B- Création des commissions électorales
La mise en place d'institutions électorales
indépendantes des gouvernements apparait comme une réponse
appropriée à la méfiance manifestée à
l'égard des administrations électorales formatées dans la
culture du système du parti unique, de fait ou de droit, et des
régimes militaires d'exception47. Qualifiées par
certains comme étant la manifestation de l'imagination africaine en
matière d'ingénierie juridique48, ces nouvelles
institutions, quel que soit le nom qui leur est attribué49,
sont venues appuyer et enrichir le décor institutionnel et politique de
la troisième génération des régimes politiques
africains50.
Ces institutions procèdent en théorie de la
volonté de « soustraire les résultats des
compétitions à la suspicion d'illégitimité qui
pesait sur les scrutins organisés
45 Au Sénégal et au Cameroun.
46 Cas du Togo, du Benin, du Gabon...
47 El Hadj MBODJ, « Faut-il avoir peur de
l'indépendance des institutions électorales en Afrique ? »
op. cit. p.32
48 Du BOIS DE GAUDUSSON (J.), « Les
élections à l'épreuve de l'Afrique » in Cahier
Constitutionnel No 13 /2002.p.11
49 CENI au Togo, CENA au Bénin, CEI en
Côte d'Ivoire...
50 La première génération
correspond aux régimes directement hérités de la
colonisation, la seconde génération aux régimes politiques
monolithiques civils ou militaires, alors que la troisième
génération est celle des régimes pluralistes nés de
la vague de démocratisation de la dernière décade du
second millénaire. Voir SOMALI (K.): « Le parlement dans
nouveau constitutionnalisme en Afrique », Thèse, p.11
par le seul appareil
étatique.»51 La création des commissions
électorales correspond donc à un objectif précis, celui de
l'adhésion consensuelle de tous les acteurs de la vie politique à
la conduite des processus électoraux.
La décision de la Cour Constitutionnelle
béninoise du 23 décembre 1994 résume bien cette
philosophie. « La création de la commission électorale
nationale autonome (CENA), en tant qu'autorité administrative
indépendante, un organe disposant d'une réelle autonomie par
rapport au gouvernement, aux départements ministériels et au
parlement, pour l'exercice d'attributions concernant le domaine sensible des
libertés publiques, en particulier les élections honnêtes,
libres et transparentes (...) la création d'une commission
électorale indépendante est une étape importante de
renforcement et de garanties des libertés publiques et des droits de la
personne ; elle permet, d'une part d'instaurer une tradition
d'indépendance et d'impartialité en vue d'assurer la transparence
des élections, et d'autre part de gagner la confiance des
électeurs et des partis et mouvements politiques
»52.
Les nouvelles institutions électorales ont pour
vocation non seulement de garantir la confiance des électeurs et des
acteurs politiques mais aussi d'assurer la sincérité du scrutin
et des résultats en particulier. A l'expérience, il
apparaît que ces institutions ont contribué à instaurer la
confiance entre les acteurs et les protagonistes des
élections53 à l'exception de quelques
expériences malheureuses54. Pour assumer la mission qui leur
est confiée avec efficacité et pallier, à cet effet, les
insuffisances du Ministère de l'Intérieur, les commissions
électorales africaines sont dotées d'une indépendance.
Cette indépendance est à la fois existentielle et
fonctionnelle.
Parler de l'indépendance existentielle revient à
rechercher le fondement juridique des commissions électorales. Elles
sont constitutionnalisées dans certains cas55. Même
si la constitutionnalisation des commissions électorales
51 OULD AHMED SALEM (Z.), « L'observatoire
national des élections au Sénégal. Une
neutralité sous surveillance », Op. Cit. p.153
52 Décision de la Cour Constitutionnelle du
Benin du 23 décembre 1994.
53 Cas du CENA au Bénin, ONEL au
Sénégal en 2000.
54 Togo aux élections présidentielles de
1998 et 2003, Niger en 1996.
55 Bénin, Mali, Niger, République
Démocratique du Congo.
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pose certaines difficultés56, elle
présente un avantage indéniable. Placées hors de la
portée du législateur, les institutions électorales ne
pourront, dans le futur, être modifiées ou supprimées que
dans les conditions prévues par la constitution. Dans d'autres pays, ces
institutions sont des actes législatifs et sont issues, dans certains
cas même, des accords politiques. Dans tous les cas, ces institutions
bénéficient d'une indépendance vis-à-vis du pouvoir
exécutif et des autres organes de l'Etat.
S'agissant de l'indépendance fonctionnelle, il faut
relever, à ce niveau, que, dans la plupart des cas, les
compétences des commissions africaines sont larges. Elles vont de
l'organisation matérielle à la supervision des élections.
Toutefois l'effectivité de cette indépendance dépend du
bon vouloir de l'administration qui, généralement a la main mise
sur le matériel.
Cet effort institutionnel est appuyé par la recherche du
consensus dans l'organisation du scrutin.
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