B- Organisation participative du scrutin.
L'organisation d'un scrutin, du moins dans sa phase pratique,
va de l'établissement de la liste électorale à la
proclamation des résultats. Les différentes forces politiques se
partagent les tâches à tous les niveaux de la chaine
d'organisation du scrutin, dans le souci d'assurer la transparence des
opérations électorales. Les codes électoraux
précisent la composition de la structure en charge de l'organisation des
élections, de ses démembrements départementaux
jusqu'à ceux des bureaux de vote61.
Cette répartition est souvent paritaire Pouvoir
/Opposition ou
proportionnellement à la représentation des
partis ou coalitions de partis sur le chéquier politique
national62. En marge de ces membres des partis politiques qui jouent
un rôle actif au sein de la structure organisationnelle du scrutin se
trouvent des représentants de ces partis souvent appelés
délégués des partis et plus passifs, qui jouent le
rôle d'observateur dans les bureaux de vote.
59 Les élections législatives
d'octobre 2007 et celles présidentielles de 2010 au Togo moins
contestées et approuvées par la communauté internationale
du fait de l'adoption consensuelle du code électoral est l'illustration
de l'hypothèse.
60 Cas ivoirien où le Président GBAGBO
évoque la constitution ivoirienne alors que ses adversaires font
référence aux dispositions des différents accords
politiques.
61 L'opposition participe à la cogestion de
la commission électorale et souvent la parité est
respectée dans la composition comme au Mali et au Burkina Faso, et des
fois l'opposition est majoritaire comme c'est le cas au Bénin.
62 Voir POKAM (H.de P.) : Les commissions
électorales subsahariennes : analyse de leurs enjeux et de leurs usages
par les acteurs politiques au cours du processus d'invention de la
neutralité électorale, www.cairn.info consulté en
mai 2010.
Parallèlement à cette implication de tous les
acteurs dans l'organisation du scrutin, prend part de plus en plus actif, la
communauté internationale dans l'organisation des processus
électoraux, en Afrique, en particulier.
A l'expérience, cette pratique semble bien
réussir et est donc à l'actif des hommes politiques
africains63. L'implication des tous acteurs politiques a permis
à chacun de mettre à contribution son expérience. Ceci a
conduit à apporter des solutions, non les moindres, aux
difficultés rencontrées lors des élections en Afrique
même si le défi à relever reste encore immense dans
certains pays.
S'agissant du gonflement des listes électorales ou des
omissions sur celles-ci, l'enregistrement biométrique des
électeurs a permis dans certains Etats d'Afrique francophone, de
corriger cette imperfection. L'adoption des bulletins uniques
séquentiels, la transmission des résultats par voie satellitaire,
l'acceptation de ces résultats par les candidats perdants64
et la certification des résultats par la communauté
internationale65 sont autant d'efforts consentis par les acteurs
politiques africains pour l'organisation des élections libres,
honnêtes et transparentes qui participent à l'enracinement de la
modernité. Le Bénin et le Mali pour ne citer que ceux-là
font ainsi office de meilleurs élèves en matière de la
démocratie électorale sur le continent même si le scrutin
présidentiel béninois de 2011 a replacé la question de
l'instabilité des régimes africains au centre du débat.
Des efforts considérables sont mis en oeuvre pour
assurer un déroulement honnête, régulier et impartial des
élections par les pouvoirs publics appuyés par la
communauté internationale, en témoignent les réformes des
codes électoraux, les multiples missions d'observation des
élections par les Etats partenaires et les organisations
internationales.
Mais s'en tenir à ce seul aspect reviendrait à
ne voir que l'arbre qui cache la forêt. Il est tout de même
indéniable qu'en dépit des progrès significatifs mais
variables, selon les Etats, l'organisation et la gestion du processus
électoral rencontrent de sérieuses difficultés qui
affaiblissent sa transparence et qui font obstacle à la
réalisation de ce qui est un objectif essentiel dans la
période
63 Cas du Togo lors des scrutins d'octobre 2007 et de
mars 2010.
64 Cas de la Guinée Conakry et du Niger lors
des élections présidentielles de 2010.
65 Accord signé entre l'ONU et la
République de la Côte d'Ivoire aux termes duquel l'ONU devait
certifier les résultats des élections présidentielles de
novembre 2010.
26
d'ancrage de la démocratie dans laquelle se trouvent
les pays en transition : l'acceptation des résultats
électoraux par les acteurs du scrutin. Elections comme moyen de
sorti de crises deviennent source de crises au point que l'on se demande si
l'irréversibilité proclamée de la démocratie
électorale africaine « fondationnelle » n'est finalement pas
réversible.
CHAPITRE II : UN VOLONTARISME
ELECTORAL
REVERSIBLE
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La mise en place de tissus normatifs et opératoires en
matière électorale constitue certainement un
élément de réussite dans la modernisation des
régimes politiques en Afrique noire francophone. Sur le plan normatif,
différents textes à portée juridique variable encadrent
désormais le jeu électoral en juridicisant des concepts tels que
la participation à la direction des affaires publiques, la
sincérité et la périodicité des élections,
l'universalité, l'égalité et le secret du suffrage. Sur le
plan opératoire, la création des commissions électorales
nationales indépendantes ou autonomes, à côté du
Ministère de l'Administration Territoriale, constitue une étape
importante de renforcement et de garantie des droits et libertés
fondamentaux.
Cependant, ce décor normatif et opératoire ne
doit pas masquer la réalité électorale africaine faite des
graves irrégularités, de crises et de violences. Ces critiques
formulées à l'encontre des processus électoraux tiennent
à l'incohérence des textes et institutions électoraux
(section1) qui sont tributaires de leur environnement socio-économique
(section 2).
SECTION I : UN DECOR JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL
INCOHERENT L'architecture normative et institutionnelle africaine en
matière électorale cache souvent des imperfections qui rendent
difficile voire impossible la mise en oeuvre de ces textes et institutions.
Cette situation s'explique par l'importation des textes et institutions
occidentaux (§ 1) d'une part et l'imprécision de
l'originalité textuelle africaine (§ 2) d'autre part.
PARAGRAPHE I : UN MIMETISME OCCIDENTAL INADAPTE
L'analyse du droit africain révèle, dans une large dimension, un
calquage du droit du colonisateur occidental. Ce mimétisme se manifeste
à plusieurs niveaux (A), et semble inadapté dans bien de cas aux
réalités africaines (B).
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