8.1.2 La souveraineté alimentaire
La souveraineté alimentaire apparait dès
l'article 3, la LOA «vise a garantir la souveraineté alimentaire et
a faire du secteur Agricole le moteur de l'économie nationale en vue
d'assurer le bien-être des populations». Sa définition est
inscrite comme suit :
39 une mesure spécifique dans le cadre de la
maîtrise de l'eau du plan d'action CEDEAO/ECOWAP 40DIARRA
Tiéoulé, professeur de droit à la Faculté
d'études juridiques et économiques de Bamako
41 voir dans paragraphe 9.2.2
(( droit pour un État de définir et de
mettre en oeuvre une politique agricole et alimentaire autonome garantissant
une agriculture durable basée sur les productions locales et la
responsabilisation des producteurs qui disposent à cet effet, de moyens
appropriés, notamment la terre, eau, crédit,
marchés.»
Elle est bien différenciée de la
sécurité alimentaire qui « s'entend par la
disponibilité et l'accessibilité en tout temps et en tout lieu de
produits alimentaires et de qualité pour la satisfaction des besoins
énergétiques et des préférences alimentaires pour
mener une vie saine et active ». La souveraineté alimentaire fait
aussi l'objet de tout un chapitre de 5 articles dans le TITRE III dont
l'article 51 :
(( La souveraineté alimentaire constitue la ligne
directrice de toute la politique de développement Agricole. La
sécurité alimentaire est une dimension de la souveraineté
alimentaire ».
Cette vision, apportée par la CNOP, reconnue par
l'État, enthousiasme un paysan:
«C'est la première fois qu'est inscrit la
souveraineté alimentaire dans une loi agricole dans le monde ! Et il est
inscrit clairement de soutenir la production alimentaire et les
EAF».
Un représentant du Ministère de l'Agriculture
approuve :
(( En 2004 cette notion était peu
développée, la CNOP a apportée la vision de la
souveraineté alimentaire. D'afficher pour le gouvernement cette vision,
un programme pour les personnes et le pays, ça était une notion
essentielle, il faut aussi se donner les moyens, on a innové.
»
A noter que la souveraineté alimentaire est aussi
actée au niveau de la CEDEAO. On peut en déduire que les forces
paysannes au niveau de l'Afrique de l'Ouest oeuvrent dans le même sens et
se font entendre. Pourtant rien n'est gagné sur le terrain et des
questionnements subsistent posant l'articulation entre les différents
niveaux politiques
(( Comment mettre en oeuvre une politique agricole
décidée au niveau de la CEDEAO plutôt basée sur le
concept de souveraineté alimentaire et que la même structure
s'apprête a signer les accords APE qui sont basés sur un accord de
libre échange total, sur un autre modèle ? »42
D'ailleurs leur conviction et détermination ont
porté puisque, chaque OP dans son pays, a réussi à
mobiliser et la CEDEAO n'a toujours pas signé les APE. Mais la menace
est toujours là : A. OUEDRAOGO (2010) ancien directeur a l'OMC et
conseiller a la CEDEAO dévoile :
«L'Europe tente actuellement d'imposer ces accords
par la force *chantage sur les aides au développement+, au
détriment du dialogue, ...s'ils étaient finalisés dans la
version actuelle, ils priveraient les pays ACP d'instruments de politique
essentiels a leur développement. A l'opposé des objectifs
initiaux ils auraient pour effet de compromettre l'intégration
régionale, en aggravant la pauvreté et en empêchant les
pays de diversifier leurs productions et s'affranchir de la dépendance
vis-à-vis des produits de base ~
Le lait transformé nous éclaire
concrètement sur le sujet. Lors du Conseil Supérieur de
l'Agriculture de 2008, le chef de l'État a évoqué la
filière lait. Le Mali produit 600 000t de lait/an c'est insuffisant
d'autant qu'il est peu transformé sur place, impliquant une facture
annuelle d'importations de 15 à 20 milliards FCFA. Le problème
est lié aux tarifs douaniers faibles qui dépendent des
négociations APE au niveau sous-régional « .il est clair
qui si les pays du Sahel veulent développer leur filière lait,
ils doivent mettre les produits laitiers dans le nouvelle bande tarifaire du
tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO, dont le taux est à
35%»43.
42 N'DIOUGOU FALL, ROPPA
43 OUEDRAGO, 2010
Avec la souveraineté alimentaire affichée haut et
fort dans la LOA, le Mali pourrait aussi prendre cette décision et/ou
influer au niveau de la région.
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