1.4- Les effets de la reconnaissance du droit à
l'environnement
Au niveau législatif, si des droits et libertés
peuvent être proclamés, ils ne deviennent source d'obligation
juridique que s'ils sont suffisamment précis. La seule
référence à la protection de la nature
d'intérêt général est perçue comme une
formulation trop vague dont la méconnaissance ne peut en pratique
être sanctionnée. Il est par conséquent important que pour
la reconnaissance législative du droit à l'environnement, des
précautions soient prises pour bien en préciser le contenu et les
effets.
Au-delà de l'impact politique et moral d'une telle
réforme, un droit à l'environnement considéré comme
une liberté publique fondamentale peut servir de base à la
reconnaissance de voies de fait, renforcer l'obligation juridique pour les
pouvoirs publics de respecter l'environnement .
25 V. Mme. ZOHRA-KSENTINI, Droit de l'Homme et
Environnement, Commission des droits de l'Homme, Conseil
économiques et social des Nations Unies, 6 Juilly 1994.
Le droit à l'environnement est aussi la reconnaissance
d'un niveau minimum de jouissance des ressources communes : droit à
l'eau et à l'air pur, droit au silence, droit d'accès à la
faune, à la flore, au littoral.
Mais le droit à l'environnement est accompagné
d'une obligation pour tous de préserver les ressources naturelles,
publiques et privées de se conformer, dans toutes leurs
activités, aux mêmes exigences dans un souci de
préservation d'un environnement de qualité pour les
générations présentes et futures.
1 -Du Droit Des Générations
Futures
Le Droit à un environnement sain concerne les
générations présentes. Mais
l'irréversibilité de certaines atteintes au milieu naturel et aux
espèces animales et végétales affecte
nécessairement les générations futures. Aussi la
décision publique ou privée doit-elle systématiquement
prendre en compte ses effets directs et indirects sur le long
terme26. La consécration juridique de la prise en compte du
long terme est la reconnaissance des droits des générations
futures qui peut se traduire comme un devoir pour les générations
présentes de protéger l'environnement sur le long terme en
préservant les biens du patrimoine commun. Déjà
évoqué par les principes 1 et 2 de la déclaration de
Stockholm, le principe 3 de la Déclaration de Rio mentionne les besoins
relatifs à l'environnement des générations futures. Cette
prise en compte du futur est indissociable de l'objectif visant à
assurer un développement durable depuis Rio 1992.
2- Le Principe du Développement Durable et de
L'Intégration de l'Environnement
Le développement durable est déjà
implicite dans les principes 5 et 8 de la déclaration de Stockholm. Il
sera la ligne de force de la Déclaration de Rio notamment dans les
principes 3 et 4. Il exprime l'idée que les ressources vivantes ne
doivent pas être ponctionnées à un point tel qu'elles ne
puissent, à moyen ou long terme, se renouveler. Il faut garantir la
pérennité des ressources. Par extension toute la politique de
développement actuel doit garantir qu'elle ne portera préjudice
ni aux générations futures, ni aux ressources communes (eau, air,
sols, espèces et diversité biologique).
Les conditions pour la réalisation de ce principe sont
variées. Selon la déclaration de Riode 1992 il faut :
éliminer la pauvreté (principe 5), tirer pour l'avenir les
conséquences du fait
26 M. RÉMOND-GOUILLOUD, « À la recherche du
futur, la prise en compte du long terme par le droit de l'environnement »,
RJE, 1992. 1, p. 5
que les États reconnaissent qu'ils ont des
responsabilités communes mais différenciées dans la
dégradation de l'environnement (principe 7), réduire et
éliminer les modes de production et de consommation non viables
(principe 8) et surtout intégrer l'environnement dans toutes les autres
politiques de développement (principe 4).
L'intégration de l'environnement dans toutes les
décisions et stratégies publiques et privées est une
exigence fondamentale pour garantir le développement
durable27. Ainsi on peut considérer que l'ensemble des
politiques publiques et des activités privées est soumis à
une exigence de conditionnalité environnementale, expression à la
fois de l'objectif de développement durable et du principe
d'intégration.
3-La Consécration du Patrimoine Commun
Ce concept de plus en plus utilisé cherche à
introduire un élément moral et juridique dans la conservation de
l'environnement28. Entendu strictement, on pourrait craindre que
patrimoine soit assimilable à propriété et à
rendement. En fait, il s'agit au contraire de dépasser la
propriété en identifiant des éléments de
l'environnement dont on veut assurer la conservation et la gestion. Aussi
« le patrimoine » fait-il appel à l'idée d'un
héritage légué par les générations qui nous
ont précédés et que nous devons transmettre intact aux
générations qui nous suivent. Les biens, ou les espaces qui vont
ainsi être qualifiés de « patrimoine » par le droit de
l'environnement vont devoir faire l'objet d'une attention toute
particulière non seulement de la part de leur propriétaire
juridique (s'il existe) mais aussi et surtout de l'ensemble de la
collectivité.
La reconnaissance d'un droit à l'environnement a pour
effet d'instituer des droits et procédures garantissant la gestion
collective du patrimoine environnement. Le droit de l'environnement fait ainsi
référence au patrimoine biologique, au patrimoine naturel, et
culturel et Paysager, au patrimoine bâti, au patrimoine rural, au
patrimoine architectural et urbain pour compte de la collectivité.
L'environnement est le patrimoine commun des êtres humains.
Le droit international de l'environnement a lui aussi
consacré le concept de patrimoine appliqué à des milieux
qu'il est nécessaire de préserver ou de gérer en commun
ainsi qu'au
27 A. Comolet et A. Dekoninck, Le principe d'intégration,
historique et interprétation, REDE n°2, 2001, p.152
28 Thémiales de Riom, Le statut juridique du
patrimoine commun, Revue juridique d'Auvergne, 1998-4
génome humain (déclaration des Nations Unies sur le
génome humain, 1998). Le concept de biens publics mondiaux tend à
compléter celui de patrimoine commun.
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