9.2 5 DECRETS SORTIS MAIS INSATISFAISANTS MALGRE DES
ATELIERS ET LE RECOURS AU CONSULTANTS
Selon le dernier document récapitulatif de l'état
d'avancement de la LOA, 5 décrets sont inscrits au Journal Officiel :
Décret N°08-177/P-RM du 27 mars 2008 fixant les
modalités d'application de la Loi relative au contrôle de
qualité des engrais. Sorti 1 mois avant le dernier CSA, il répond
à des enjeux de désengagement de l'État et de corruption
sur la production, l'importation ou la distribution des engrais.
Décret N°08-768/P-RM du 29 décembre 2008
fixant les modalités d'enregistrement et d'immatriculation des
exploitations Agricoles familiales et des entreprises Agricoles. Il
répond plutôt aux OP mais les Chambres d'Agriculture n'ont rien
mis en route et les services de l'État sont embourbés dans la
décentralisation.
Décret N°008-793/P-RM du 31 décembre 2008
fixant les modalités de création et d'enregistrement des
organisations interprofessionnelles Agricoles. Il est lié aux enjeux de
désengagement de l'État et des filières, notamment le
coton.
Décret N°09-011/P-RM du 19 janvier 2009 fixant les
attributions, la composition et les modalités de fonctionnement des
Commissions Foncières Locales et Communales. Il répond à
une demande forte du terrain mais toujours pas en application se confrontant
aux problèmes de la décentralisation et l'absence de politique
foncière.
Décret N°09-314/P-RM du 19 juin 2009 relatif à
la qualité et à la labellisation des produits Agricoles. Il
répond aux exigences de l'exportation.
D'abord, les décrets n'ont pas fait l'objet d'un choix
concerté, car c'est sur proposition du SP qu'ils sont
présentés au CEN. Puis les acteurs choisissent de s'y investir ou
pas selon leur moyen, leur intérêt comme le déplore un des
initiateurs de la LOA :
(( C'est le SP qui fait les propositions de décrets
ce n'est pas la CNOP. Cette redéfinition de la structure chargée
de mettre en oeuvre la LOA va a l'encontre de l'esprit qui avait
présidé. Il n'y a plus une Cellule, une interface pour assurer
cohérence, volonté politique et pluralisme des acteurs.
»
(( Lors du CEN le SP présente les
thématiques, puis chaque ministère choisit en fonction de son
intérêt, ses capacités, son temps, ensuite la liste est
validée au CSA, puis la CNOP dit sur lesquels elle veut travailler
» renforce un membre du SP
Ces 5 décrets ont fait l'objet d'ateliers. A priori ils
s'inscrivent encore dans la démarche de concertation. Mais il ne suffit
pas d'organiser des ateliers pour que le résultat satisfasse les acteurs
et plus particulièrement les paysans. Essayons de comprendre pourquoi
?
Le responsable de la FNJR élu CNOP relate :
(( Pour les 5 premiers décrets la CNOP avait encore
des ressources financières pour inviter le gouvernement à venir
dans nos ateliers à Sélingué. Mais il y a eu des
incompréhensions sur la portée de ces ateliers de
préparation...Effectivement la CNOP a participé aux textes, mais
on doit se comprendre sur les textes de mise en oeuvre »
Je n'ai pas assisté a ces ateliers de
préparations des 5 décrets sortis aujourd'hui. Ils se sont
déroulés jusqu'en juin 2009. Ils étaient prévus et
budgétisés, dans le cadre de la convention des concertations.
Pourquoi se déroulent-ils 3 ans après le vote de la loi ? Il y
avait du temps pour les préparer ! Les rendus des consultants
engagés ne correspondaient pas aux attentes. Un membre du SP explique
:
(( Ceux qui élaborent les textes ce sont des
bureaux d'études. Par exemple par rapport au statut on a lancé
l'étude auprès d'un bureau d'étude (me donne le rapport de
ce BE) après une consultation restreinte, on a choisi le BE. On a
payé 2 M puis on a fait un atelier de validation à
Sélingué avec tous les acteurs. La première version du
texte était très mauvaise, du copié-collé. Les
premières réflexions se sont faites au SP pour avoir de la
matière ; la dernière version est a l'AN »
La CNOP confirme :
«...puis on n'a pas eu de bons consultants, on leur
disait que ce n'était pas ça qu'on leur demandait, ils nous ont
piégés. On n'a pas d'infos réelles mais des états
des lieux pas de réflexions, de pistes. On leur a même redit
pendant les ateliers, ils n'ont rien voulu savoir !»
Cette situation amène aussi à une
dé-crédibilisation de la CNOP. Un fonctionnaire du
Ministère de l'Agriculture rapporte :
((Ils ont des problèmes avec les consultants,
ça leur rapporte du financement mais pas de soutien concret dans la
rédaction des textes. Les consultants font de la littérature...
Par exemple sur les décrets la CNOP nous a envoyé des textes
de consultants. Ils avaient engagé un consultant par texte pour avoir un
document
de réflexion, puis ils se le sont appropriés,
modifiés puis nous ont convoqué nous le ministère à
Sélingué. La CNOP nous a soumis leurs projets de textes [des
consultants ?J et après ils reviennent dessus. "
Si le travail final des consultants ne contente pas
«Mais alors il ne fallait pas les payer et leur demander de
présenter un autre rapport» demandais-je
(( Ils sont payés d'avance *2M FC4+. Un accord ((
gagnant-gagnant ", je te paye de suite et tu me verses 10%. Avoir recours
à des consultants fait parti aussi des schémas en vigueur, une
façon aussi de se faire une cagnotte... 10% sont reversés au
commanditaire, c'est courant, c'est comme ça "
Les ateliers pour écrire les décrets se sont
avérés un lieu d'incompréhensions avec des documents de
consultants inappropriés. La construction concertée de la phase
élaboration semble évaporée. Il est facile d'imaginer que
les objectifs de chacun étaient différents comme par exemple
sortir des décrets coûte que coûte, sans s'occuper ou ne
plus considérer prioritaires les préoccupations paysan-ne-s ou ne
pas prendre en compte les difficultés d'application sur le terrain.
L'administration (( avait repris les choses en main " et ((on
n'avait pas le recul " dit la CNOP.
La demande est forte de remédier à ce
problème du côté paysan, de reproduire le même
processus qui avait réussi à l'élaboration, qui leur
donnait de l'autonomie et des réflexions/propositions :
(( Nous devons prendre le temps entre chaque décret
d'en discuter avec les paysans de toutes régions et les OP et encore
dans les CER puis une deuxième phase avec le ministère, puis on
s'assoit, article par article.".
Cette demande peut paraitre surréaliste. Mais la CNOP
est confrontée pour la 1ère fois à cette phase
institutionnelle et juridique. Sans expérience, avec des moyens
financiers et humains faibles, une désorganisation au sein de la
structure, cette demande peut correspondre à leurs yeux être le
seul moyen d'argumenter leurs propositions. Une réflexion de fond
devrait être menée à ce niveau là mais en même
temps ils doivent répondre aux enjeux de la mise en oeuvre maintenant.
La tâche est d'autant plus difficile que les liens avec les
régions sont faibles.
D'une année sur l'autre, lors des CSA une feuille de
route avec les futurs textes a travailler dans l'année a venir, est
validée et disponible pour tous les acteurs. Pourquoi alors n'y a-t-il
pas anticipation ? Comment sont diffusées les informations, à
qui, par qui, comment ? Quel compte rendu des mandatés pour solliciter
et motiver la base ? A ces interrogations le président de la CNOP
répond :
(( Il est difficile d'anticiper car c'est
compliqué, le processus est mal embrayé. Tout est morcelé
entre les ministères, alors pourquoi se projeter s'il n'y a pas de
retour ? C'est trop compliqué a suivre, on ne sait pas où en sont
les textes ".
Du côté administration le bât blesse aussi.
Les personnes compétentes et motivées ne sont plus là
« au temps de l'élaboration je coordonnais une équipe
d'experts du ministère, on avait des personnes ressources. »
dit un représentant du Ministère de l'Agriculture. La FAO
fait le même constat « Il y a au Mali un problème de
compétences... les textes ne sont qu'entre les mains des juristes sortis
de l'ENA. Il y a une faiblesse de l'encadrement étatique, tous les
anciens sont partis créer leur bureau d'études » donc
pour devenir consultants !
L'incapacité d'aborder les décrets pour porter
une vision commune et réaliste dans la continuité de l'esprit des
concertations, se traduit par la rédaction de textes dont le seul souci
est qu'ils soient juridiquement et politiquement corrects, oubliant la voix
paysanne. Les 3 décrets suivants vont éclairer certaines facettes
de nouvelle situation.
9.2.1 Un décret interprofession sans
présence obligatoire des paysans !
Le décret fixant les modalités de
création et d'enregistrement des organisations interprofessionnelles
agricoles N°O8-793/P-RM est sorti le 31 décembre 2008
conformément a l'article 174 de la LOA : « sont acteurs ou
intervenants d'une filière Agricole tous les agents économiques
organisés des segments de la production, de la conservation, de
l'approvisionnement, des services a la production, de la transformation, du
conditionnement, de la commercialisation et de la consommation. »
Ces acteurs peuvent se regrouper à leur initiative au sein
d'interprofessions qui visent à :
Définir et favoriser des démarches
contractuelles entre ses membres; contribuer à la gestion des
marchés, par une meilleure adaptation des produits aux plans quantitatif
et qualitatif et par leur promotion
Connaître l'offre et la demande par la collecte, le
traitement et la diffusion de l'information sur le ou les produits de la
filière
Renforcer les capacités des membres de l'interprofession
pour garantir la qualité du ou des produits
Renforcer la sécurité alimentaire sanitaire, en
particulier par la sécurité des aliments, la
traçabilité des produits, dans l'intérêt des
utilisateurs et des consommateurs
La transcription en décret se révèle
discriminante pour les paysans sur plusieurs points dont 2 mis en exergue
ici.
L'article 2 stipule en effet « que les organisations
interprofessionnelles se constituent librement, avec un nombre minimum de 2
acteurs ~. Il faudra être conforme d'ici 2 ans pour créer son
interprofession, soit fin 2010 (article 19). Il ne peut y avoir qu'une seule
interprofession par produit. Le Ministère de l'Agriculture alerte en les
interpellant fortement lors de l'atelier de concertation qu'il sera
obligé d'accepter même ce cas de figure
«...et vous n'y serez pas, les gens n'ont pas compris
la pertinence, les malins-malins oui, si les transporteurs et les
commerçants créent une interprofession riz avant les paysans, on
ne pourra pas refuser. J'encourage la CNOP, l'APCAM a réagir pour
créer des interprofessions avec des paysans, le décret dit qu'il
faut seulement 2 acteurs, il n'est pas précisé qu'il faut des
paysans... ".
Le juriste du SP confirme :
(( Par exemple pour l'interprofession, la première
réflexion était issue de l'AOPP. Ensuite le SP a fait des
modifications puis c'est passé au secrétariat du gouvernement.
Par exemple 2 acteurs c'est une question d'interprétation cela n'exclu
pas les paysans mais c'est vrai qu'on aurait du spécifier.
»
En interrogeant la CNOP sur cette aberration, la réponse
est cinglante :
(( Celui de l'interprofession c'est un instrument de
l'État, les OP n'étaient pas prêtes sauf le coton qui a mis
sur pied la première interprofession. Ce décret c'est un massacre
pour nous, nous nous y sommes pas vraiment impliqués, je ne sais pas qui
nous représentait ! » et mise sur le fait que (( Les choses vont se
corriger, car ce n'est pas opérationnel, ils vont s'en rendre compte.
»
L'article 5 ouvre aussi la porte aux non-professionnels
« la moitié au moins des représentants des exploitants
Agricoles, des transformateurs et le cas échéant des
commerçants et conservateurs au sein de l'assemblée de
l'interprofession exercent personnellement une activité dans la
production, la transformation, la commercialisation du produit ou du groupe de
produits concernés». Ainsi presque la moitié des
représentants peuvent être dans l'interprofession sans exercer
aucune des activités répertoriées. Il est aussi
précisé dans ce même article que « les
Régions produisant ou commercialisant le produit ou le groupe de
produits sont représentées en son sein »sans
spécifier leur fonction exacte.
De plus a ce jour le décret validant le statut
d'exploitant agricole n'est toujours pas opérationnel, ainsi
officiellement il n'y a pas d'exploitants Agricoles statutairement parlant!
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