4.2 La démocratisation du luxe, un danger pour
les marques ?
Ces dernières années, on assiste à une
autre forme d'accessibilité du luxe : « Le Masstige ». Ce
concept résulte de la contraction entre les mots « mass
market18 » et « prestige. 19»
Cette notion n'est pourtant pas si neuve. Déjà
dans les années 80, la frontière entre le luxe et la consommation
de masse était ambigüe à cause des déclinaisons
multiples des produits de luxe.20
Le meilleur exemple de Masstige que l'on peut citer est la
collaboration en 2004 d'H&M (le géant suédois du textile
à bas prix) avec le directeur artistique de chez Chanel,
l'emblématique Karl Lagerfeld ! Véritable pionnier de cette
pratique, il déclare : « L'élitisme de masse, c'est mon
rêve depuis longtemps. Je pense qu'il était presque de mon devoir
de faire ça avec mon nom, c'est le chemin de la
modernité.»
L'action étant un succès, H&M ne manquera
pas de réitérer le coup avec d'autres couturiers de renom, tels
que Victor & Rolf ou Albert Elbaz, de la maison Lanvin !
Cette modernité associée au luxe accessible
résonne comme une démocratisation des marques de luxe. Plusieurs
raisons de cette démocratisation donnent tout intérêt aux
marques de luxe de se diriger vers ce phénomène. Si la raison
financière en est bien évidemment la principale, la dimension
sociale joue un rôle important. Gilles Lipovetsky l'explique : «
Aujourd'hui, tout le monde veut sa part de luxe ». Cette citation est
en lien direct avec la société d'hyperconsommation qui nous
anime, on veut tout posséder, tout consommer ! Ce luxe à prix
démocratique permet de répondre aux besoins d'identité des
populations dites de masse, qui entretiennent une fascination pour l'univers du
luxe.
On est plus proche du domaine de la passion que de la raison et
on achète un signe, une appartenance, un besoin de
considération ou d'être considéré dans le cas du
cadeau (...) Le luxe est un facteur d'identification : c'est une façon
de
18 Terme anglophone qui signifie en français
« Marketing de masse ».
19
Lochard (Cécile), Murat (Alexandre), Luxe et
développement durable, édition d'organisation, 2011, p 45
20Lochard (Cécile), Murat (Alexandre), Luxe
et développement durable, édition d'organisation, 2011 p
43
se différencier, de s'affirmer, de ne pas être comme
les autres ou, en tout cas, de copier ceux que l'on admire. 21
Cette diversification apporte un renouveau à la marque,
une possibilité d'augmenter sa notoriété et d'être
une référence dans son segment de marché.
Toutefois, de nombreux professionnels du métier restent
sceptiques face à cette banalisation du luxe et craignent la perte de
prestige, voire même pire, craignent de tuer l'image !
Pierre Cardin en a fait les frais, à trop vouloir se
diversifier. Ses produits ont perdu leur valeur de rareté auprès
de sa clientèle.
Entrer dans un secteur que l'on ne connait pas est dangereux
(...) la pollution de l'image peut entrainer ce que l'on appelle la
cannibalisation, c'est-à-dire la disparition de l'« aura de
rêve » attachée à la marque. Par exemple, un objet bon
marché tel que des pantoufles ne fait pas bon ménage avec la
Haute- Couture.22
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