PARTIE 2 - PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
« Le mystère de l'Autre se trouve
résolu. L'Autre est celui que l'Un désigne comme tel. L'Un c'est
celui qui a le pouvoir de distinguer, de dire qui est qui : qui est "Un",
faisant partie du "Nous", et qui est "Autre" et n'en fait pas partie [...].
»
Christine Delphy
I- L'organisation des structures : mettre en place et
gérer la mixité
1- Mettre en place la mixité
Si l'école est un espace de socialisation des jeunes
où une mixité de fait est présente, ce n'est pas le cas
pour les lieux de loisirs. En effet, avec les exemples des trois structures
réparties sur les deux quartiers d'études, on peut voir que cette
mixité n'est pas donnée, et que la mettre en place requiert un
vrai travail de réflexion et d'action.
Chantecler et l'espace Lagrange : une organisation
genrée non problématisée
La maison de quartier Chantecler était à
l'origine séparée en de nombreux pôles, du fait d'un manque
de place dans le bâtiment de la maison mère. De ce fait, le centre
de loisirs et les activités sportives avaient lieu sur place, l'ensemble
des autres activités étaient disséminées dans des
salles plus ou moins éloignées (dojo, salle de musique, salle de
danse...).
Depuis environ trois ans, l'association a
récupéré un bâtiment situé à quelques
mètres de la maison de quartier, et formant un second pôle
artistique, l'espace Lagrange, regroupant les activités de danse, de
gymnastique, de chant et de musique. Depuis l'inauguration de ce nouvel espace,
l'organisation de la structure apparait être genrée. En effet, la
maison de quartier Chantecler accueille une majorité de garçons,
la plupart des animateur.e.s et des entraîneur.e.s sportifs sont des
hommes, à l'exception du public et du personnel encadrant l'accueil de
la toute petite enfance. Le bâtiment est peint en bleu.
« Au niveau des entraineurs sportifs, ouais, il y a
beaucoup d'hommes, mais enfin, il y a quelques filles quand même, mais
enfin oui, c'est une majorité d'hommes. Dans l'animation, on a une
grosse sectorisation, c'est-à-dire que chez les 3-5 ans, c'est 95%
d'animatrice, chez les grands, ou multi-sport, c'est l'inverse. [...] Ça
fait un peu cliché, mais malgré tout, c'est ça, à
la salle de gym à côté [l'Espace Lagrange], c'est presque
que des filles qui animent les activités. Alors que quand c'est foot,
basket, tout ça, c'est plutôt des garçons. » (J4,
entraineur badminton)
A l'inverse, l'espace Lagrange accueille une majorité
de filles, et la plupart des professionnel.le.s sont des femmes, à
l'exception d'un certain nombre de cours de musique
(guitare, basse, batterie), qui apparaissent comme une enclave
masculine à l'intérieur d'un espace féminin. Les murs
extérieurs et les fléchages des salles à
l'intérieur du bâtiment sont peints en rose fuchsia.
« Ici, en gym et en danse, il y a plus de filles. Il
y a chorale, où là, effectivement, il y a plus de filles. Bon,
après, il y a plus de garçons en guitare électrique, en
batterie. Il y a plus de filles en piano que de garçons. [...] Et
souvent, ceux qui commencent à avoir envie de faire de la musique
à plusieurs, ce sont les groupes de batterie, basse, guitare
électrique. » (J1, responsable Espace Lagrange)
« La prof de chant, c'est une femme. Il y a trois
profs de guitare, il se trouve que ce sont trois hommes. Il y a deux profs de
piano, une femme, un homme. Le prof de violon, c'est une femme. Le prof de
saxo, c'est une femme. Le prof de batterie, c'est un homme. » (J1,
responsable Espace Lagrange)
« C'est surtout des filles les lycéennes, j'ai
des hommes mais adultes. Il
n'y a pas de jeunes hommes qui viennent. » (J5,
entraineuse cardio-boxe)
A partir du moment où elle n'est pas volontaire de la
part de la structure, cette polarisation et la non-mixité qui
l'accompagne ne sont pas problématisées. Elles ne sont, pour les
professionnel.le.s, que le résultat de choix personnels des jeunes
accueilli.e.s.
« (Question) : Est-ce que la mixité est
quelque chose de facile à mettre en place ici ? - (Elle) : Oui, puisque
la question ne s'est pas posée. Après, vous allez me dire, pour
les cours de danse, c'est difficile dans la mesure où c'est les
garçons qui ne sont pas intéressés, ce ne sont pas les
filles qui ne veulent pas qu'il y ait de garçons. - (Question) : Et en
musique alors, en guitare par exemple, les filles ne veulent pas y aller ? -
(Elle) : Non, c'est parce qu'elles ont envie de faire autre chose. Il y en a,
des filles, hein, mais plus de garçons. Parce que leur trip, c'est quand
même d'avoir un groupe de copains et de jouer entre eux. [...] La
question ne se pose pas comme ça en fait, ce n'est pas exclusif.
Personne n'exclue personne. » (J1, responsable Espace Lagrange)
« Moi je travaille beaucoup avec les
collégiens notamment, ils sont beaucoup dans les rapports, pas de
séduction, mais ils commencent à s'amuser, à être
là-dedans. Mais par contre ils ne se mélangent pas. Quand on leur
demande de faire des groupes, ils font des groupes de garçons et des
groupes de filles. » (J4, entraineur badminton)
Sur le centre de loisirs, l'organisation, malgré un
projet pédagogique axé sur la mixité, ne permet pas
qu'elle se réalise. En effet, deux activités sont
proposées aux enfants et aux jeunes chaque matin : une activité
sportive et une activité de « centre de loisirs classique »
(activités manuelles...). Le choix leur est
laissé de participer à l'une ou l'autre des activités. Le
fait que l'après-midi soit réservé à une
activité unique où l'ensemble des jeunes se retrouvent
n'enlève pas le caractère genré de l'organisation :
« Et j'ai, on va dire, 90% de filles au centre de
loisirs classique, et 90% de garçons au multi-sport [...] On est quand
même sur un choix, sur une volonté, sur l'envie de l'enfant, on ne
va pas forcer. Donc souvent, on se retrouve avec les garçons au sport...
enfin, c'est un cliché, mais c'est souvent ça à 90 ou 95%.
Mais l'après-midi, on fait une seule activité, soit une sortie,
soit un grand jeu, et là ils se retrouvent. Voilà, ça
c'est notre projet pédagogique, d'essayer de travailler sur la
mixité. » (J4, entraineur badminton)
Au sein de la structure, parmi les activités dont le
public est majoritairement masculin, certaines ont tendance à se
masculiniser de plus en plus, et d'autres, au contraire, à s'ouvrir aux
filles. Ces tendances inverses semblent être liées principalement
aux professionnel.le.s et à leur vision des relations entres filles et
garçons et de leurs différences. Ainsi, cet entraineur sportif en
football à Chantecler qui explique ne vouloir entraîner que des
garçons, car il trouve les filles plus difficiles à
entraîner (plus douillettes, moins performantes, réclamant plus
d'attention).
« J'ai entraîné des filles ici, aussi,
mais ça ne s'est pas bien passé. Enfin, j'ai
entraîné une équipe mixte, dans laquelle se trouvaient les
filles et les garçons. Et, c'était difficile pour les filles.
[...] On a essayé au premier trimestre, ça n'a pas tellement bien
marché, parce que les garçons jouent entre eux, les filles ne
sont pas bonnes. [...] J'ai pas mal de filles au collège qui me
demandent si je ne veux pas faire une équipe de filles. Mais moi,
entraîner des filles... C'est un peu trop féminin, ça
revendique trop, il faut s'occuper d'elles... Les garçons n'ont pas
besoin que l'on s'occupe d'eux. Les filles ont envie que l'entraîneur les
voient, elles sont bien maquillées, elles ont de jolies robes. Mais tout
le monde me demande de faire une équipe de filles, même la
responsable à la mairie de Bordeaux. Il y a des demandes, mais
franchement, ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas le même
rapport. » (J7, entraineur football)
« J'aurais bien aimé entraîner une
équipe mixte, mais on passe plus de temps sur l'extra-sportif que sur le
sportif. Il faut discuter, les rassurer, elles ont un manque de confiance que
les garçons n'ont pas. [...] Bon, si une fille entre en classe sportive
au collège, j'essaie de la supporter jusqu'à la fin de la saison
! En lui mettant un peu la pression sur le scolaire. » (J7,
entraineur football)
A l'inverse, un des professeurs de guitare de l'espace Lagrange
se réjouit d'accueillir dans son cours plus de filles aujourd'hui
qu'hier.
« Suite à notre conversation, je me demandais
combien j'avais de filles. Et donc, j'en ai pas mal en fait. 9. Ça veut
dire que je dois avoir 40% de filles, non, 30% de filles à peu
près. » (J10, professeure de guitare)
« Mais je crois que c'est une évolution en
fait, puisque j'ai de plus en plus de filles. Et je crois qu'on tend, quand
même, à avoir plus d'égalité, à ce que les
filles se disent qu'elles peuvent faire des trucs, autant que les
garçons, et qu'il n'y a pas de problème, en fait. »
(J10, professeur de guitare)
A la maison de quartier Chantecler, on a donc à faire
à une organisation genrée qui n'est pas vécue comme telle
puisqu'elle n'est le fait « que » du choix d'activité des
jeunes. On remarque cependant que les choix des professionnels quand à
la façon dont ils entendent mener leur activité peut accentuer ou
infléchir ces tendances.
Les centres sociaux du quartier Bastide : une prise de
conscience in-extremis
Il est important ici de préciser le déroulement
temporel des entretiens. En effet, ceux des animateur.e.s du centre social
Bastide-Queyries se sont déroulés pendant les vacances de
Noël, ceux des animateur.e.s du centre de la Benauge entre les vacances
d'hiver et les vacances de printemps. Or, visiblement, des efforts pour
installer la mixité ont été faits et ont porté
leurs fruits durant ce laps de temps.
Le secteur jeune du centre social de Bastide-Queyries est
animé par deux animatrices. La direction du centre est occupée
par une femme. Les deux animatrices ont été interrogées
pour cette étude, et décrivent une polarisation genrée des
centres sociaux. En effet, le centre d'animation de la Benauge est
montré comme accueillant un public exclusivement masculin ; le centre
Queyries comme étant moins marqué mais accueillant tout de
même une majorité de filles. Elles expliquent cela à la
fois par le caractère genré des équipes d'animation mais
aussi par la non prise en compte de la mixité du côté
Benauge.
« Par contre, nous on est deux filles, on a beaucoup
plus de public féminin. Eux, ils ont un public plus masculin, mais ce
qui est logique, qu'on le veuille ou non, en tant qu'animateur, on a un certain
rôle d'exemple. Du coup, forcément, quand tu es un garçon
ou une fille et que tu te cherches, tu vas aller plus facilement vers une
personne de ton sexe pour discuter. Donc oui, je pense que d'être deux
filles sur un secteur jeune, ça implique qu'on ait un public beaucoup
plus féminin. » (B7, animatrice)
« Je me suis interrogée sur le fait
d'être une équipe de filles sur un secteur jeune, plus une
équipe de filles à la direction. Je me suis dit qu'on n'allait
attirer que les filles. Et pas du tout. [...] Je ne sais pas si le fait
d'être deux filles, on n'aurait pas une influence complètement
inconsciente sur ce que l'on met en place. Il me semble que non. On essaie de
s'inscrire dans des choses plutôt près du public que l'on a que
spécifiquement auprès de filles ou de garçons. [...] Nous,
on a de moins en moins de gamins qui viennent de manière
spontanée sur de l'accueil. On a beaucoup d'inscrits sur les animations,
sur les projets. Mais sur l'accueil jeune, on en a presque plus. »
(B6, animatrice)
« Là, par exemple, pour Noël, il y a le
footsal à la Benauge. On sait que notre petit public habituel ne voudra
pas faire un tournoi de foot. Faire du foot, ok, ce n'est pas un
problème, fille ou garçon, mais un tournoi tel qu'eux le
présentent là-bas, je ne pense pas. La première chose
qu'on leur a demandé c'est si c'était mixte. Et personne n'a su
nous répondre à la Benauge. Au final, ils nous ont dit pourquoi
pas, mais sous-entendu, il n'y aura pas de filles de chez eux. Mais ce
n'était pas précisé, pour moi c'était
évident que ce soit mixte. » (B6, animatrice)
Les discours de deux interviewé.e.s sont
également intéressants pour comprendre la situation des centres
d'animation du quartier Bastide. De la même manière que pour les
entretiens menés auprès des animatrices du centre d'animation
Queyries, ces entretiens se sont déroulés très en amont
des entretiens avec les professionnels du centre de la Benauge. En effet, deux
éducateur.e.s de rue (ou éducateur.e.s
spécialisé.e.s) interviennent sur le quartier, et principalement
au centre social de la Benauge. Si la méthode de travail de
l'éducateur ne semble en rien favoriser la mixité,
l'éducatrice, quand à elle, dénonce ce fonctionnement.
« Les filles fréquentent peu le centre social.
Et quand nous, on s'adresse à un groupe pour faire des sorties, on
s'adresse à un groupe naturel, et donc bien souvent groupe de
garçon ou groupe de fille. Je commence à avoir un peu
d'expérience en prévention spécialisée et je n'ai
quasiment jamais fait de sortie mixte. Alors après, pas forcément
parce que les jeunes ne veulent pas, mais aussi parce qu'avoir de la
mixité dans un groupe en sortie, ça sous-entends que ça va
se travailler, il va y avoir des choses à mettre au travail et qu'on ne
va pas pouvoir laisser passer... et que, quand je fais une sortie, j'ai
d'autres objectifs derrière. » (B2, éducateur
spécialisé)
« Déjà, on a beaucoup de
difficultés à travailler la mixité. Moi je ne travaille
que dans la mixité. Mais mon collègue de travail, que tu connais,
lui il a beaucoup de mal à travailler dans la mixité. Ça
me parait... c'est tellement une évidence. Mais parfois, même les
professionnels ont du mal à travailler de cette façon là.
Les filles, on a beaucoup de mal à les rencontrer dans l'espace public,
mais en même temps c'est à nous d'aller à leur rencontre.
[...] Si tu ne les incites pas à
se mettre en groupe mixte, ça ne se fait pas du tout
naturellement. » (B4, éducatrice spécialisée)
« Nous, on ne travaille pas directement au centre
d'animation, mais en partenariat avec eux. Après, même sur le
centre, 100% des sorties ce ne sont que des garçons sur le public
préados / ados. Ou alors, cet été, il devait y avoir 2
filles sur un groupe de 12. Et ce sont des filles un peu garçon
manqué, qui ont du caractère, qui en impose dans le quartier,
qu'on ne considère pas comme des filles. [...] Les autres, elles n'y
trouvent pas leur place au centre. Si je ne vais pas les chercher, elles ne
viendront pas. [...] Mais elles ne seraient pas venues si je ne leur avais pas
donné cette place, j'ai l'impression. Du coup, ça ne se fait pas
automatiquement. Pour elles, le centre, c'est la place des garçons.
Peutêtre le fait aussi qu'il n'y ait que des animateurs hommes pour les
ados et préados. » (B4, éducatrice
spécialisée)
Les deux animateurs du secteur jeune au centre social de la
Benauge ont été rencontrés lors d'un entretien un peu
particulier. En effet, les deux animateurs étaient présents sur
le centre au même moment. Après avoir commencé l'entretien
avec l'un des deux, le second s'est inséré dans la conversation.
Avec le premier d'entre eux, ont été abordés les trois
premiers thèmes de l'entretien (soit l'histoire professionnelle,
l'expérience des relations de genre sur la structure, et la formation),
les deux étaient présents pour le quatrième thème
des représentations, mais c'est essentiellement le second animateur qui
s'est exprimé.
Tous deux, des « grands du quartier » en
poste dans d'autres centres sociaux de la ville de Bordeaux, ont
été appelés en alerte à la Benauge après que
le centre ait été « attaqué » par les jeunes, en
2008.
« C'était des jeunes du quartier qui
revendiquaient des choses, comme quoi il n'y avait pas d'espace pour eux, pas
d'accueil pour eux, qu'ils étaient abandonnés dans un centre qui
ne leur correspondait pas, personne n'avait d'attention pour eux, ils
étaient livrés à eux-mêmes dans le centre. »
(B8, animateur)
Alors, le travail de (re)construction du centre et de la
mixité a pu commencer. L'entretien suivant a donc été
mené après les vacances d'hiver, qui semblent avoir
été une étape charnière de cette mise en place.
« Il y a eu un règlement intérieur qui
a été fait avec eux. Donc moi, j'étais responsable du
secteur ado, les 12-16, et mon collègue était responsable des
plus grands, des 16-25. Il y a eu un gros travail d'écoute des jeunes.
Ils voulaient un espace dans le centre, donc on a créé une salle
pour l'accueil jeune. Parce qu'en fait, avant, ils n'avaient pas
d'espace, donc ils étaient partout dans le centre, ils
n'étaient nulle part. » (B8, animateur)
« Il y avait aussi les filles du quartier qui
voulaient rentrer dans le centre, qui n'y avaient pas accès. Il n'y
avait que des garçons. Nous, dès l'ouverture, on a invité
toutes les filles du quartier, on a fait une réunion avec elles. Au
début, on a fait les garçons seuls, et les filles seules. On ne
pouvait pas arriver du jour au lendemain, et les mettre tous ensemble.
Ça n'aurait pas été possible. On les a pris
séparément, on a discuté, on a fait deux ou trois sorties
avec chaque groupe. Et puis on a commencé à leur dire qu'on ne
pourrait plus faire ça, qu'après ce serait des sorties pour les
garçons et les filles. Bon, il y a eu des petites réactions.
» (B8, animateur)
« Maintenant, où il n'y a plus de sorties
filles et de sorties garçons, comme avant où on était
obligé d'avoir deux programmes, un pour les garçons et un pour
les filles. Là, sur les vacances de février, un exemple,
où on était submergé de personnes, et justement, on a eu
plus de filles que de garçons. [...] On a fait un gros travail
là-dessus, on a pris sur nous aussi, parce qu'il y avait des parents qui
nous disaient que ce n'était pas bien ce qu'on faisait. Il y en a qui
mettaient ça au niveau des religions ou des coutumes, aux règles
de vie de leur famille. Mais on leur a dit qu'au centre, il y a un
règlement qui peut ne pas être le même que celui de leur
famille. [...] Et puis, on ne va pas se plaindre, aujourd'hui, il y a 40 gamins
qui viennent au centre, c'est que ça marche, c'est que les jeunes ont
envie de venir. Et puis, il y a une belle mixité. Ça fait
plaisir. On récolte ce qu'on a semé. » (B8,
animateur)
Visiblement, la mixité au centre social de la Benauge
est aujourd'hui établie. Cependant, les animateurs en sont conscients,
être deux hommes sur un secteur jeune peut se révéler
être un handicap.
Et donc oui, aujourd'hui, je le dis à ma direction,
il nous faut une fille. Il faut que l'on recrute une fille. [...] Après,
concernant le manque d'animatrice fille, on a quand même la chance
d'avoir l'éducatrice du CALK qui est présente pendant toutes les
vacances. C'est un appui féminin pour nous. Les filles, maintenant, de
plus en plus, se confient à elle, qui n'est pas animatrice, qui est
éducateur de rue. Elle comble ce manque que nous on a, c'est pour
ça qu'on a créé un partenariat avec le CALK. »
(B8, animateur)
Ainsi, même si des changements et une volonté
d'évolution apparaissent parfois, les espaces de loisirs
organisés en périphérie de l'école apparaissent
comme genrés. Yves Raibaud parle alors des maisons-des-hommes : «
La maison-des-hommes est ce lieu où les hommes, les garçons,
se livrent à une compétition entre eux qui leur permet de
désigner les leaders qui représenteront leur camp, et, par
l'intermédiaire de ces "champions", d'assurer
leur position dominante d'homme et les privilèges
qui y sont attachés » (Raibaud, 2011). Ces lieux participent
à la construction de genre des individus en créant un entre-soi
où les valeurs attachées au sexe sont mises en valeurs et
développées chez chaque individu. On pourrait décrire de
la même manière certains espaces des lieux de loisirs
étudiés (comme les cours de gymnastique de l'Espace Lagrange par
exemple) comme des maisons-des-femmes.
|
|