B) Impliquer l'art dans la médecine n'a rien
d'un phénomène nouveau, toutefois l'approche
véhiculée par l'art-thérapie apporte une
originalité et une complémentarité dans le programme de
soins du patient.
1) L'art intimide par les aspects complexes et
élitistes de sa définition, ressentis comme tels par l'opinion
publique.
Parler d'art aujourd'hui, alors que son existence et sa
pratique ne s'est jamais autant « démocratisée » dans
les civilisations industrialisées, continue de susciter le
mystère et une certaine froideur à l'égard de la
population française. Même si l'on sait « vaguement »
à quoi l'on fait référence, il reste néanmoins ardu
pour une personne non-initiée de définir clairement et simplement
ce qu'est l'art. Et cela est tout à fait compréhensible, quand on
sait que l'art, depuis son sens premier délivré dans
l'Antiquité, n'a cessé d'être discuté,
retravaillé, affiné, et contredit jusqu'à notre
époque. Actuellement, on pourrait la définir comme « un
moyen nonconventionnel d'expression ». À travers les productions
artistiques (peintures, sculptures,
musiques...), les artistes expriment leur
représentation du monde face au monde lui-même, suscitant des
ressentis*, des émotions*, parfois des réflexions de la part des
spectateurs. L'art est fondamentalement lié à l'être
humain, mais tout être humain n'est pas nécessairement lié
à l'art. Nous avançons ici l'idée de sensibilité
artistique, cette capacité de contemplation* et de création* si
particulière qui se manifeste (ou non) à différents
degrés chez les individus. C'est ce qui va démarquer des autres
les bons critiques d'art, les grands peintres, écrivains,
comédiens, même le plus humble des amateurs d'art. C'est aussi sur
ce point que se pose une attitude distante, tantôt idolâtrique,
tantôt discriminatoire du peuple envers les artistes. Ces artistes sont
vus en quelque sorte comme des << élus », des individus
hors-norme, géniaux, capables d'exprimer, mais aussi de communiquer des
choses d'une façon originale (techniques utilisées et forme de
l'oeuvre*) et profonde (le sens, le fond de l'oeuvre) au monde
extérieur. Pour illustrer cette idée de statut
privilégié de l'artiste, nous avions eu l'occasion, au cours
d'une exposition d'oeuvres abstraites d'un célèbre artiste
chinois, dans un prieuré de Tours, de discuter de ce statut avec une
dame d'une cinquantaine d'années, grande férue de ce genre
d'événements. Selon cette personne, << l'artiste est un
être pourvu d'une grande spiritualité, et qui ne se mélange
pas avec la masse commune. Ces pauvres gens ne pourraient pas le
comprendre ». Outre le caractère sensiblement << snob
» de son discours, on peut aisément constater que la distance se
maintient aussi bien du côté des esthètes que des gens pour
qui l'art ne signifie rien ou pas grand chose ; et cela est fort dommage. De
plus, les ouvrages intellectuels qui traitent de l'art, de son histoire et de
ses réflexions sont d'une considérable complexité et
rebuteront la plupart des personnes qui ne sont pas initiées dans ce
domaine.
Si nous venons ici de présenter un aperçu
synthétique de ce qu'est l'art aujourd'hui dans son sens le plus large,
nous allons opter maintenant une approche épistémologique* de
l'art, afin d'en tirer son histoire et ses subtilités,
nécessaires à la compréhension des modalités qui
font que l'art puisse s'imbriquer dans le processus thérapeutique.
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