3.4 LE FONCIER, UNE URGENCE DE SECURISER El D'AMENAGER LES
ESPACES FONCIERS
« Parmi les bombes qui menacent le pays, la bombe
foncière est la plus imminente et la plus dangereuse » Adam THIAM
19.
L'une des premières chartes des droits fondamentaux,
est née au Mali La Charte du Mandé. Proclamée par
l'empereur Soundata Keita le jour de son intronisation en 1222, elle affirme
des droits contre la famine et l'esclavage tout en assurant la maîtrise
et le contrôle de son territoire.20
«Le foncier l'un des enjeux fondamentaux du nouveau
siècle, s'impose aujourd'hui comme le facteur de production le plus
limitant *...+ pour nos économies qui demeurent fortement rurales...
L'augmentation notable de la population humaine et animale fait que la pression
sur les ressources foncières, qui était relative dans beaucoup de
nos contrées tend a devenir absolue dans des zones de plus en plus
nombreuses... La pénurie de plus en plus absolue des ressources engendre
entre les populations des conflits de plus en plus fréquents *...+ Les
politiques mises en route, sous la double pression de l'urbanisation croissante
et de la mondialisation, tendent à la dépossession des
communautés du contrôle de la terre, et donc du contrôle de
leurs conditions de vie » C. COULIBALY (1er trimestre
2003
Sécuriser et aménager les espaces fonciers sont
un souci permanent. Entre changement climatique et appauvrissement des sols,
agriculteurs et éleveurs, zone aménagées et non
aménagées, investisseurs en production agricole, agro-carburants,
mines, forêts et paysans/villageois, se traduisent par de l'expulsion, de
l'insécurité, jusqu'à mort d'hommes, environ 200/an.
Cette situation est dénoncée par l'AOPP dans un
livret sur La question foncière au Mali (2004). Ce diagnostic
participatif était coordonné par l'Université Mandé
Bukari. Le comité de pilotage rassemblait des représentants de
l'État centralisé et décentralisé et l'AOPP pour
aider la Cellule de Planification et Statistique a clarifier le rôle des
différents acteurs du foncier rural. Une des conclusions était de
faire la « relecture des législations foncières en vigueur
et l'élaboration concertée d'une politique des gestion pacifique
et durable des ressources foncières dans le sens de la modernisation de
l'agriculture familiale et paysanne~.
3.4.1 Un mille-feuille de lois ingérable
A ce jour tout est confusion et superposition. Les lois dites
modernes héritage des lois coloniales sur le principe des « terres
vacantes et sans maitre », sont toujours en vigueur :
« Il est vrai que le Code domanial et foncier a
clairement établi que toutes les terres appartiennent a l'État
qui, après immatriculation peut les céder à qui de droit
»
Pour le moment il les gère a sa guise et n'a
procédé a aucune immatriculation. Les lois coutumières
voire religieuses doivent être répertoriées et devraient
faire aussi l'objet d'un examen critique. Le débat se situe aussi entre
accaparement et/ou privatisation des terres et gestion collective avec droits
d'usage et ayantdroits. Il repose autant sur les valeurs culturelles que sur
une expression juridique équitable et applicable. Les lenteurs -des
dossiers sont en cours depuis 30 ans !- et le coût des recours juridiques
rebutent les gens pour régler les conflits au tribunal en qui la
confiance d'une juste décision est peu probable. Il a été
relevé plusieurs fois que des magistrats, des assesseurs sont soit
incompétents soit facilement achetables. Ils se contentent des «
papiers magiques » acquis illégalement par des «
commerçants, fonctionnaires qui s'emparent de terrains agricoles en
exploitant leur maîtrise des rouages administratifs et des
législations en vigueur ou en corrompant les gestionnaires
traditionnels»21, tandis que l'État
« peut légalement apurer les droits coutumiers
19 Journaliste, article de Le Républicain du 12 mars
2010
20 François Collart Dutilleul, entre politique alimentaire
et foncière : quel droit pour quel développement
21 extrait du discours d'ATT aux
États-Généraux du foncier de décembre 2009
et céder les terres a de gros opérateurs
privés~. Dans les deux cas c'est «contre des dédommagements
infimes et non négociés», quand ils existent ! L'appel des
paysans de l'AOPP en 2004 est clair et responsable
«Le traitement de la question foncière demande
des réformes courageuses guidées par une véritable
ambition politique...Il est temps pour l'État de faire un choix
stratégique explicite: celui de la sécurisation foncière
de l'exploitation familiale paysanne et de la gestion
décentralisée du foncier rural et des ressources naturelles... le
rôle de l'État est non moins important : il doit endosser le
rôle d'arbitre, garant des droits et des devoirs de chacun à
chaque niveau.»
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