B- La liberté de vote
La question ici se pose non en termes de droit de vote, mais
de la liberté de vote car les législations électorales
africaines ont consacré le suffrage universel. Ainsi contrairement aux
libertés d'action, la liberté de vote doit être
appréhendée sous le rapport de l'intériorité. Elle
vise l'autonomie de son titulaire. L'électeur opère
intérieurement son choix avant de l'exprimer dans l'urne. En effet, au
nom de la liberté démocratique, les nouvelles constitutions
africaines permettent aux citoyens de voter ou de ne pas le faire. Ils
bénéficient, en vertu de ce principe, en plus du droit de voter,
d'un véritable droit à
34 Voir Lexique de termes juridiques, Paris, Dalloz,
8e éd., 1990, p.79.
35 Loi n° 2000/015 du 15 Décembre 2000 du
Cameroun.
36 L'art.107 de la loi n°2006-25 du 5 janvier
2007 portant règles générales sur les élections au
Bénin, fixe le plafond à cinq millions de francs de
dépenses par candidat pour les élections législatives et
à cinq cent millions de francs pour l'élection
présidentielle.
37 Les ressources privées regroupent, en
dehors des ressources propres des partis, les dons et legs, les aides provenant
de personnes privées tant nationales qu'étrangères. Aux
termes de l'art.35 al.3 de la loi n° 2001-21 du 21 février 2003
portant charte des partis politiques au Bénin, « le montant des
dons et libéralités éventuels de source extérieure
au Bénin provenant de personnes physiques ou morales et destinées
à un parti politique ne doit en aucun cas dépasser le tiers (1/3)
du montant total des ressources propres de ce parti ». Au Togo, l'art.19
de la charte des partis politiques précise que « le montant des
ressources éventuelles provenant de l'extérieur ne doit pas
excéder 25 % du montant total des ressources du parti ».
38 Voir art. 33 de la charte des partis politiques du
Bénin ; art. 18 de la charte des partis politiques du Togo ; art. 20 de
la charte des partis politiques du Gabon.
l'abstention. Mais la liberté du vote requiert aussi
l'absence de pressions sur les électeurs. C'est pourquoi, lorsqu'ils
choisissent de voter, les Constitutions garantissent le secret de leur vote.
La faculté de dire oui ou non, de faire ou de ne pas
faire, est le fondement du suffrage universel et donc, de la démocratie.
Nul ne doit être contraint de participer à la désignation
des gouvernants. La liberté de l'électeur implique son droit de
ne pas participer au vote s'il ne le désire pas. Si certains Etats
occidentaux ont opté pour le vote obligatoire39 pour lutter
contre l'abstention40, les Etats africains, à l'instar du
Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo ont
choisi de ne pas rendre le vote obligatoire. Leurs constitutions ne le
prévoient pas expressément mais aucune sanction ne figure dans
les lois électorales à l'encontre des abstentionnistes. Les
électeurs disposent donc d'un véritable droit à
l'abstention car toute obligation implique une sanction. Mais lorsque
l'électeur choisit de se prononcer dans tel ou tel sens, son choix reste
secret : c'est le secret de vote.
Le secret du vote est sans doute l'un des principes
fondamentaux du droit de suffrage car c'est ce qui en garantit une expression
démocratique. En effet, le vote est un droit personnel dont l'exercice
implique des procédures « individualisantes ». Quelle que soit
sa catégorie sociale, l'électeur doit être le seul
témoin de son vote. Ainsi, le vote secret a pour effet de
protéger le faible des pressions du fort. Sa préservation suppose
la prise de deux précautions. D'abord, le secret du vote requiert
l'instauration du vote écrit par bulletin41 car,
comparé à la déclaration orale, celui-ci permet une plus
grande confidentialité du vote. En Afrique, comme dans toutes les
démocraties actuelles, les électeurs expriment leurs votes sur
des bulletins qu'ils déposent dans des urnes conçues à cet
effet. Ensuite, la protection totale du secret du vote est-elle assurée
par l'utilisation d'isoloirs. Car, comme l'a écrit GOODWIN-GILL, «
le moyen le plus efficace de préserver la liberté de
l'électeur est bien d'éviter que le sens de son vote ne soit
connu : ainsi, il n'est plus tenu par les promesses ou engagements qui lui
auraient été indûment extorqués et il est à
l'abri des
39 L'Autriche et la Belgique par exemple.
40 Voir BRACONNIER (C) et DORMAGEN (J-Y), «
la démocratie de l'abstention » édition Gallimard,
2007, p.27
41 MARTIN (P.), Les systèmes électoraux,
cité par Simon DAKO, op.cit., p.116
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menaces de ceux à qui son vote déplairait et
qui pourraient avoir prise sur lui ».42
Les droits électoraux, une fois garantis par des
textes, les Etats africains ont fait dans la plupart des cas, preuve
d'originalité en créant des institutions pour l'organisation des
scrutins électoraux.
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