INTRODUCTION :
L
a défaillance d'entreprise est un élément
caractéristique de toute économie de marché : en modifiant
les relations contractuelles habituelles entre les parties, elle affecte le
comportement des agents économiques. Ces derniers cherchent
à maximiser leurs objectifs respectifs, tout en tenant compte des
contraintes qui s'imposent à eux. L'une d'entre elles - la contrainte de
liquidité (à court terme) ou de solvabilité (à plus
long terme) - constitue le critère de déclenchement de la
défaillance : lorsque les dettes arrivent à
échéance, l'entreprise doit être en mesure d'en honorer le
paiement, conformément aux termes du contrat conclu entre les parties.
Les engagements considérés ici sont de nature
financière et s'appliquent à l'égard de tiers tels que
les salariés, les fournisseurs, les bailleurs de fonds,
l'administration fiscale et sociale..., qui forment l'ensemble des
créanciers de l'entreprise. D'une certaine manière, la
défaillance correspond à une « sanction naturelle »
à l'égard des entreprises qui ne sont plus performantes,
c'est-à-dire ne dégageant plus un niveau de rentabilité
suffisant pour respecter leurs engagements financiers : leur disparition
permet alors un transfert de ressources vers d'autres entités
économiquement plus rentables. La défaillance, si elle traduit
sans doute un mécanisme de sélection des entreprises, engendre
cependant un choc qui affecte l'ensemble des partenaires sociaux,
économiques et financiers. En outre, la sortie de marché n'est
pas sans friction : qu'elle prenne la forme d'une renégociation
informelle et privée de la dette ou d'un traitement judiciaire des
difficultés, la défaillance engendre des coûts
supportés par le débiteur et ses créanciers. Son
déclenchement constitue néanmoins un moment crucial dans la vie
de l'entreprise, au cours duquel une redéfinition de l'activité
et des engagements financiers peut être menée. Si toute
économie requiert des règles permettant le traitement des
entreprises en difficulté, il ressort que celles-ci
diffèrent fortement d'un pays à l'autre quant à leurs
modalités d'organisation. Par exemple, une différence
essentielle des législations porte sur le nombre des
procédures proposées : l'Allemagne a fait le choix d'une
procédure unique, alors que la France et le Royaume-Uni proposent aux
entreprises et à leurs créanciers un « menu » de
procédures. De la même manière, les modalités de la
prise de décision diffèrent fortement entre procédures et
entre pays, accordant une prépondérance soit aux magistrats, soit
aux créanciers. L'étude se concentre sur les
procédures collectives, c'est-à-dire les cas de
défaillance exploitant le dispositif légal mis à
disposition des entreprises et de leurs créanciers. Cela exclut du champ
d'observation l'ensemble des efforts de restructuration, de
renégociation privée entre l'entreprise et ses principaux
créanciers. Or, selon que la législation cherche à
encourager une renégociation en amont des difficultés de
l'entreprise, l'étendue et la fréquence des renégociations
privées s'en trouveront affectées. En d'autres termes,
l'étude des procédures collectives ne permet pas d'embrasser dans
son ensemble la question du traitement des difficultés des entreprises.
De la même manière, certaines législations proposent un
cadre devant soutenir les efforts de renégociation entre l'entreprise et
ses créanciers. Ce travail s'organise autour de trois points. La
première porte sur la procédure collective. Les deux
dernières parties étudient respectivement les
spécificités attachées au redressement judiciaire et
à la liquidation des biens.
SECTION I : généralité sur les
procédures collectives
Il y a lieu d'appliquer un traitement de choc lorsque le mal
est profond ou que la prévention a échoué, en d'autres
termes, lorsque l'entreprise est en état de cessation des paiements. A
ce moment s'appliquent les procédures collectives stricto sensu
que sont le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Il y a
lieu de mentionner que, pour de nombreuses causes, le redressement judiciaire
peut être converti en liquidation des biens. Cependant, malgré
leurs finalités différentes, à savoir d'un
côté le redressement et de l'autre la disparition de l'entreprise,
ces deux procédures comportent de nombreuses similitudes, ce qui
explique que de nombreuses dispositions de l'Acte uniforme leur sont communes,
lesquelles se manifestent principalement dans les conditions d'ouverture et les
organes ainsi que relativement aux effets sur le débiteur et sur les
créanciers et beaucoup moins pour ce qui est des solutions qui y mettent
fin.
A- Les CONDITIONS D'OUVERTURE :
Les procédures collectives produisent des
conséquences graves : elles restreignent les droits des
créanciers et limitent les pouvoirs du débiteur. Elles produisent
des conséquences économiques et sociales. Dans une certaine
mesure, ce sont des procédures de sacrifice.
C'est pourquoi, elles ne peuvent être ouvertes que si
des conditions précises sont réunies.
A-1 les conditions de fond :
Les deux conditions de fond sont classiques même si
elles ont connu une évolution. Elles tiennent, d'une part, à la
qualité du débiteur (doit-il avoir la qualité de
commerçant ?) et à sa situation économique (à
savoir la cessation des paiements).
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