D. La mise en oeuvre
9 ÉTATS DES LIEUX/ANALYSE DES TEXTES SORTIS OU
EN COURS
C'est a partir des textes sortis ou en cours que nous allons
aborder cette partie détaillant surtout le comportement des acteurs et
les failles dans le processus. Le choix d'analyser certains textes est
partisan, chacun apportant un éclairage différent sur des
dysfonctionnements en cours. Mais auparavant nous allons nous attarder sur le
budget alloué a la phase de mise en oeuvre, son montant et sa gestion
sont souvent le reflet de la volonté que l'on veut y mettre pour faire
aboutir une loi.
9.1 QUEL BUDGET POUR QUELLE VOLONTE?
(( La main qui donne est toujours au dessus de celle qui
reçoit.» proverbe africain
Il est a noter en préalable qu'il est très
difficile d'avoir une vision claire du budget. Volontaire ? Ainsi les versions
peuvent diverger-car chacun jongle avec les chiffres et leur affectation dans
le temps (pour l'année, pour 5 ans ?) et selon leur source. Le seul
document sur lequel s'appuyer c'est sur le compte rendu de la 2 ème
session du CSA du 28/04/2008. Le plan d'opération 2008 prévoit un
budget évalué a 542 000 000 FCFA et/dont 230 000 FCFA
affectés directement a la mise en oeuvre du programme des 21
activités et les acteurs concernés.
Un membre de la CIFA complémente :
(( Chaque chapitre est dispatché dans chaque
ministère. Son financement est assuré par le Ministère des
Finances, tout ce qui concerne la production, la partie activité par le
Ministère de l'Agriculture, le Ministère des Finances pour la
partie fonctionnement (fonctionnaires, locaux...) »
Des membres du SP développent :
(( Il y a une ligne budgétaire spécifique
pour la mise en oeuvre de la LOA qui est dispersée dans tous les
ministères. Au début le SP avait estimé que pour mettre la
LOA en oeuvre *partie programmation des activités+ il fallait 1 milliard
FCFA pour l'ensemble des textes, la partie législative et
l'édition/diffusion de 90 documents. Ça sur 5 ans, jusqu'en 2012.
Le premier ministre Modibo a dit que c'était trop et excessif, il l'a
ramené a 500 M. Le SP a un budget spécial investissement. Chaque
année on saucissonne. On avait 200 M en 2009 et 100 M en 2010. Cet
argent est destiné a la diffusion et a l'élaboration de textes
»
(( Le budget cette année est de 100 M et il y a 5
salariés dessus. Et on n'a toujours pas d'agroéconomiste c'est
aussi pour ça qu'on a recours aux consultants. Les 100 M je ne les
gère pas directement ils sont a la Direction des Affaires
Financières du Ministère de l'Agriculture et je leur demande
à chaque fois. ».
Un point est sûr en tout cas : le budget alloué
à la LOA est en baisse. Mais peut-être que le peu de
résultats obtenus encourage cette tendance et/ou est ce un moyen
politique de freiner la mise en oeuvre de la LOA?
Un autre problème est aussi soulevé :
(( On a besoin des bailleurs de fonds, des partenaires un
État pauvre n'n'a pas le choix. La partie politique foncière peut
commencer car Monsieur Cavanna de l'AFD est un bailleur de fond qui intervient
sur le thème de la politique foncière. Il prend en charge les 2
consultants prévus et le voyage d'étude ...L'État n'a pas
les moyens...c'est le lot des pays pauvres on cherche souvent des partenaires.
»
La recherche de financement -qui subordonne commanditaires et
donneurs - mais aussi de consultants, prend du temps mais paradoxalement
apporte de l'argent. Cela fait peut-être aussi parti des freins de la
dynamique et/ou d'un choix délibéré de ne pas travailler
directement avec les acteurs impliqués, qui eux demandent toujours des
moyens.
La CNOP avait fait un devis de 141 M pour l'ensemble des
concertations pour la mise en oeuvre mais la réponse du Ministère
de l'Agriculture est claire. « On ne peut pas sortir 141 M. En 2004 on
a cherché des ressources un peu partout puis l'État a
complété mais on a encore moins de ressources aujourd'hui.
». Il offre une porte de sortie « Il faut identifier les
problèmes, les sectionner, prendre la main, ensuite le coude et
l'épaule ».
LE COÛT DES ATELIERS
(( Un texte législatif est estimé à 5
millions FCFA : 2 millions FCFA pour les textes [élaborés par des
consultants], 3 millions FCFA pour les ateliers»
Quand les ateliers sont organisés à Bamako, tous
les participants y compris les fonctionnaires touchent 3000 FCFA/jour. Le repas
du midi et les pauses sont pris en charge en général. Le repas du
soir et l'hébergement sont à charge. Ainsi seuls les
administratifs vont à ces réunions. Toute personne
concernée habitant loin ne se déplace pas sauf à
être pris en charge par sa structure, ce qui pose problème pour
les paysans.
S'ils sont organisés en région pour la CNOP
c'est a Sélingué*, pour l'administration a Ségou les per
diem s'élèvent a 15000 FCFA/jour. Donc suivant le demandeur, les
frais d'atelier varient et influent sur la décision de financer ou pas,
ou permet de soutenir ou pas tel ou tel acteur.
*~ 100km de Bamako, c'est un centre de formation paysan
géré par la CNOP, né en 2007 lors d'un forum
«Pour le processus d'élaboration de la mise en
oeuvre, le budget est passé au SP alors que la LOA était notre
leadership» dit un membre de la CNOP illustrant ce revers de situation -
des relations de partenariat perdues qui existaient avant avec
l'État..
Selon une réflexion d'un des membres du CIFA
(( Diarra n'était pas là au départ
*n'a pas connu le processus de financement lors de l'élaboration+ et en
plus maintenant c'est lui qui gère le budget donc il est en permanence
sollicité par les départements, [peut être entrainé
dans la corruption en off] mais ne donne plus rien à la CNOP. Les
départements organisent leurs ateliers à Bamako où les
gens viennent pour les per diem ! C'est une erreur fondamentale grave... c'est
un des facteurs clef du changement dans le processus ».
Au moment de l'élaboration une ligne budgétaire
avait été affectée spécialement à la LOA
dont une part avait même été transférée, via
une convention, puis gérée directement par la CNOP pour les
concertations. Lors de la mise en oeuvre le financement devient objet de
convoitise et de pouvoir, non plus un moyen pour faire avancer la loi. Chacun
doit aller quémander pour organiser des ateliers, avoir recours à
des consultants, faire des voyages d'études. Les estimations des besoins
sont faites par le SP lui-même pour les ministères ou autres
acteurs, en fonction de la feuille de route du CEN. Pourtant ce travail ne
semble pas fait si l'on en croit la réflexion du Ministère de
l'Agriculture, interpellant de vive voix le représentant du SP pour
répondre aux paysans, qui se plaignaient de ne plus être
financés pour les ateliers :
(( Vous devez aussi évaluer le coût du texte et
le faire acter sur les lignes budgétaires [validé 1/an lors du
CSA], en prenant en compte les demandes ».
Cela signifierait que ce n'est pas fait et qu'il n'y a pas
d'anticipation pour organiser la concertation a différents niveaux et
avec tous les acteurs malgré ce qui est dit au CSA et dans les textes.
Pour le SP il faut avancer sur les décrets en faisant des études
et des consultations en cherchant des partenaires techniques et financiers le
plus possible hors financement prévu dans la LOA. Mais est ce le
coût (voir encadré) ou la volonté qui freinent ?
«De toute façon c'est l'État
maintenant. Le fond du problème, au début les OP étaient
au coeur du débat, c'est venu de la base, mais maintenant c'est
l'État qui prend sa place. On se donne les moyens au niveau de
l'État pour faire les textes. C'est le rôle de l'État, ses
missions régaliennes. Il faut comprendre ça ! On n'a besoin de
personne pour écrire les décrets ! Il y a 2 phases
différentes. On s'est mis d'accord au moment de l'élaboration,
maintenant c'est a l'État d'appliquer ... Faut-il sortir 100 ou 200 M
à chaque décret pour faire de la concertation ?»
s'exclame le SP.
La version semble différente au Ministère de
l'Agriculture :
« Ils [le SP] ont 180 M de budget, il y a
peut-être un problème de management. Ils ont de l'argent mais pas
les capacités humaines. En 2010 ils devraient avoir 120 M.
Divisés par le nombre de décrets sortis, y a les moyens ! Un
atelier ça coute 5 M, on peut faire beaucoup d'ateliers ! Leur mission
c'est de sensibiliser, de diffuser...pas de décider pour les ateliers.
»
Pourtant même sans convention actuellement pour la mise
en oeuvre- mais cela va peut-être se faire- les OP devraient pouvoir
avoir accès a d'autres sources de financement car selon le
Ministère de l'Agriculture « Normalement ils ont du financement.
L'APCAM a une forte subvention pour ça et elle doit soutenir et appuyer
les OP ». Si les circuits de financement sont à priori en place,
ceux qui tiennent le porte-monnaie semblent peu enclins à soutenir la
CNOP.
Pour la FAO ce n'est pas un problème d'argent «
Pour les OP ce n'est pas qu'une question de moyens, ils mettent tout sur les
moyens, c'est en faire un problème mais quand ils sont
interpellés dans les réunions *CSA, CEN] ils ne font pas de
propositions. Le niveau de représentation est tellement bas dans les
réunions. ».Ce mutisme serait du au fait selon les paysans «
qu'on ne peut pas consulter la base, porter leur parole car on a plus le moyen
et parfois le temps d'organiser des concertations internes. » Mais aussi
du a l'opacité du processus, aux problèmes entre l'APCAM et la
CNOP et internes à la CNOP comme nous le verrons plus loin.
Au-delà des chiffres, on peut en déduire qu'il y
a d'un côté des freins -sciemment mis ?- pour financer les OP du
côté du SP et APCAM alors que le Ministère de l'Agriculture
semble aller dans l'autre sens. Est-ce un jeu entre eux ou un réel
différend ? De toute façon personne ne tranche. Les OP sont
démunies, ne remplissent pas leur rôle.
Le rôle des OP semble s'amenuiser dans la phase de mise
en oeuvre. Effectivement les 5 décrets déjà sortis et pour
lesquels la CNOP avait organisé des ateliers ne satisfont pas. Suivre
les textes en cours relève d'un exercice impossible. Alors comment et
où intervenir pour être efficace ? Cela est-il possible dans la
confusion qui règne? Le panorama des activités prévues et
réalisées va nous permettre de mieux appréhender les
difficultés a s'insérer dans le processus.
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