B) Mme B, 84 ans, atteinte de troubles neurologiques
modérés a été indiquée vis-à-vis d'un
retrait relationnel dû à une défaillance des repères
spatio-temporels.
2) Il est nécessaire d'expliquer avant tout la
situation problématique et les troubles dont est atteinte Mme A. pour
mieux comprendre son état physique et psychique au regard de
l'expérience art-thérapeutique.
Mme B est une patiente de l'U.S.S.R. depuis 3 mois. C'est
l'une des deux assistantes sociales de l'établissement qui est venue
à la rencontre des animatrices et de l'art-thérapeute stagiaire
afin de réfléchir à un projet qui pourrait permettre
à Mme B de se socialiser avec les résidents des autres
étages, à travers les activités collectives d'animation.
En temps normal, les animatrices n'interviennent que dans l'U.S.L.D. (la partie
EHPAD de l'hôpital), mais il arrive de temps à autre
d'intégrer quelques patients de l'unité de soins de suite aux
activités d'animation. Certaines activités (spectacles,
pique-nique) intègrent même les deux unités.
Pourquoi indiquer Mme B ? Sa situation, tant sur le plan
psychologique que sur le plan social, est délicate et assez
précaire. Mme B vivait dans un appartement d'une
agglomération voisine, et de façon assez
recluse. Elle a été hospitalisée à cause d'une
chute, heureusement sans séquelle physique sérieuse, puis a
été transférée dans cette unité pour
effectuer la convalescence. Toutefois, Mme B continue de résider dans
l'unité bien après la fin de sa convalescence, et pour plusieurs
raisons. Tout d'abord, une raison sanitaire, car Mme A présente des
troubles neurologiques modérés, dont les principaux champs
atteints concernent ceux de la mémoire autobiographique,
spatio-temporelle, ainsi que des troubles du langage (compréhension et
expression verbales), qui ne permettent pas son retour au domicile sans une
aide tierce quotidienne. Mais il y a aussi une raison socio-juridique :
L'établissement ne dispose que de peu d'informations sur Mme B (son
identité, sa famille, ses papiers) et aucune piste sur un
éventuel contact avec sa famille n'a donné de suite. A cela
s'ajoute également une raison financière : Mme B n'a pas les
ressources nécessaires pour payer les factures de son séjour en
hôpital, qui continuent quotidiennement de s'alourdir ; et la situation
est d'autant plus inquiétante qu'il est impossible de joindre la moindre
de ses connaissances pour discuter de ce problème, et la patiente n'a
pas été en mesure de fournir des informations efficaces. Donc,
Mme B se trouve dans une situation extrêmement précaire, bien que
l'assistante sociale et ses partenaires fassent le maximum pour mettre un terme
à ce problème.
« Mme B ne comprend pas ce qu'elle fait ici, pourquoi
elle n'est pas chez elle », a dit l'assistante sociale aux animatrices et
à l'art-thérapeute stagiaire. « Toute la journée elle
s'ennuie et est terrorisée à l'idée de ne pas savoir
où elle sera demain. Nous, nous faisons la maximum pour la garder le
plus longtemps possible parmi nous, car vu son état de santé, ce
serait irresponsable de la laisser rentrer chez elle. Je vous demande donc, si
c'est possible, de l'intégrer aux groupes d'animation, ça lui
changerait les idées et pourrait calmer son angoisse. C'est une dame
tout à fait charmante, mais qui a beaucoup de mal à comprendre et
à s'exprimer sur pas mal de choses. »
Les animatrices et l'art-thérapeute stagiaire se sont
mises d'accord pour que cette dernière mette en place une prise en
charge art-thérapeutique individuelle, afin d'avoir une relation
privilégiée avec la patiente dans un premier temps, et lui
permettre de se familiariser en douceur avec l'institution et ce qu'elle est
susceptible de lui proposer (nous entendons par là tout ce qui ne
relève pas des soins médicaux classiques de l'hôpital), ce
qui pourrait calmer l'état d'anxiété et d'ennui dans
lequel elle se trouve.
L'art-thérapeute stagiaire a fait part de ce projet au
personnel soignant du troisième étage, qui a tout de suite
souligné l'intérêt de la prise en charge de cette patiente,
et donné leur accord.
Revenons maintenant en détail sur la
personnalité de Mme B et de ses troubles. La patiente a
énormément travaillé durant sa vie comme femme de
ménage ; le travail est d'ailleurs une thématique de discussion
récurrente chez elle. Elle a également connu un long passé
éthylique, mais elle n'éprouve plus aujourd'hui un quelconque
besoin de boire de l'alcool. Mme B aime particulièrement l'ordre, le
rangement, et le calme. Cependant, Mme B n'arrive pas à établir
de repères stables depuis qu'elle est arrivée à
l'hôpital de l'Ermitage. Ses troubles neurologiques sont tels qu'elle
n'arrive pas (ou presque pas) à se souvenir de la date du jour, du lieu
où elle se trouve, du numéro de sa chambre, des intervenants qui
lui rendent visite quelques instants, ou quelques heures auparavant. Une
atteinte de la mémoire à court terme a été
diagnostiquée, qui peut être expliqué par les effets
néfastes dûs à l'abus d'alcool. Mme B est sujette à
des troubles nerveux qui se manifestent en légères secousses de
la tête et des doigts, très fréquemment quand elle n'arrive
pas à formuler de phrase pour communiquer. Mme B occupe une chambre
double, elle est donc souvent accompagnée d'une autre patiente ; mais
elle ne s'investit dans aucune relation. Elle passe ses journées
à regarder nerveusement à travers la fenêtre, en silence.
Elle est toutefois capable de se lever et de se déplacer seule sans
l'aide d'un tiers, humain ou matériel.
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