II ) Le projet art-thérapeutique a pu se mettre
en place avec deux patientes souffrant d'exclusion, révélant des
expériences et des résultats bien distincts.
A) Mme A, 83 ans, atteinte de la maladie d'Alzheimer a
été indiquée vis-à-vis d'un retrait relationnel
doublé d'un comportement dépressif.
1) Il est nécessaire d'expliquer avant tout la
pathologie dont est atteinte Mme A. pour mieux comprendre son état
physique et psychique au regard de l'expérience
art-thérapeutique.
Avant de nous pencher sur la personnalité de Madame A,
ainsi que sa rencontre avec l'art-thérapeute, nous allons évoquer
de façon synthétique les caractéristiques de la maladie
d'Alzheimer. C'est une neuro-dégénérescence du cerveau
chez l'adulte. Elle appartient à la famille des démences*, il
s'agit même aujourd'hui de la forme de démence la plus courante
(24 millions de personnes atteintes dans le monde selon l'O.M.S., et environ
800 000 personnes en France, selon le gouvernement français). Cette
maladie consiste en une inflammation et une destruction des neurones,
provoquée par la sécrétion de protéines anormales
(la protéine Tau, habituellement impliquée dans la consolidation
structurelle du neurone) qui agissent sur deux plans : elles étouffent
les connexions synaptiques (la partie de du neurone où les informations
avec d'autres cellules ont lieu via la circulation d'une substance chimique
appelée neurotransmetteur), et détériorent aussi la paroi
axonale (l'axone se fragilise et perd de son intégrité. Le
neurone, devenu vulnérable et isolé du reste du système
nerveux, meurt. Il faut savoir que les cellules cérébrales ne
sont pas renouvelables, donc toute lésion est irréversible.
Concernant la maladie d'Alzheimer, ces lésions
entraînent principalement des pertes de la mémoire, des
facultés langagières, motrices, ainsi que des troubles du
comportement. Ce sont d'ailleurs les symptômes qui permettent de
diagnostiquer la maladie. Le médecin dispose de tests spécifiques
pour ce diagnostic. Souvent, la personne malade n'a pas conscience de sa
maladie, et minimise fortement la manifestation des symptômes (petits
oublis, légères maladresses, << rien de bien méchant
»). Toutefois, cela est bien perçu et ressenti dans l'entourage du
malade ; et souvent mal vécu. S'occuper d'une personne anosognosique*
est délicat, d'autant plus si elle fait partie de la famille. Cela
implique souvent des conflits relationnels, un comportement réfractaire,
opposant, voire violent envers les soins. L'aidant* doit trouver des
stratégies pour mener à bien ses objectifs envers le malade, mais
n'est pas toujours bien formé, ou n'a pas la disponibilité
physique ou psychologique nécessaire pour mettre ces stratégies
efficacement en oeuvre
C'est pour cela notamment que de plus en plus de structures,
entre autres grâce au << Plan Alzheimer 2008-2012 » mis en
place par le gouvernement, se forment dans l'accueil et l'hébergement de
ces personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (et démences
apparentées). Certains établissements sont même
réservés exclusivement à ce public. Toutefois, aucun
traitement n'existe pour guérir la maladie (certains médicaments
sont tout de même prescrits dans le but de << freiner » son
évolution) ; et ce qui la cause reste encore inexpliqué. La
maladie touche principalement les personnes de 65 ans et plus, mais elle peut
être diagnostiquée dans de rares cas dès 40 ans. Sa
durée moyenne d'évolution (la fin correspondant au
décès du patient) est de 7 ans, mais reste variable et peut durer
plus d'une quinzaine d'années chez certains. Cette variabilité
d'évolution pose éventuellement des difficultés dans
l'établissement d'un plan de soins à long terme, car on ne sait
pas à quelle vitesse le cerveau va se dégrader, ni comment la
personne va réagir face à ces bouleversements ; c'est pour cela
qu'il faut accompagner le malade au quotidien, l'entendre, et stimuler de
façon optimale ses capacités résiduelles, afin de
maintenir au mieux et le plus
longtemps possible son autonomie, lui prodiguant une
qualité de vie aspirant au confort et la dignité. Et bien qu'on
puisse parfois amener le malade à réacquérir de modestes
connaissances et aptitudes, la prise en charge d'une personne atteinte de la
maladie d'Alzheimer s'inscrit davantage dans le cadre des soins de confort,
plutôt que le cadre des soins curatifs. L'objectif global de soins est
d'aider la personne à mieux vivre sa maladie.
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