PARAGRAPHE II : CONSECRATION DES DROITS ELECTORAUX
On note, pour s'en féliciter, l'acceptation
générale, en Afrique, du principe de l'organisation
d'élections libres et transparentes à intervalles
réguliers. Le citoyen africain se trouve ainsi conforté dans son
droit de choisir ou de sanctionner les dirigeants au moyen de sa carte
d'électeur. Il n'est donc pas nécessaire de recourir à la
violence ou à la désobéissance civile pour exprimer sa
désapprobation. L'échéance électorale lui permet
d'exprimer sa citoyenneté, de demander des comptes aux gouvernants et
d'exiger la prise en charge de ses aspirations. Pour qu'il en soit ainsi,
certains droits lui sont formellement consacrés dont les plus essentiels
et indispensables sont l'égalité de traitement des candidats (A)
d'une part et le droit de vote (B) d'autre part.
26 Article 58 de la constitution du
Sénégal.
27 Loi 07/OO8 du 04 décembre 2007 portant
statut de l'opposition.
28 Loi 95-073du 15 décembre 1995 portant
statut de l'opposition en République du Mali. Art. 1er : la
présente loi a pour objet de conférer un statut juridique
à l'opposition dans un cadre démocratique et pluraliste aux fins
de contenir le débat politique dans les limites de la
légalité et d'assurer l'alternance pacifique au pouvoir. Art. 2:
on entend par opposition politique un ou plusieurs partis distincts du parti ou
de la coalition de partis politiques constituant le gouvernement ou soutenant
l'action gouvernementale. Elle constitue un élément essentiel de
la démocratie pluraliste.
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A- Traitement égalitaire des candidats
L'égalité de traitement des candidats suppose,
en amont, la possibilité, pour tout citoyen remplissant les conditions
posées par le code électoral, d'être éligible.
L'éligibilité est « la capacité juridique à se
porter candidat à une élection politique ou non
»29. Ces conditions tiennent souvent à l'âge,
à la nationalité, au niveau d'instruction ou à la
résidence continue....Les conditions d'éligibilité ne
doivent pas être destinées à exclure certains du droit
d'être éligible mais à garantir que le futur Chef d'Etat ou
mandataire présente les aptitudes et capacités nécessaires
pour diriger. Une fois éligibles, les candidats doivent être
traités de façon égalitaire, ceci, lors de la campagne
surtout.
La campagne électorale étant l'ensemble des
activités de propagande par lesquelles les candidats, les partis
politiques etc., invitent les électeurs convoqués pour un scrutin
déterminé à s'y prononcer dans tel ou tel
sens30, constitue une période cruciale du scrutin.
C'est la période au cours de laquelle les candidats ou les coalitions
des partis politiques s'adressent aux électeurs en leur dévoilant
leurs projets de société, leur programme, bref la politique qui
sera exécutée si le choix est majoritairement porté sur
eux. Le mauvais déroulement de la campagne électorale pour
quelques raisons que ce soit, aurait une incidence négative sur la
fiabilité et la sincérité du scrutin.
Pour le Professeur Maurice KAMTO, «
l'égalité du traitement des candidats par les médias lors
de la campagne électorale est l'une des conditions essentielles de la
préservation de la liberté de choix des électeurs et de
l'égalité de chances des candidats. C'est donc une des pierres
angulaires de la démocratie »31. Dans ce cas, la
réglementation de l'accès des candidats aux médias devient
un impératif du processus de désignation des
délégataires du pouvoir politique.
Les législateurs africains n'ont pas
échappé à ce devoir. Conscients de cet impératif,
les Etats africains, du moins dans leur majorité, dans le souci
d'organiser des élections crédibles, ont inséré,
dans leurs législations électorales, des règles qui
gouvernent l'accès aux médias surtout publics en
29 BIDEGARAY, (ch.) « L'éligibilité
», Dictionnaire du vote, p. 404
30CORNU (G.), vocabulaire juridique,
1ère édition, 1987
31 KAMTO (M), « Le contentieux électoral
au Cameroun », Lex Lata, n° 020, novembre 1995, p.8.
période électorale. Ainsi aux termes de l'art.
94 du code électoral du Togo, « tout candidat ou liste de candidats
dispose, pour présenter son programme aux électeurs, d'un
accès équitable aux moyens officiels d'information et de
communication dans le respect des procédures et modalités
déterminées par la Haute Autorité de l'Audio-visuel et de
la Communication ». L'art. 68 de la loi 2006-25 du 5 janvier 2007 portant
règles générales pour les élections en
République du Bénin apporte des précisions sur les moyens
dont il s'agit. On y retrouve la radiodiffusion, la télévision et
la presse écrite. Les prérogatives de régulation
reviennent également à la Haute Autorité de l'Audiovisuel
et de la Communication (HAAC)32. Au Gabon, l'art. 95 de la
Constitution qui traite de la question dispose qu'il est institué un
Conseil National de la Communication (CNC) chargé, entre autres, de
veiller au respect de l'expression de la démocratie et de la
liberté de la presse sur l'étendue du territoire, au traitement
équitable de tous les partis politiques et au respect des règles
concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des
émissions relatives aux campagnes électorales. L'instance de
régulation arrive, quelques fois, à faire corriger les injustices
relevées dans la couverture des campagnes électorales par les
médias d'Etat, ce qui constitue une avancée en matière
électorale.
L'égalité de traitement des candidats implique
aussi une égalité devant les moyens financiers. La «
campagne électorale est une grande consommatrice d'argent
»33. Elle nécessite des ressources que tous les citoyens
désireux d'être candidats ne sont pas en mesure de mobiliser.
Souvent les candidats au pouvoir utilisent les deniers publics pour les besoins
de leur campagne électorale, possibilité dont ne disposent pas
ceux de l'opposition. Ceci contribue à fausser le jeu électoral.
Cette réalité ainsi que la nécessité de respecter
l'égalité du vote ont conduit à l'élaboration de
certaines normes relatives non seulement aux dépenses de campagne mais
aussi aux ressources mobilisables afin de les couvrir.
32 Voir art.142 de constitution béninoise du
11 décembre 1990 et art.68 de la loi n°2005-14 du 28 juillet 2005
portant règles générales pour les élections en
République du Bénin, J.O de la République, 1er
janvier 2006.
33 DAKO (S.), « Processus électoraux et
transitions démocratiques en Afrique Noire francophone. Etude des cas du
Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Sénégal et du Togo »
; Thèse de Doctorat, Université d'Abomey-Calavi, 2008, p.215.
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S'agissant du premier aspect, on a assisté à une
règlementation des dépenses électorales. Dans une
élection, les dépenses des candidats sont constituées par
le cautionnement et les dépenses de propagande électorale. Le
cautionnement électoral est défini comme « la somme d'argent
que doit déposer le candidat à une élection et qui lui est
remboursée s'il obtient un certain pourcentage de suffrage a pour but de
décourager les candidatures fantaisistes ».34 Si les
Etats comme le Cameroun et le Gabon offrent une liberté de
détermination de ces dépenses35, d'autres à
l'instar du Benin et du Togo, ont prévu des plafonds de dépenses
pour toutes les élections36. Concernant les moyens de
financement, les lois prévoient deux catégories de ressources :
les ressources privées37 et le financement
public38.
Somme toute les candidats à un scrutin
bénéficient d'un traitement équitable, du moins
théoriquement, garantissant la possibilité pour chacun
d'être élu, mais encore faut-il que les électeurs disposent
d'une véritable liberté de vote.
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