », il n'aura la
qualité de commerçant que « s'il accomplit les actes
visés aux articles 3 et 4 » de l'AUDCG, à titre de
profession habituelle et séparément de ceux de son époux
(article 7). Le commerçant décédé en état de
cessation des paiements peut être soumis aux procédures
collectives dans le délai d'un an à compter du
décès. Le commerçant effectivement retiré du
commerce peut faire l'objet d'une procédure collective dans le
délai d'un an suivant la publication de son retrait au RCCM (on dit d'un
tel commerçant qu'il est radié du registre du commerce).
A-3 La condition économique : la cessation des
paiements
La cessation des paiements est une notion importante pour
l'ouverture des procédures collectives. C'est une notion de droit
contrôlée par la juridiction de cassation qui vérifie que
les faits souverainement constatés par les juridictions du fond sont
constitutifs de la cessation des paiements. Elle est définie par l'AUPC
comme la situation où le débiteur est dans l'impossibilité
de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (article
25). Le débiteur est tenu de faire une déclaration aux fins
d'ouverture d'une procédure collective dans les 30 jours de la cessation
de ses paiements. Pendant longtemps a prévalu une conception dualiste de
la cessation des paiements distinguant :
- la cessation des paiements ouverte qui se traduit par
l'arrêt matériel du service de caisse, autrement dit le
non-paiement d'une ou de plusieurs dettes certaines, liquides, exigibles, de
nature commerciale ou civile, et qui sert à ouvrir la
procédure;
- la cessation des paiements déguisée qui se
traduit par l'utilisation de moyens frauduleux, ruineux ou factices, en
d'autres termes la gêne financière, et qui sert à reporter
dans le temps la cessation des paiements.
Diverses raisons ont conduit à une conception unitaire
: la réalité unique du phénomène : seules les
difficultés de preuve ont conduit à différencier ses deux
manifestations ou formes de la cessation des paiements (forme
déguisée, forme ouverte) ; l'évolution jurisprudentielle
et surtout la définition légale. L'on pourrait donc ouvrir une
procédure collective sur la base de faits constituant
antérieurement la cessation des paiements déguisée.
Il se pose surtout à l'heure actuelle la question de
l'efficacité de la cessation des paiements, même dans une
conception unitaire. Théoriquement, la cessation des paiements est
différente de l'insolvabilité, caractérisée, elle,
par le fait que l'actif total est inférieur au passif total. Dans les
faits cependant, il arrive fréquemment que la cessation des paiements
recouvre une véritable insolvabilité, ce qui rend difficile et
même impossible le redressement de l'entreprise et le paiement des
créanciers. D'une manière générale, l'on peut
estimer que la cessation des paiements, même lorsqu'elle ne recouvre pas
une véritable insolvabilité, correspond à une situation
qui est irrémédiablement compromise. De ce fait, le redressement
de l'entreprise est rendu très difficile, voire impossible, et les
créanciers ont très peu de chance de recevoir un paiement
substantiel.
Le critère le plus satisfaisant qui pourrait être
substitué à la cessation des paiements paraît être
celui de l'existence de faits de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation. L'on signale que c'est le critère
retenu pour l'alerte aussi bien dans l'AUDSC qu'en France. Cependant, un tel
critère peut difficilement être appréhendé par un
créancier ou par des personnes ou autorités extérieures
à l'entreprise. C'est pourquoi il est suggéré qu'il serve
à la saisine de la juridiction compétente par le débiteur
ou par les dirigeants de l'entreprise, les autres protagonistes s'en tenant
toujours à la cessation des paiements. Au demeurant, le critère
de la cessation des paiements se défend avec de bons arguments s'il est
interprété avec un certain élargissement de la notion et
si les juridictions nationales compétentes, à l'instar des
tribunaux de commerce belges, se dotent d'un service des enquêtes
commerciales permettant une information rapide et l'accélération
de l'ouverture de la procédure collective. En effet, « il serait
dangereux, pour la sécurité des transactions commerciales, de
permettre à un débiteur d'obtenir une sorte de moratoire qui
suspendrait le paiement de ses dettes alors qu'il n'est pas encore en
état de cessation des paiements », ce qui peut provoquer des
difficultés au niveau d'autres entreprises. De plus, la solution de
telles difficultés avant la cessation des paiements relève de
l'initiative du débiteur ou des dirigeants, ou de solutions plus
légères et plus souples comme le concordat amiable toujours
possible avant toute saisine du tribunal, le règlement préventif
dans l'espace OHADA ou le règlement amiable en France. De telles
solutions permettent d'éviter la survenance de la cessation des
paiements tout en préservant au mieux les intérêts des
créanciers dont le consentement est requis.
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