Stratégie des acteurs lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la Loi d'Orientation Agricole (LOA ) au Mali( Télécharger le fichier original )par Chantal Jacovetti Supagro Montpellier institut des régions chaudes - Master acteur de développement rural 2010 |
7.4 L'OFFICIALISATION DES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT ET LA CNOPMaintenant il fallait officialiser le rôle des OP. Il devenait nécessaire que la CNOP soit reconnue comme l'interlocutrice porteuse de la parole paysanne. Elle a été enregistrée comme structure syndicale selon les textes législatifs le 26/11/2004, même si elle était organisée depuis 2002. L'État pouvait alors déléguer les concertations et le budget y afférant. «C'est là qu'on a fait le choix des interlocuteurs entre l'APCAM, l'AOPP et la CNOP. Donc la CIFA a balayé les différentes OP qui existaient. L'APCAM, en tant que structure parapublique et par ce statut juridique elle ne pouvait pas être la voix des paysans de terrain mais elle pouvait participer au débat. L'AOPP était une organisation qui regroupait les paysans et les professionnels en son sein. C'est-à-dire qu'il y avait des coopératives, des syndicats, des associations, des OP faitières etc. il y a donc des clivages internes, des risques de prises de pouvoir, des intérêts parfois divergents, cela risquait de fausser le débat. Par contre elle est très bien implantée sur le terrain. Elle pouvait être la structure qui s'occupe du dispositif sur le terrain avec l'aide des Chambres d'Agriculture. La CNOP était la meilleure car elle était neutre, avait la capacité scientifique et les dirigeants les mieux écoutés par la base. La CNOP, c'est le cerveau de l'AOPP, c'est l'organe politique, le coordinateur, l'animateur du débat sur la LOA. C'est pour ça que le gouvernement l'a désigné. Nous voulions éviter les conflits et nous avons déterminé à chacun son rôle. » Un responsable de la CNOP corrobore ce choix, de leur confier la concertation pour que la LOA soit réellement le reflet des paysans de base : « ATT a demandé le point de vu des producteurs. Nous lui avons dit nous sommes représentatifs [la CNOP] mais ce qui est important c'est la base, on veut retourner expliquer a la base. C'est comme ça qu'ATT nous a dit qu'on avait qu'à piloter nous-mêmes la concertation, que ce ne soit pas les fonctionnaires comme d'habitude, qui ont bataillé dur contre ça. ». 7.5 UN BUDGET POUR LA CNOP «LES FINANCES NE POUVAIENT PLUS RESPIRER ! »Au moment du budget, les fonctionnaires se sont montrés encore une fois récalcitrants. Un responsable de la CNOP affirme : « Mais ATT et la CIFA sont restés fermes face au Ministre de l'Agriculture de l'époque Seydou TRAORE qui voulaient que ce soient les départements donc les fonctionnaires qui pilotent. Ils disaient que les paysans ne pouvaient pas mener ce genre de concertation, ATT leur a répondu que s'ils ne peuvent pas ils ne pouvaient plus rien réclamer ! » Le défi était lancé et il était de taille ! Ils devaient prouver leur capacité à transmettre, à gérer et le gouvernement leur en donnait les moyens. Un fonds spécial a été créé au niveau du Ministère des Finances Mais là aussi la réaction fut virulente. Un des responsables de la CIFA explique : « Il ne voulait pas que la CNOP le gère, arguant qu'ils étaient analphabètes, il les méprisait. Je lui répondais qu'ils savaient gérer. Tous les milliardaires du Mali sont analphabètes, ils sont paysans, éleveurs. L'analphabétisme n'est pas un critère de gestion. Il a fallu batailler et même lui dire de taire sa vision. Il a compris à la fin .Les Finances ne pouvaient plus respirer.». Cet accrochage est aussi relaté du côté paysan et éclaire sur la captation de budget par les départements ministériels: « ATT a dit OK pour l'argent directement a la CNOP. Le Ministère des Finances a dit qu'il ne pouvait pas payer 300 M FCFA alors que le Ministère de l'Agriculture avait fait un devis de 700 M FCFA et qu'il était prêt a les payer. Il y avait une forte méfiance envers les producteurs, ils disaient qu'on était incapable de mener les concertations. Ça a couté moins de 200 M FCFA ». Une convention entre la CNOP et l'État a été signée. La CNOP a su aussi mobiliser des moyens via le ROPPA et le bureau de la Coopération Suisse du Mali pour des actions liées directement à la LOA et pour la CNOP pour l'édition du Mémorandum paysan ou des réunions internes. |
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